La Presse Bisontine 133 - Juin 2012

BESANÇON 18

La Presse Bisontine n° 133 - Juin 2012

LE FEUILLETON DU TRAM

La question des indemnisations

Les commerçants lésés n’y croient guère Alors que la commission d’indemnisation du tram s’est déjà réunie à trois reprises, aucune demande

n’a encore été satisfaite. Les commerçants sur le tracé ne cachent plus leur lassitude.

S ophie Demonet garde son cal- me. À quoi bon vociférer contre des médiateurs du tram qui n’apportent strictement rien ou contre des élus qui semblent ne pas avoir pris la mesure des dégâts ? Pour elle qui tient le tabac-presse La Régence au 1, Grande rue à Besançon, à l’entrée du pont Battant, c’est “un chiffre d’affaires qui a baissé de 60 % quasiment du jour au lendemain.” Alors pour tenter de pallier autant que pos- sible cette chute vertigineuse de l’activité, “j’ouvre plus tard le soir en fin de semaine. De toute façon quand la pelleteuse est devant la porte, c’est impossible d’ouvrir le magasin. Alors je ferme…” dit-elle presque résignée. Le ton se fait beaucoup plus vif de l’autre côté du pont, dans l’autre tabac- presse du secteur directement boule- versé par les travaux. Marie-Made- leine Roquelet estime, depuis le démarrage des travaux quai Veil-Picard, à “au moins 30 % de moins” son acti- vité. Aucune circulation, plus d’arrêt de bus, une barrière grillagée devant le trottoir, rien n’incite en effet à bra- ver le passage. Depuis le 10 octobre dernier, elle vit un enfer. “Voilà huit ans que je suis installée ici, je n’ai jamais fait des journées aussi calmes.” A 61 ans, Marie-Madeleine Roquelet devrait partir en retraite. Impossible de vendre actuellement et pour cau-

plusieurs commerçants bisontins ont déjà envoyé une demande d’indemnisation à la C.I.A.T. (Com- mission d’indemnisation à l’amiable du tramway), présidée par Gabriel Mignot et Daniel Tricot, respective- ment ancien président de chambre à la cour des comptes et ancien prési- dent de la chambre commerciale de la cour de cassation. Pour l’instant, tous les deux jouent aux abonnés absents auprès des médias. L’omertà est la règle du moment. Selon nos informations, sur les six pre- miers dossiers examinés par cette com- mission composée de représentants du commerce, de l’artisanat et de syn- dicats patronaux, aucun n’a reçu le feu vert pour une indemnisation. Par- fois la commission demande des com- pléments d’information. C’est le cas auquel est actuellement confrontée M me Roquelet du Balto. “J’ai déposé ma demande le 16 janvier. Près de six mois après, je n’ai toujours pas eu de réponse définitive. Une analyse comp- table de mon activité a été présentée devant la C.I.A.T. le 13 avril. Cette commission me réclame une nouvelle demande chiffrée et expliquée” ajoute découragée la buraliste dont le dos- sier vient de repasser à la commission du 14 mai. Pendant que Marie-Made- leine Roquelet explique ses déboires, un lourd engin à chenilles arrive devant le Balto. C’est la bruyante phase d’installation des pieux de soutène- ment du quai qui débute… Sophie Demonet qui constate une situa- tion encore pire depuis le mois de février, tentera elle aussi de plaider sa cause auprès de la C.I.A.T. Sans grand enthousiasme non plus. “J’envoie une demande, mais ce n’est pas dans un an qu’il ffaudra indemniser les gens. Pour beaucoup, ce sera trop tard. Les charges, à nous, on ne nous en fait pas cadeau, y compris la ville quand elle réclame une taxe pour poser nos panneaux sur le trottoir. J’ose espérer qu’ils n’auront pas le toupet de me fai- re payer cette année ! On nous prend vraiment pour des idiots” lance la com- merçante. L’avis positif des membres de la C.I.A.T. ne signifie pas pour autant que les dossiers seront acceptés. Après

Sophie Demonet du tabac-presse le Régence, vers le pont Battant : - 60 % de chiffre d’affaires estime-t-elle.

l’éventuel avis de recevabilité, les experts-comptables mandatés par la C.A.G.B. analysent le dossier plus fine- ment. Sur les premières commissions qui se sont déjà réunies, les commis- saires ont transformé en dossiers rece- vables des demandes qui avaient pour- tant été jugées irrecevables par les techniciens de la C.A.G.B. Mais cela ne signifie pas pour autant que le com- merçant concerné obtiendra gain de

cause. Car en dernier ressort, c’est le président de l’agglomération Jean- Louis Fousseret qui a le dernier mot. Après celle du 14 mai, deux autres C.I.A.T. sont programmées avant l’été : le 11 juin et le 9 juillet. Des commis- sions se tiendront à intervalles régu- liers jusqu’en 2016. Pour tenter de trouver des solutions alternatives, l’Union des commerçants a missionné le cabinet bisontin Alte-

réa qui prépare un groupe de pilota- ge dédié au sujet. “On essaie d’orienter les gens et de créer un groupement d’employeurs destiné à trouver des réponses plus appropriées. Mais on a l’impression que l’impact du tram n’a pas été forcément bien mesuré par tous” note CélineWeber,du cabinet Alteréa. En attendant les solutions, les com- merçants continuent de trinquer. J.-F.H.

se. Alors la commer- çante devra attendre encore au moins trois ans pour espérer revendre son fonds de commerce dans des conditions acceptables. “La seule réponse qu’ils sont capables de m’apporter, c’est d’être patiente ! Alors les médiateurs viennent nous donner de temps en temps des Free Pass. C’est comme un os qu’on donnerait à un chien ! Tous ces gens sont des incapables” s’emporte la buralis- te excédée. À l’image de ces deux buralistes du quartier,

“C’est comme un os qu’on donnerait à un chien !”

Fermé à la circulation depuis le 10 octobre dernier, le quai Veil-Picard est en plein travaux. Au grand dam des commerces qui subissent de plein fouet, sans indemnisation pour le moment.

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