La Presse Bisontine 116 - Décembre 2010

DOSSIER

La Presse Bisontine n° 116 - Décembre 2010

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INTERVIEW Yves-Michel Dahoui sans langue de bois

“J’ai une très forte ambition pour cette ville” L’adjoint à la culture se livre sans complexe à La Presse Bisontine. Son schéma culturel, sa vision des dossiers, l’échec de Sonorama, les attaques personnelles, ses ambitions… Il n’élude rien et défend son action.

L a Presse Bisontine : Votre schéma d’orientation pour la culture dérou- le 32 points mais au final pas de grandes nouveautés ou de nou- veaux projets structurants. Pour- quoi ce plan ? Yves-Michel Dahoui : Nous voulons avoir une vision à long terme sur la culture dans cette ville, savoir où on veut aller, comment on peut y arriver. C’est une vision idéale et réaliste de la politique culturelle dans une capitale régionale, ni plus ni moins. On dialogue depuis un an avec les acteurs culturels de cet- te ville qui ont besoin d’une vraie pers- pective à long terme. Ce schéma est tout simplement le fruit de ces dia- logues, c’est le cap de cette ville en matière culturelle. L.P.B. : Mais en quoi est-il novateur ? Y.-M.D. : On aurait pu se limiter à une traditionnelle politique de subventions. Là, c’est aller au-delà en donnant une vision pour les dix ans à venir, sachant que les 3/4 des projets sont déjà lancés et financés. Un exemple de cette vision : le projet de bibliothèque universitaire- bibliothèque municipale (B.U.B.M.). On sait que de chaque côté on a besoin de locaux et qu’une telle infrastructure serait bénéfique pour tout le monde. Ce schéma permet justement de lan- cer les discussions et d’avancer sur une telle idée. L.P.B. : Les gros projets énoncés comme la S.M.A.C. ou la Cité des Arts et de la Culture sont déjà connus ! Y.-M.D. : Parlons de la S.M.A.C. Quand je suis arrivé, ce projet partait pour

vote, je ne suis pas le rapporteur de la commission. Une femme n’aurait-elle donc pas le droit d’avoir une activité professionnelle au-delà de son mari ? ! Ma femme a quitté son boulot à E.D.F., elle a été pendant un an au R.M.I. le temps de monter sa structure et les augmentations de subventions sont strictement lesmêmes que pour le centre d’art mobile de Besançon. Et jusqu’à preuve du contraire, je ne couche pas avec le directeur de ce centre…Que les détracteurs comparent avec le centre d’art contemporain de Montbéliard par exemple, et on en rediscute. Une fois encore, je ne souhaite pas tom- ber dans le caniveau. Les procès d’intention sont des procès dans les- quels il y a un procureur mais aucun avocat pour vous défendre. L.P.B. : Vous êtes réellement blessé… Y.-M.D. : Il est normal que ce qui est injus- te et qui heurte vos principes d’éducation vous blesse. Ceci dit, j’assume pleine- ment, même si j’en prends plein la figu- re. Ce qui me chagrine, ce ne sont pas les attaques personnelles, c’est ce qu’elles révèlent. Comment voulez-vous récon- cilier le public en étant au niveau du caniveau ? Le boulot qu’on présente actuellement est un travail d’un an. Tout cela neméritait pas que l’opposition daigne au moins être présente aux com- missions et ne s’excuse même pas d’être absente ? L.P.B. : Que répondez-vous alors à ceux qui vous accusent de vouloir verrouiller la culture de cette ville ? Y.-M.D. : J’ai une très forte ambition pour cette ville. Les changements qu’on espè- re, on les engage parce qu’on est convain- cu pour sa ville. Je ne travaille ni pour la gloire ni pour la postérité. Le maire de Metz Jean-Marie Rausch (de droi- te) s’en est pris plein la gueule quand il a lancé le projet Pompidou dans sa ville. Je n’hésite pas à défendre un hom- me de droite qui a eu de l’audace.Aujour- d’hui, c’est toute l’Europe qui se préci- pite àMetz avec déjà 400 000 visiteurs ! L.P.B. :Unmot sur la S.M.A.C. (salle des musiques actuelles et contemporaines) qui va être inau- gurée dans moins de deux mois : n’est-ce pas une salle sous-dimensionnée ou au contraire surdimensionnée, un peu bâtarde ? Besançon n’a-t-il pas loupé le coche il y a huit ans en rénovant le Palais des Sports au lieu de faire un grand complexe avec plusieurs salles gen- re Axone en périphérie ? Y.-M.D. : C’est une bonne question. Mais il ne faut pas oublier qu’à côté de la S.M.A.C., il y aura aussi 7 500 m 2 de fabrique culturelle. Ce n’est pas parce qu’à Montbéliard il y a un Axone qu’il y a une politique culturelle autour. L’Axone vit à travers les tournées. La réflexion à lancer sans doute est

un des objectifs de ce plan.

L.P.B. : Tous ces dossiers, ce n’est pas un peu trop à digérer pour une ville de 120 000 habitants ? Y.-M.D. : Il ne faut pas oublier que dans cette affaire, la ville n’est pas toute seule. Depuis longtemps par exemple l’État nous dit qu’il faut qu’on règle la question de nos musées. Si on a calé les investisse- ments du musée entre 2013 et 2015, c’est aussi parce qu’on est bien conscient qu’on ne peut pas tout finan- cer d’un coup. Pour les 10 millions du musée par exemple, on s’engage à ce que la part de financement de la ville ne dépasse pas les 40 %. Je veux bien qu’on me dise que la rénovation dumusée n’est pas une priorité, mais alors qu’on ne se

Yves-Michel Dahoui froissé avec le maire ? “Pas du tout” affirme l’intéressé.

