La Presse Bisontine 129 - Février 2012

ÉCONOMIE

La Presse Bisontine n° 129 - Février 2012

38

CONSOMMATION Pas d’autres analyses depuis 2008 Un produit toxique détecté dans les sangles de mont d’or En 2008, les analyses menées par un laboratoire à la demande de la direction de la répression des fraudes ont permis de détecter la présence de cadmium dans les sangles du mont d’or. Mais rien ne prouve aujourd’hui que ce métal lourd migre de la sangle vers le fromage. En l’état actuel des connaissances, il n’y aurait pas de risque sanitaire.

L emont d’or est un des fro- mages les plus délicats à produire de toutes les A.O.C.fromagères.Le pro- cessus de fabrication ne supporte pas l’à-peu-près. Mais ce froma- ge a un talon d’Achille : la sangle d’épicéa qui le ceinture à l’intérieur de sa boîte. Elle fait l’objet de débats incessants entre- tenus par les leveurs de sangles du Haut-Doubs qui déplorent que la filière mont d’or privilé- gie les sangles d’importation aux leurs. Un choix qui menacerait directement la survie des san- gliers locaux. “Ce qui me déran- ge dans cette histoire, c’est qu’on utilise les sangles d’importation sur un produit A.O.C.” observe Agnès Ambert, présidente de l’association des sangliers du Haut-Doubs. Mais il y a autre chose qui l’inquiète. En décembre 2007,dans son com- bat, l’association a interpellé par courrier la direction régionale de la concurrence de la consom- mation et de la répression des fraudes pour s’assurer que les sangles d’épicéa d’importation étaient soumises aux mêmes contrôles de salubrité que les sangles locales. Elle écrivait : “nous, membres de l’association “Sangles duHaut-Doubs”,deman- dons à vos services que ces règles soient applicables aux sangles d’importation car ces dernières arrivent en France sous la déno- mination de “produits sylvicoles” et ne subissent aucun contrôle.” Le service de l’État a donné sui-

te à cette requête. En jan- vier 2008, la D.D.C.C.R.F. (qui a changé de nom depuis ndlr) a prélevé des sangles provenant de différents fournisseurs, chez trois fabricants demont d’or “afin de procéder à une recherche d’éventuels contaminants chi- miques.” Le 11 avril de la même année, la direction régionale commu- niquait les résultats des ana- lyses à l’association. Elles ont révélé l’existence de cadmium, unmétal lourd, toxique, dont on trouve des traces dans de nom- breux produits alimentaires. “Notre laboratoire de Montpel- lier a mis en évidence la présen- ce de cadmium dans toutes les sangles, mais à des doses très variables.Ainsi la fourchette des teneurs s’étale entre 0,013mg/kg (milligramme par kilo) pour la sangle la moins contaminée et 5,724 mg/kg, soit 400 fois plus, pour la sangle la plus contami- née” écrit la répression des fraudes. Le constat s’arrête là. Impossible de dire si la quantité de cadmium contenue dans les sangles repré- sente un risque pour la santé des consommateurs. “Pour cela, il faudrait pouvoir prouver que le produit migre dans le fromage. Il n’y a pas d’étude en ce sens. Quand bien même une migra- tion soit démontrée, nous n’avons pas d’outil réglementaire de com- paraison pour évaluer un risque” relativise la Direction Départe- mentale de Cohésion Sociale et

de la Protection de la Population (ex-répression des fraudes entre autres). Elle précise par ailleurs que lors de son enquête, elle a pris des sangles au hasard sans savoir s’il s’agissait de sangles du Haut-Doubs ou de sangles d’importation. En effet, si l’Union Européenne fixe des seuils de tolérance en cadmiumpour un certainnombre de produits alimentaires com- me la viande de bovin (0,050 mg/kg), les mollusques (1 mg/kg), les céréales (0,10mg/kg),les fruits et légumes (0,050 mg/kg), les compléments alimentaires (3 mg/kg), on ne trouve curieusement rien sur les produits laitiers. “Si nous n’avons pas actionné un signal d’alerte pour le mont d’or, c’est bien par- ce que nous n’avions pas de valeurs de référence.” Cela pour- rait changer. Selon l’Agence natio- nale de sécurité sanitaire et de l’alimentation (Anses) il y a en

