La Presse Bisontine 134 - Juillet-Août 2012

BESANÇON

La Presse Bisontine n° 134 - Juillet-août 2012

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SPECTACLE

Jean-Louis Tissot

Jean-Louis Tissot quitte la direction de Micropolis après avoir occupé cette fonction pendant 16 ans. Avant son départ en retraite, il dresse son bilan sans langue de bois, fidèle à ses habitudes. “Quand on fait du rentre-dedans, on défonce les portes sans difficultés”

À bientôt 66 ans, Jean- Louis Tissot aspire au calme désormais.

Medtec, le salon des technolo- gies médicales que nous per- dons au profit de Lyon parce que des décideurs locaux vou- laient préserverMicronora.Dans cette affaire, nous avons joué “petits bras”, protectionnistes, et finalement il s’en va.Or, quand on a moins d’atouts que les autres, ce qui est le cas de Besan- çon par rapport à Lyon, il faut être meilleur en terme d’accueil, un point sur lequel nous avons été délibérément mauvais. Il ne fallait pas laisser partir le Med- tec. Ce salon était intéressant pour le pôle médical qui est une réalité du tissu économique local comme le sont les microtech- niques. Au lieu de redouter la concurrence entre deux salons, il fallait au contraire créer les conditions d’un partenariat entre Micronora et le Medtec. Ce que je pressens maintenant, c’est que Micronora sera progressi- vement dépecé au profit d’autres salons spécialisés qui émergent. L.P.B. : La Chambre de commerce et de l’industrie avait imaginé déména- ger le centre des congrès à l’extérieur de Besançon. Cela ne fera pas. Cepen- dant l’idée est-elle intéressante ? J.-L.T. : Ce projet ne tenait pas. Il faut 20 hectares pour un parc comme celui-ci, hors dans le pro- jet de la C.C.I. les réserves fon- cières étaient de 9. L’investis- sement est de 150 millions d’euros au minimum. La solu- tion est donc de garder le parc là où il est. En revanche, il faut régler le problème du station- nement. Nous avons besoin de 1 500 places extérieures sup- plémentaires. C’est indispen- sable. L.P.B. : On dit parfois que Besançon a des complexes d’infériorité vis-à-vis d’autres capitales régionales comme Dijon. Quemanque-t-il à cette ville pour prendre une dimension nouvelle ? J.-L.T. : Les espaces géographiques qui s’en sortiront, sont ceux qui seront transformés par la volon- té forte d’un individu. Georges Frêche a transformé Montpel- lier, qu’on le veuille ou non. Ce n’est pas en procédant à une accumulation de structures, y compris les structures écono- miques qui ne font que diluer les compétences, que nous par- viendrons à créer une dyna-

en fera. La première est de gar- der une neutralité absolue vis- à-vis des gens que l’on rencontre. Il n’y a pas de place dans ce métier pour des considérations politiques, religieuses, etc. La seconde est de se focaliser sur un objectif unique : l’intérêt de la société. Tout doit concourir à cela, et chaque collaborateur doit avoir cet objectif en tête. La troisième est la nécessité d’en- tretenir un climat de respect mutuel en interne quel que soit le niveau de responsabilité de

chacun. Person- nellement, j’ai suivi à la lettre ces trois règles qui ont permis à Micropolis de se développer, et de disposer d’une équipe remar- quable de 36 per- sonnes qui travaillent là en per- manence. L.P.B. : Vous êtes entré à Micropolis en 1996 alors que le parc des expo- sitions était en difficulté. Vous l’avez sorti de l’ornière. Quelle est la situa- tion actuelle ? J.-L.T. : En 16 ans, le chiffre d’af- faires de Micropolis a été mul- tiplié par 3,5. Il était de 1,8 mil- lion d’euros. Il est de 6,3 millions d’euros au terme du dernier exercice. C’est lameilleure année. Cela nous place aumême niveau que Dijon, mais devant Nancy et Mulhouse, des villes dont le parc des expositions était net- tement devant nous il y a quin- ze ans. J’ai une certaine fierté car je n’ai connu aucun résul- tat négatif. L.P.B. : Que représente la part des salons dans le bilan de Micropolis ? J.-L.T. : Les salons représentent 65 % du chiffre d’affaires dont 25 % pour la seule foire-expo- sition. 22 % proviennent de l’ac- tivité bar et restauration qui est une spécificité du parc de Besançon. Les concerts ne repré- sentent que 3,5 % du chiffre. L.P.B. :Y a-t-il une recette “Jean-Louis Tissot” de la réussite ? J.-L.T. : La recette a été pour moi de quitter la fonction publique dans laquelle je travaillais et de prendre, à 50 ans, le risque d’entrer totalement dans le pri- vé. Ce changement m’a donné de la volonté et la détermina- tion car je me suis placé dans une situation où je n’avais pas la possibilité de revenir en arriè- re. Ensuite, j’ai mis en applica- tion les trois principes énoncés précédemment en y ajoutant quelques qualités personnelles comme l’envie de créer. L.P.B. : Vous êtes connu pour votre franc-parler. Cela ne vous a-t-il jamais posé de problèmes ? J.-L.T. : Non, cela ne m’a jamais joué de tours. Quand j’ai des choses à dire, je les dis. C’est d’ailleurs pour cela que je ne fais pas de politique. Je me suis aperçu qu’une personne qui fait du rentre-dedans défonce les portes sans difficultés. Ce qui me frappe aujourd’hui, c’est le manque de courage des gens. On n’ose plus donner son avis, exprimer ses idées, ses senti- ments. Le monde politique est plein de personnes comme cela. L.P.B. :Avez-vous des regrets au cours de ces seize années ? J.-L.T. : J’ai un regret, c’est le “J’ai un regret, c’est le Medtec.”

