La Presse Bisontine 117 - Janvier 2011

BESANÇON 10

La Presse Bisontine n° 117 - Janvier 2011

SOCIAL

La misère s’amplifie Les Saint-Bernard des S.D.F.

L es bons sentiments n’ont pas toujours bonne presse. Djamel et Damien qui sont aujourd’hui en service“Maraude”sont assez circonspectsvis-à-visdesmédias. Qu’est-ce qui les dérange ? Cette ten- dance journalistique àvouloir s’intéresser aux S.D.F. uniquement quand il com- mence à faire froid et à l’approche des fêtes de Noël. On a tous en tête l’image de l’intervenant avec sa chasuble fluo “Samu social” qui va à la rencontre des S.D.F. un thermos de café à la main. Le cliché s’applique aux grandes agglomérations qui ne sont pas toujours en capacité de proposer un lit aux sans-abri. La “Maraude” bison- tine est plus discrète. Les “agents” sont en civil, sans signes vestimentaires dis- tinctifs. Ils se déplacent dans une peti- te fourgonnette banalisée. “ÀBesançon, la situation est peut-être moins critique. D’une part, on connaît pratiquement tous les S.D.F. D’autre part, on est enco- re en capacité de proposer une solution d’hébergement d’urgence à tout un cha- cun” , explique Djamel qui connaît bien ce milieu pour y intervenir depuis une L’autre visage, moins rutilant, de la capitale franc-comtoise. Chaque jour de l’année, la “Maraude” fait la tournée des squats bisontins ou intervient à l’appel du 115.

Sur la gauche, Abdellatif Akharbach, le directeur de l’accueil de jour reçoit dans sa Bou- tique un public très cosmopolite et parfois joyeux.

Des voitures ventouses dans les parking souterrains servent aussi d'abri.

dotée d’un comité d’animation qui a der- nièrement participé aux éliminatoires de la Coupe duMonde de foot des S.D.F. à Clairefontaine. “On reçoit 80 à 100 personnes différentes par jour. C’est un public hétérogène, de toutes les origines. Il y a des femmes, des jeunes en erran- ce, des gens des pays de l’Est et même des papys retraités qui n’ont plus les moyens de vivre décemment” , explique Abdellatif Akharbach. Le directeur de laBoutique JeanneAnti- de, l’association gestionnaire de cet accueil de jour tient sensiblement le même discours que les préposés à La Maraude. Pas de lien ni d’accueil pos- sible si l’onne fait pas l’effort de se rendre disponible. “Ces gens ont besoin d’être rassurés. À nous de leur montrer qu’il y a une place pour chacun et que chacun doit aussi savoir rester à sa place. Il faut être juste. On essaie de les raccrocher à une réalité qu’on va construire ensemble.” La fréquentation de la Boutique évolue de façon exponentielle aux dires de son directeur. “En 2009, on a reçu 1 394 per- sonnes différentes. On sera cette année au-dessus des 1 500 en sachant de 80 % sont des nouveaux.On sert d’amortisseur social.” Si pour la plupart d’entre nous lemois de décembre est celui des réjouis- sances, il en va tout autrement chez les S.D.F. pour qui le sentiment d’abandon s’amplifie encore à l’approche de Noël. L’avenir de laBoutique s’annonce quand même assez joyeux puisqu’elle sera transférée rue Champrond dans les anciens locaux du fourneau économique. “Il faudra penser à revenir ce printemps”, suggère Djamel. Et pourquoi pas au 31mars quand s’arrête le service de res- tauration social ? À méditer. F.C.

quinzaine d’années. Sans jamais s’en lasser d’ailleurs. La Maraude est rattachée au Service Accueil d’Accompagnement Social (S.A.A.S.) basé rue Champrond dans le quartier Battant. “La Maraude est un dispositif de veille sociale actif toute l’année de 12 heures à 20 heures et jus- qu’à minuit en hiver. Il mobilise les 4 agents d’accueil du S.A.A.S. qui assu- rent ce service à tour de rôle en compa- gnie d’une personne de l’accueil de jour” , indique Laurence Vuillet. La directrice du S.A.A.S. précise d’ailleurs qu’il ne s’agit pas d’un Samu social, lequel fonc- tionne avec du personnel médical. “Trois infirmiers de Novillars sont présents au S.A.A.S. Ils peuvent être sollicités au

besoin par laMaraude.” Sur ce, la tour- née peut débuter.Première étape à l’abri de nuit situé au-dessus du grand par- kingBattant.La structure dispose d’une trentaine de places avec des chambres individuelles ou collectives. Les instal- lations sont pratiquement neuves. Ça sent un peu la chambre d’hôpital mais c’est propre comme un sou neuf. “Une vingtaine de personnes dorment ici en moyenne” , poursuit Djamel aussi franc du collier que sympathique et sincère- ment passionné par sonmétier. La tour- née continue en allant jeter un œil sur quelques squats ou abris bien connus des S.D.F. L’éventail est large. Il s’étend du simple porche au bâtiment inoccu- pé en passant par la voiture ventouse,

les ponts, abris sous roche… De quoi alimenter un guide des hébergements précaires et offrir une tout autre vision de la ville. “On fait fermer certains squats quand ils s’avèrent trop dangereux pour la sécurité.” La Maraude propose, le S.D.F. dispose. Djamel et Fabien ne sont pas là pour expulser ou rapatrier de force les per- sonnes. Ils apportent une présence, une écoute, parfois des conseils. Avec les habitants de la rue, renouer du lien social,c’est toujours un travail de longue haleine.Il faut beaucoup de temps avant de pouvoir amorcer un semblant de pri- se en charge. Djamel cite l’exemple de cette dame qui a squatté pendant des mois dans sa voiture avec son chien.Au départ, elle ne voulait pas entendre par- ler d’abri. À force de dialogue, son sort s’est amélioré,dumoinsmatériellement. Quand ils ne sont pas dans la rue ou au S.A.A.S.pour régler des formalités admi- nistratives ou trouver un hébergement d’urgence, les S.D.F. fréquentent géné- ralement la Boutique ou la Buanderie qui désignent les deux “accueils de jour” bisontins. Détour par la Boutique située avenue Cusenier. L’endroit est assez animé avec un public plutôt cosmopolite. “On leur offre des boissons chaudes, des petits- déjeuners. Il y a des douches, une lave- rie, des postes informatiques.C’est avant tout un lieu convivial pour eux” , résu- me Fabien qui travaille justement dans la boutique. La structure s’est même

Tout est sup- port à abri…

Le service de la Maraude s'effectue toujours par deux. Le binôme visite chaque jour les endroits de la ville susceptibles de servir d'abri aux S.D.F.

Une famille a vécu ici pendant plusieurs semaines.

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