La Presse Bisontine 130 - Mars 2012

ÉCONOMIE

La Presse Bisontine n° 130 - Mars 2012

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FRONTIÈRE

Vu de Suisse Français, bienvenue en Suisse ! I l faut s’en réjouir : la cohabita- tion entre les Suisses et les fron- taliers est plutôt heureuse dans les cantons de Vaud et de Neu- châtel. Les hostilités des autoch- lier le Haut-Doubs, ont intérêt àmarier leurs efforts avec l’Arc Jurassien pour se construire un destin commun. Au regard de ce qui se passe dans la val- lée de Joux, où des Français ne tra- vaillent pas seulement en Suisse mais s’investissent aussi dans les clubs spor- tifs locaux, on se dit que ce chantier a déjà débuté. vous avez la main-d’œuvre. Nous avons des compétences communes, dans l’horlogerie par exemple, qui aboutis- sent à des formations communes.Voilà l’avenir à suivre. Je reconnais volon- tiers qu’actuellement le système n’est pas sain puisque la France finance des formations à des élèves qui vont ensui- te travailler en Suisse. Cependant, à mon sens, il faut concevoir cette région frontalière comme une zone de co-déve- loppement.” Les cantons de Vaud et de Neuchâtel sont de ceux où les travailleurs frontaliers sont plutôt bien accueillis. Cette forme de sympathie réciproque est un facteur favorable dans la construction d’une région transfrontalière voulue par certains.

tones à l’encontre des pendulaires sont plus sporadiques et moins véhémentes, comparé à ce qui se passe dans le can- ton de Genève où le parti M.C.G. (Mou- vement citoyens genevois) gagne du terrain dans l’opinion publique avec des slogans sans équivoque : “Réser- vons les emplois aux Genevois, Fron- taliers assez !” Le M.C.G. affuble de tous les maux ces maudits français qui prennent, selon lui, leur travail aux Suisses de souche. Si tel devait être le cas, le constat ne se vérifie pas dans le canton de Neu- châtel où le taux de chômage avoisine les 4,5 % (2,8 % en Suisse), soit un point de moins qu’à Genève. 9 000 fronta- liers travaillent dans ce canton (10 % des actifs), et un peu moins de 20 000 dans le canton deVaud (6 % des actifs). “Dans le contexte économique actuel, on engage à la fois plus de Suisses et plus de frontaliers. Cette idée que les Français piquent nos places dans les entreprises est tout à fait fausse. Il faut sortir de ce raisonnement-là” insiste le Neuchâtelois Jacques-André Tschou- my, président du Forum Transfronta- lier. Ce spécialiste des problématiques transfrontalières est même convaincu que, la Franche-Comté et en particu-

Le canton de Neuchâtel emploie 9 000 frontaliers et celui de Vaud un peu moins de 20 000.

Pour beaucoup de Français et de Suisses, la frontière qui sépare nos deux pays est devenue imperceptible. Pourtant, c’est bien cette limite administrative qui donne à ces territoires limitrophes des spécificités. N’est-ce pas la proxi- mité de la Suisse qui tire vers le haut les prix de l’immobilier dans le Haut- Doubs ? Le petit commerce helvétique de La Chaux-de-Fonds ou du Locle ne déplore-t-il pas la fuite d’une partie de sa clientèle qui a intérêt à consommer en France, à Pontarlier, à Morteau, à Villers-le-Lac ? Le rapport monétaire entre le franc suisse et l’euro y est pour beaucoup dans l’évolution de la plu- part des problématiques transfronta- lières actuelles. Elles sont accentuées par les accords bilatéraux qui autori- sent la libre circulation des personnes, ratifiés par la Suisse en 2002. À écouter Jacques-André Tschoumy, le débat ne peut pas se cantonner à la question financière. “La Suisse a la chance d’avoir la Franche-Comté tou- te proche pour assurer son développe- ment économique. Nous avons l’emploi,

La Franche-Comté et l’Arc Jurassien auraient donc beaucoup à partager, comme Bâle et Mulhouse, une agglo- mération transfrontalière qui est un bel exemple de co-développement. Elle est devenue un carrefour européen. Les gens habitent dans ce coin d’Alsace, travaillent en Suisse et consomment enAllemagne où les produits de consom- mation courante sont moins chers. Preuve de cette mobilité, de passage dans le Haut-Doubs en novembre der- nier, Michel Faillettaz le Consul géné- ral de Suisse à Lyon, a indiqué qu’actuellement “180 000 Français vivent en Suisse et autant de Suisses vivent en France. Depuis le mois de mai, nous avons enregistré une augmenta- tion de 2 500 personnes sur le nombre de Suisses immatriculés en France.” La Suisse a peut-être les emplois, nous avons encore le cadre de vie. T.C.