qu’il informe ses adhérents de leurs obligations réglementaires en matière de sécurité et de san- té des personnes.” Ce serait donc aux producteurs de fromage eux- mêmes de pousser plus loin les investigations et de s’assurer qu’il n’y a pas de risque sur la santé. “Nous n’avons pas d’éléments nouveaux” assure Michel Beuque, le président du Syndicat Interprofessionnel de Défense du Mont d’Or. “Il faut aller plus loin dans la recherche. Quand nous aurons des éléments à communiquer, nous le ferons. Je rappelle que la sangle fait par- tie de l’emballage du produit et pas du fromage. Elle ne se man- ge pas. Son rôle est de tenir le caillé. La filière a fait énormé- ment de travail en terme de contrô- le et d’hygiène. Il n’y a aucune raison de nourrir une quelconque inquiétude quant à un risque sanitaire” rassure-t-il. En juin,l’Agence de sécurité sani- taire a rendu les résultats d’une analyse de 20 000 produits de consommation courante. Elle a observé que par rapport à 2006 la teneur en cadmiumavait aug- menté de 400 % ! Contactée par nos soins l’A.N.S.E.S. préconise une tolérance en cadmiumdans les fromages de 0,008 mg/kg. Aujourd’hui, la filière produit 4 700 tonnes de mont d’or, soit dix fois plus qu’il y a trente ans. Seulement 10 % des sangles uti- lisées sont tirées dans le Haut- Doubs. T.C.

La sangle parfume le mont d’or pendant les 21 jours d’affinage.

REPÈRES Le cadmium dans l’alimentation Chocolat, pain, abats, mollusques, céréales… Une étude de l’A.N.S.E.S. montre l’évolution croissante de la présence de cadmium dans notre alimentation. Les effets sur la santé de ce métal lourd, dit cancérogène, qui s’accumule dans l’organisme, se mesurent à long terme. E n juillet 2011, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (A.N.S.E.S.), a publié une étude sur notre alimentation. 20 000 produits, achetés dans une trentaine d’agglomérations en France métro- politaine, ont été analysés afin d’évaluer la présence de “conta- minants inorganiques, minéraux, polluants organiques persis- tants, mycotoxines et phyto-estrogènes.” Dans la catégorie des contaminants inorganiques, outre le nickel, l’aluminium ou le plomb, figure le cadmium qui apparaît dans des teneurs qui ont progressé de 400 % comparées à la précédente étude. “Pour le cadmium (Cd), les résultats soulignent la nécessité de mener des études complémentaires sur la contamination pour identifier les raisons des augmentations observées (produits céréaliers notam- ment)” stipule le rapport de l’A.N.S.E.S. Ce métal lourd se retrouve dans les différents compartiments de l’environnement (sol, eau, air) du fait de sa présence à l’état naturel dans la croûte terrestre (0,1 mg/kg en moyenne), et “des apports anthropiques (activités industrielles et agricoles).” La source principale d’exposition au cadmium varie selon le type de population. “L’alimentation pour la population générale, la fumée de cigarette, et l’air ambiant pour les travailleurs exposés en milieu industriel.” Selon l’A.N.S.E.S, il y a un danger à une exposition prolongée au cadmium. Par voie orale, il peut engendrer sur le long terme des problèmes rénaux, une fragilité osseuse et des troubles de la reproduction. Ce métal lourd est aujourd’hui classé parmi les substances cancérogènes pour l’homme.

ce moment des discussions com- munautaires autour d’un seuil de tolérance en cadmium fixé à 0,005mg/kg pour le lait. Dans son courrier d’avril 2008, la répression des fraudes a rensei- gné le Syndicat de Défense du Mont d’Or sur la situation “afin

“La sangle ne se mange pas.”

Les plus fortes teneurs en cadmium sont retrou- vées dans les crustacés et les mollusques, les abats, dans les biscuits sucrés, salés, les barres céréa- lières ou le chocolat. Chez les adultes comme chez les enfants, “les contributeurs majoritaires à l’exposition au cadmium sont les pains (22 %) et les produits de panification sèche (13 %) ainsi que les pommes de terre et apparentés (12 % et 14 % respectivement).” L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation estime que le risque de survenue d’effets indésirable est “faible” chez les enfants puisqu’ils sont observés après une période d’exposition de l’ordre de 50 ans. “Cependant, il convient de poursuivre les efforts pour réduire les apports alimentaires en cadmium. Par ailleurs, ces résultats soulignent la nécessité d’identifier les rai- sons des différences de teneurs observées” entre les deux études préconise l’A.N.S.E.S qui a mené ces enquêtes à 5 ans d’intervalle.

Risque faible chez l’enfant.

Made with FlippingBook HTML5