L a Presse Bisontine :Vous quit- tez la direction de Micropolis à la fin du mois de juin. Qu’al- lez-vous faire une fois en retrai- te ? Jean-Louis Tissot : C’est un peu l’inconnue. Je ne sais pas com- ment les choses vont se passer. J’ai des projets personnels com-

me continuer à pratiquer une intense activité sportive. En revanche, dans l’immédiat, je n’ai pas envie de m’investir dans le milieu associatif. Est-ce le fait d’avoir croisé beaucoup de mon- de dans le cadre de mon métier, en tout cas j’aspire à un peu de solitude. J’ai eu mon compte de

foule, je ne suis pas sûr que cela me manquera. L.P.B. :Votre successeur est Didier Sik- kink. Lui avez-vous donné quelques conseils qui pourraient l’aider dans sa fonction de directeur ? J.-L.T. : Je lui ai laissé trois consignes, je ne sais pas ce qu’il

COMMERCE Un conflit qui dure Manquer la rentrée littéraire pourrait être fatal à Campo Jean-Jacques Schaer, le patron de la librairie du centre-ville affirme être en contact avec deux repreneurs sérieux de la librairie. Une vente pourrait être finalisée dans les prochains jours. Pour les professionnels du livre, il y a urgence car c’est maintenant que se préparent les rentrées littéraires et scolaires dans les librairies. Un rendez-vous vital.

L e suspense pour Camponovo a assez duré. Les 39 salariés sont las. “La seule chose que l’équipe veut, c’est que cette librairie soit vendue et qu’elle vive” soupirent les délégués du personnel. Ils sont éprouvés mais ils ne rendent pas les armes. Ils conti- nuent à se mobiliser pour conserver leur outil de travail, celui que Jean- Jacques Schaer, le P.D.G. de l’enseigne, les accuse d’avoir “cassé.” C’était en décembre 2008, un samedi. Ce jour-là “les Campos” ont débrayé pendant deux heures pour contester la transforma- tion d’une prime en bons d’achat. Le patron suisse de la boutique n’a guère apprécié l’initiative collective. Dans la foulée, il a licencié trois personnes qui se sont défendues aux prud’hommes et qui ont gagné. Le temps n’a pas atté- nué l’amertume de Jean-Jacques Schaer. Au contraire, les rapports entre lui et ses collaborateurs n’ont pas cessé de se dégrader. Récemment, dans l’Est Répu- blicain, il a qualifié la librairie de “nid de gauchos” qui lui ont “chié dans les bottes.” Si ce chef d’entreprise est libre

de vendre sa société aujourd’hui, sans avoir de comptes à rendre à quiconque puisqu’il s’agit d’une affaire privée, ses proposméprisants et insultants à l’égard du personnel donnent à son projet l’odeur nauséabonde du règlement de comptes. C’est l’heure du grand déballage sur la place publique en réponse au débraya- ge de 2008. “Ces propos, je les assume ! Je le répète, ce sont eux qui ont cassé leur outil de travail. Quand on appel- le au boycott d’une société comme ils l’ont fait, il faut en mesurer les consé- quences” déclare, d’un ton posé, Jean- Jacques Schaer qui estime avoir de bonnes raisons d’accabler les coupables tout trouvés. Si Campo rencontre des difficultés économiques, ce serait donc à cause d’eux, les salariés. Pourtant, selon nos informations, il y aurait eu des erreurs de stratégie dans les choix de la direction. Camponovo se serait mis dans une situation délicate en se lançant sur le marché de la ven- te à terme qui consiste à répondre à des appels d’offres lancés par de grandes bibliothèques par exemple qui cher-

chent ainsi des fournisseurs. “C’est un marché spécifique, qui engage des inves- tissements importants pour des marges réduites. Ce développement, s’il est mal géré, plante la gestion quotidienne de la librairie” note un observateur du marché du livre. “C’est n’importe quoi. Ces commentaires sont des âneries de personnes qui n’ont rien compris au métier. La stratégie, c’est que des gens ont décidé de mettre Camponovo par terre, un point c’est tout” s’énerve enco- re Jean-Jacques Schaer qui se dit fati- gué maintenant par toute cette histoi- re. En tout cas, dénigrer ses collaborateurs est une curieuse manière de mettre en confiance un repreneur potentiel. Il y en aurait pourtant trois, “dont deux de sérieux qui veulent continuer la librai- rie. Cela doit être finalisé dans les jours à venir” annonce le patron de Campo- novo. Dans le magasin de la Grande rue, on ne se réjouit pas encore. Cha- cun se méfie des effets d’annonce du boss. “En tout cas, à ce jour, il n’y a pas de signature. Il n’y a pas de licencie- ments non plus. Il nous tient dans le flou” notent les délégués du personnel. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a urgence à agir pour que Camponovo reste une librairie. En effet, la situation actuel- le l’empêche de préparer dans de bonnes conditions la rentrée littéraire et la rentrée scolaire de septembre. Le risque est qu’elle ne finisse par passer à côté de ces deux événements, ce qui serait fort préjudiciable. “On réalise environ 50 % de notre chiffre d’affaires sur les quatre derniers mois de l’année !” Man- quer la rentrée pourrait donc coûter la vie à Campo. T.C.

mique. Cet hom- me ou cette femme politique providentiel manque à notre territoire. Nous avons plus ici de “fonctionnaires politiques” qui sont animés par un intérêt per- sonnel. Ce n’est pas avec cela qu’on emmène les foules. Propos recueillis par T.C.

La librairie Camponovo de Besançon devrait être vendue comme celle de Dijon. Des manifesta- tions de soutien ont lieu réguliè- rement place du 8-Septembre.

“Nous avons ici

des “fonc- tionnaires politiques.”

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