EMPLOI Tensions sur le marché Une charte de bonne conduite avec Swatch Les autorités françaises se mobilisent pour que l’implantation annoncée d’une nouvelle usine Swatch à la frontière franco-suisse de Boncourt (Jura suisse) ne vide pas les usines françaises de leurs salariés. L a méfiance, elle existe parfois des deux côtés. Ici, ce sont les auto- rités françaises qui veulent se prémunir contre les risques que pourrait représenter l’arrivée de Swatch en 2013 à Boncourt (vers Delle), celui de vider les entreprises françaises de sa main-d’œuvre qua- lifiée. Car à d’ici 2020, c’est près de 1 000 nouveaux emplois que le grou- pe Swatch devrait créer ici, à la lisière du Doubs et du Territoire-de- Belfort. Dès 2013, 200 salariés devraient déjà travailler dans ce nouveau site et l’activité devrait croître, selon les prévisions de l’horloger suis- se, durant plusieurs années, “pour atteindre 800 à 1 000 emplois à l’horizon 2020.” Pour la première fois dans les relations franco-suisses, un dialogue a été engagé pour anticiper cette création massive d’emplois qui para- doxalement effraie les industriels français. “L’idée est que cette implan- tation se fasse dans de bonnes conditions des deux côtés de la frontière : en créant une offre de formation nouvelle qui pourrait être destinée aux

ÉDUCATION Le modèle suisse séduit les Français Pourquoi Polytechnique à Lausanne séduit-elle des Bisontins ? À Lausanne en Suisse, l’E.P.F.L. forme des ingénieurs du monde entier dont des Français toujours plus nombreux. Le Bisontin Grégoire Virard en fait partie. Son diplôme en poche, il a 98 % de chance de dégoter un job dans les six mois. Rencontre. U n bâtiment futuriste, telle une soucoupe volante posée délicatement au bord du “ L’aspect financier a été pour moi une pression” ajoute-t-il. Mais

demandeurs d’emploi français, qui évite ainsi à Swatch de venir “piquer” les salariés dans les entreprises françaises” résume un acteur de ce dossier. Tous les organismes de formation positionnés sur la méca- nique (C.F.A.I., etc.) seront donc mobilisés pour adapter rapidement leurs offres de formation. Swatch est parte- naire de cette initiative originale pilotée côté français par les services de l’État et le Conseil régional de Franche- Comté. Cette nouvelle offre de formation à mettre en pla- ce avant la fin de cette année comprendra deux volets : un socle de compétences généraliste et un volet de spéciali- sation conduisant à des qualifications propres aux besoins des entreprises. “Parallèlement, la piste d’un groupement d’employeurs sera étudiée, et l’élaboration conjointe avec nos partenaires suisses d’une “charte de bonne conduite” sera engagée” assurent de concert l’État et la Région. J.-F.H.

Swatch est partenaire de cette initiative.

scientifique avec une moyenne égale ou supérieure à 14/20 dans les branches de maths, physique, français et une langue vivante. “ Les Français sont 1 300 étudiants et doctorants, un chiffre en augmentation” rapporte Maya Frühauf, responsable du domaine de la promotion des formations Bachelor. “ Ce sont de bons élèves qui ont un niveau plus élevé que les Suisses lorsqu’ils arrivent. Au cours des années, cette différence de niveau s’estompe…” déclare de son côté Daniel Chuard, responsable du domaine de la formation. Le Bisontin Grégoire Virard en fait partie. Il a quitté le lycée Jules-Haag en 2006 pour atterrir ici afin de préparer unMaster en énergie et développement durable : “ Il existe ici des formations que l’on ne retrouve pas en France et des conditions de stages uniques” dit- il. L’année prochaine, son école lui a trouvé un stage aux Émirats-Arabes. “ Une chance” selon lui. Sa petite sœur l’a rejoint à l’Université de Lausanne. L’inscription à l’E.P.F.L.est peu coûteuse (630 francs suisses, soit environ 1 000 euros) mais la location d’un appartement et le coût de la vie restent élevés. “ Une année d’étude revient à environ 22 000 euros” calcule le Bisontin expatrié. Des aides sont possibles.

l’investissement sera vite rentabilisé… Revers de la médaille : face à l’afflux, l’école publique suisse devra sélectionner plus strictement ses futurs étudiants. À l’heure des orientations scolaires, la Suisse offre un bon cap. E.Ch.

magnifique Léman. C’est ici, à Lausanne, que 7 762 élèves révisent leurs cours dans le “Rolex learning Center”, nom donné à ce lieu d’études de 900 places.Dans un cadre unique, L’école polytechnique fédérale de Lausanne (E.P.F.L.) forme des ingénieurs et architectes de niveau Master (Bac + 5) encadrés par près de 3 000 scientifiques. Personne ne cache qu’une partie des bâtiments a été financée en totalité par des entreprises privées comme Rolex,mais aussi Nestlé, le Crédit Suisse, Novartis, Bouygues et Logitech. En Suisse, la vie étudiante se fait à laméthode américaine.Qualité de vie et de travail offrent à cette école la 32 ème place dans la hiérarchie des meilleures universités au monde, derrière Cambridge, première,Harvard ouYale, et au 2 ème rang des institutions européennes. Normal donc qu’un élève y décrochant un diplôme ait 98 % de trouver un job d’ingénieur dans les 6 mois suivants.Mieux, le premier salaire dépasse les 65 000 euros par an. Visiblement, les élèves français sont séduits. L’entrée se décide sur dossier : il faut, au minimum, avoir eu son Bac

Le Bisontin Grégoire Virard termine son Master à Lausanne. Grâce au réseau de l’école, un stage aux Émirats s’offre à lui.

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