La Presse Bisontine 116 - Décembre 2010

LE PORTRAIT

43 La Presse Bisontine n° 116 - Décembre 2010

BESANÇON

Dessins Berth, méchant caricaturiste au cœur tendre

Ses dessins piquants naissent à Besançon et paraissent dans les médias nationaux. Berth, alias Christophe Bertin, fait rire la France entière en évoquant des sujets sensibles. Il sort “Les Expusables”. L a rue Mégevand, il ne l’a pour ainsi dire pas quittée, tout com- me son noyau dur d’amis, res- té le même depuis 20 ans. Non, Berth - alias Christophe Ber- tin - n’a pas changé et si les médias nationaux se l’arrachent, ce Bisontin demeure fidèle à sa ville plutôt qu’à la capitale parisienne. “J’y montre ma gueule une fois par mois” dit le dessi- nateur dont les premiers dessins sont parus en 1991 dans la Grosse Bertha, puis dans l’Écho des Savanes, Fluide Glacial ou l’Humanité. Au début, il envoyait ses productions par fax. Il n’a pas fait d’école de l’art mais s’est formé à mesure que sa plu- me sévissait, au point de devenir vite l’un des protégés de Siné Hebdo. Sym- pa comme carte de visite. Assez vite, Berth s’est fait place une place dans les médias nationaux, comme ses per- sonnages affublés d’énormes chaus- sures à talon compensé, Berth garde les pieds sur terre.Aucun sujet n’échappe à ses vilenies.Tout est sujet à sarcasmes pour cet esprit retors : l’arrachage “du sac de la vieille” , les préférences sexuelles, la xénophobie, les chômeurs, les grévistes et les anti-grévistes, les élections à venir, la rougeole du petit, la police et les victimes de la police, la

Berth, 43 ans,

Bisontin et dessinateur parisien.

avec une “bite” (sic)” répond Christophe Bertin. Le lapsus de Rachida Dati (N.D.L.R. :“fellation”au lieu“d’inflation”) ne l’a pas inspiré : “Il ne faut pas se for- cer. Je ne trouvais rien de marrant, alors je n’ai rien fait” explique-t-il tout comme il dessine très rarement le pré- sident Sarkozy à l’inverse d’autres de ses collègues. La politique politicien- ne, ce n’est pas sa tasse de thé mais un passage obligé… pour manger. “Je le dessine, je l’ai beaucoup dessiné, mais j’en ai ras-le-bol. Cela devient fatigant. J’en ai marre de voir 200 dessins par semaine sur Sarkozy, ça ne m’amuse plus. Ou alors je veux bien le dessiner, mais en cherchant de nouveaux angles pour ne pas retomber dans les clichés et le dessin attendu.” Plus les propos sont sérieux, chagrins, révoltés, généreux ou touchants, et plus cet individu se délecte à les traîner dans la boue de son trait épais. L’absence de tact allié au mauvais goût, c’est ça Berth. Toutefois, sa moquerie n’est jamais gratuite. “En tout cas, je ne fais jamais de prosélytisme” assure ce petit bonhomme d’environ 1,70 m au grand talent. Cela ne l’empêche pas de prendre posi-

tion comme l’atteste son dernier livre “Les Expulsables” paru en septembre aux éditions Horebeke.Berth n’a pas perdu un objectif : fai- re rire en dessinant. Selon lui, “un dessin vaut mieux que dix mil- le paroles.” Plus facile à dire qu’à faire mais il semble y parvenir. L’auteur des “Expul-

Pas de papiers, pas de paradis.” Déli- cieusement cynique. Influencé par Hara Kiri à 15 ans à l’époque où il était au lycée Pasteur ou comme Vuillemin ou Lefred Thouron, Berth a aujourd’hui une signature à part, construite grâce à des discussions de comptoir, des lectures de journaux ou tout simplement grâce à son vécu. Peut-on dire que Berth a une influen- ce de gauche ? “Oui, on peut le dire. J’ai une sensibilité de gauche, des influences de gauche, je travaille dans des jour- naux de gauche, mais néanmoins j’évite de faire des dessins de gauche !” lâche le Franc-Comtois. Quant au sexe, fortement présent dans ses dessins, il dit préférer l’exemple de Titeuf à celui de Bigard, un poil “lour- Sa Bio Christophe Bertin, alias Berth Âge : 43 ans, marié et deux enfants (Adèle et Mathis) Il vit rue Mégevand à Besançon. Collaborateur pour feu Siné Hebdo

dos”. Six jours par semaine,“Berth aux grands pieds” comme le surnommaient ses potes de lycées travaille dur. Un succès qu’il n’espère pas éphémère dans unmonde du rire orageux après le licen- ciement de quatre humoristes en cinq mois à France Inter (Guillon, Porte, Mezrahi, et Dahan en novembre). “Phi- lippe Val (N.D.L.R. : directeur de Fran- ce Inter), je ne le porte pas dans mon cœur. En 1998 dans Zoo, on dénonçait déjà les dérives et l’arrivisme du per- sonnage” conclut le dessinateur au lar- ge sourire et à la barbe de deux jours. E.Ch. “Les Expusables”, paru aux éditions Hoebeke. Prix : 12 euros (2008-2010), Berth a publié ses pre- miers dessins en 1991 dans la Gros- se Bertha, puis dans lʼÉcho des savanes, Fluide glacial ou lʼHumanité. Il colla- bore actuellement pour Mon quotidien, Spirou, C.Q.F.D. “Les Expulsables” est son troisième livre.

“Avec les people, c’est le procès assuré.”

sables” a pris le parti de rire de la cruel- le politique d’immigration menée par la France. Exemple avec un “strips” de trois cases mettant en scène étrangers et policiers. Un automobiliste lance à un flic “Hé vous avez renvoyé les Rou- mains chez eux, c’est à vous de nettoyer mon pare-brise.” Mieux, un “homme de couleur noir” passe devant cinq bon- hommes de neige. L’un d’eux interpel- le l’Africain : “T’as une drôle de cou- leur, toi…” Le second bonhomme de neige de répondre : “T’es quoi ? Un bon- homme de merde ?” UnAfricain devant Saint-Pierre “J’allais en France, je me suis noyé en pleine Méditerranée” , et l’apôtre de lui répondre “Tu y retournes…

religion, lamisère socia- le, les patrons, les syn- dicalistes et le racisme… Le seul domaine qu’il ne dessine pas, “c’est le people ” assure Berth. Pourquoi ? “Parce que si vous dessinez Sophie Marceau, vous êtes sûr de récupérer un procès. Ce qu’il y a de bien avec les politiques, c’est que l’on peut les dessiner avec n’importe quoi. Même

“Sarkozy, j’en ai marre de le dessiner.”

A

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