“Je ne travaille ni pour la gloire ni pour la postérité.”

d’intégrer Micropolis dans notre poli- tique culturelle et là, nous aurons une réponse complète. L.P.B. : L’échec de Sonorama est digéré ? Vous avez dit vouloir tourner définitivement la page. Y.-M.D. : Une fois pour toutes, j’aimerais quand même rétablir la vérité. C’est un comité, un groupement de commande qui a choisi Sonorama, et pas Yves- Michel Dahoui seul. Je veux bien enco- re en prendre plein la “gueule” pendant 20 ans mais à un moment donné, il faut arrêter ! J’assume cet échec, mais main- tenant il est derrière nous. Notre erreur a été sans doute de vouloir faire de la “com” à travers l’événementiel en pen- sant que ça ferait rayonner Besançon. Le problème souvent, c’est que derriè-

me si vous construisiez une maison et que suite à une défaillance du construc- teur, c’est vous qui soyez accusé ! L.P.B. : Cette histoire ne vous a donc pas brouillé avec le maire qui selon certains commentaires aurait poussé de vraies “gueulantes” suite à Sonorama ? Y.-M.D. : Pas du tout. La vérité, c’est que c’est moi qui lui ai suggéré d’arrêter Sonorama. Le maire ne m’a jamais fait le moindre reproche là dessus. Il ne faut pas oublier qu’il y a eu des étapes. Le gouffre, on l’a découvert plus tard. C’est moi qui lui ai dit : “Il vaut mieux tout arrêter.” Le maire sait bien que la cul- ture ne s’arrête pas à un événement. L.P.B. : Quelle est votre position sur l’avenir de Bacchus à Besançon, seule troupe de théâtre privée ? Y.-M.D. : La ville réfléchit à la restruc- turation de ses théâtres. Quand on est un acteur culturel qui s’implique dans une ville, il ne faut pas dénigrer les autres comme ça. Jean Pétrement doit s’impliquer dans une dynamique, je l’appelle à ça. Est-ce qu’un jour j’ai reproché à Pétrement d’être le fils de son père comme certains l’ont fait ? Jamais. S’il veut continuer à être un vrai acteur culturel sur cette ville, qu’il le fasse en harmonie avec les autres. Qu’il se rassure : on ne veut aucun mal à Pétrement. L.P.B. : Au final, Yves-Michel Dahoui est-il un visionnaire de la culture ou un imposteur com- me le disent parfois ses détracteurs ? Y.-M.D. : Concernant le terme d’imposteur, j’ai vu pas mal de choses désagréables sur mon compte de la part de gens qui m’insultent mais ne connaissent même pas et qui ne m’ont jamais vu. Dire que je suis visionnaire serait évidemment prétentieux. Le tramway, c’est dans vingt ans qu’on jugera si le maire a été visionnaire. Personne ne peut

plaigne pas que le premier étage du musée soit inaccessible et qu’on ne peut pas montrer au public la deuxième plus belle collection de dessins de France. Ceux qui affirment qu’il faut se foutre de ce dossier, alors il faut qu’ils assu- ment le fait d’être en totale contradic- tion avec l’État et avec le public des musées. L.P.B. : Et ce n’est pas non plus trop pour un seul homme ?… Y.-M.D. : Ce qui m’atteint, ce n’est ni la lourdeur de la tâche, ni le travail à four- nir, ni la confrontation d’idées. Ce qui finit par m’atteindre, ce sont les attaques personnelles. Là, elles commencent à fendre l’armure. L.P.B. : Par exemple quand on vous accuse de conflit d’intérêts dans des dossiers comme le Pavé dans la Mare, une structure gérée par votre femme. Quelle est la vérité sur cette ques- tion ? Y.-M.D. : J’ai pour ligne de conduite de ne pas faire de procès d’intention à qui que ce soit. Vous ne verrez jamais de ma part une attaque personnelle. Dans cette affaire, j’ai vraiment l’impression d’être chez les corbeaux, quasiment chez les Juifs du temps de la guerre où on accusait n’importe qui sous couvert d’anonymat. C’est ce qui se passe sur certains blogs par exemple et je trou- ve le procédé déplorable. Je n’ai pas envie de tomber dans le caniveau. Pour ce qui est du Pavé dans la Mare, je ne m’immisce pas dans ce dossier. Je prends soin de ne jamais participer au

subir de gros dépas- sements en terme de financement, de l’ordre de 40 %. Non seulement on s’est battu pour avoir une maîtrise du finance- ment et on sera dans les clous, et en plus on a obtenu des fonds européens. Si ça, ce n’est pas un vrai tra- vail de fond ! Pour la Cité des Arts, il ne suffit pas d’avoir un architecte de renom- mée mondiale mais il faudra la faire vivre. D’où le travail que j’ai engagé pour trouver des synergies entre les arts plastiques et la musique. Tout cela reste à faire et c’est une des composantes de ce schéma. Fédé- rer les acteurs cultu- rels et mêler les dis- ciplines, c’est aussi

re l’événementiel, il y a un désert cultu- rel. Les acteurs locaux s’en foutent de Sonorama. D’ailleurs, l’opposition doit être contente de ce nou- veau schéma, elle qui estimait qu’on ne tra- vaillait pas suffi- samment avec les acteurs locaux. L.P.B. :Vous n’aviez jamais songé à démissionner sui- te à ce revers ? Y.-M.D. : On serait bien dans la seule ville de France où l’adjoint doit démissionner sui- te à un événement comme celui-là ! Je rappelle que dans cet- te histoire, c’est bien nous les victimes. Ce sont bien les concep- teurs qui ont plombé le projet en l’évaluant très mal. C’est com-

“J’ai vraiment l’impression d’être chez les corbeaux.”

“Je suis pour un élitisme pour tout le monde.”

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