La Presse Bisontine 112 - Juillet-Août 2010

LE GRAND BESANÇON

La Presse Bisontine n° 112 - Juillet-août 2010

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SAINT-VIT

Une transaction immobilière qui tourne mal Un entrepreneur face à la justice 350 000 euros de dépenses pour partie en frais de justice, 90 visites d’huissiers, 7 jugements défavorables, et pourtant Mustapha Agro continue de se battre. Il veut démonter qu’il n’a jamais perçu le bénéfice de la vente des bâtiments industriels dont il n’est plus propriétaire, ce qu’il conteste, mais qu’il occupe encore.

Mustapha Agro : “Les jugements qui ont été rendus jusque-là n’ont aucun rapport avec la réalité. Ils sont faux.”

C ela fait cinq ans maintenant queMustaphaAgro se démè- ne pour s’extirper de l’imbroglio judiciaire dans lequel il se trouve. Il ose à peine en parler, tant il a peur de pas- ser pour un “paranoïaque.” Pourtant cet homme énergique qui dirige l’entreprise Conudep à Saint-Vit (elle emploie une trentaine de personnes) semble bien avoir été spolié lors d’une transaction immobilière on ne peut plus banale. C’est précisément ce qu’il s’évertue à démonter depuis toutes ces années, en vain. Rappel des faits. En 2004, Mustapha Agro avait prévu d’étendre la surfa- ce de son bâtiment industriel qui se situe face au Super U de Saint-Vit. “Comme nous étions en zone commer- ciale, la municipalité m’a proposé d’aller m’installer de l’autre côté de la

implanté en zone commerciale. Fina- lement, c’est avec un promoteur de Nancy, spécialisé dans l’immobilier commercial qu’il a fait affaire. Les deux parties ont officialisé la tran- saction devant notaires. Montant de la vente : 762 000 euros comme l’atteste le chèque daté du 22 décembre 2005. C’est à partir de là que tout dérape, car il semblerait que jamais le chèque consigné par le notaire n’ait été ver- sé sur le compte de Mustapha Agro. Pire encore, le transfert de propriété aurait été malgré tout effectué. En conséquence, si tel est le cas, l’entrepreneur a donc été dépossédé d’un bien dont il était propriétaire sans avoir perçu le bénéfice de la ven- te. Une situation ubuesque dont on aurait pu supposer que l’erreur serait facilement réparée. Visiblement non. Mustapha Agro s’est retrouvé rapi- dement dans la peau d’une personne occupant des bureaux illégalement, sommé de partir par le nouveau pro- priétaire. Malgré de multiples actions judiciaires, il n’est jamais parvenu à démontrer qu’il était victime selon lui d’une injustice. “J’ai reçu quatre-vingt- dix visites d’huissiers. Sept jugements sont contre moi. Entre ce qu’on m’a saisi et ce que j’ai dépensé pour me défendre devant le tribunal, cette his- toire m’a déjà coûté 350 000 euros” s’emporte Mustapha Agro qui se bat pour ne pas se laisser écraser par le rouleau compresseur judiciaire. Récem- ment, il a évité de justesse la saisie de sa maison. “Franchement, on m’asphyxie. C’est de la violence éco-

nomique.” Même la Chambre de Com- merce et de l’Industrie du Doubs ain- si que l’U.I.M.M. qui ont pris connais- sance du dossier partagent l’incompréhension de l’industriel. Ces deux organismes professionnels lui ont apporté leur soutien en signant conjointement un courrier transmis au procureur de la République. “Mus- taphaAgro est dans une situation judi- ciaire étonnante. Nous avons écrit au procureur en effet pour témoigner du fait que cet entrepreneur est un pro- fessionnel reconnu et apprécié de tous. Nous avons demandé à ce que son dos- sier soit examiné à nouveau” commente simplement François Mazière, le direc- teur de la C.C.I. du Doubs. Le bout du tunnel est peut-être proche pour Mustapha Agro dont les pro- blèmes rencontrés l’ont contraint à mettre entre parenthèses son projet de construction à Saint-Vit. Pugnace, décidé à ne rien lâcher, celui qui s’est forgé une culture judiciaire en auto- didacte semble être parvenu à appor- ter enfin la preuve de l’injustice dont il prétend être victime. Il s’agit d’un document notarié qui stipulerait effec- tivement que l’industriel n’a jamais perçu le bénéfice de la vente de son bien. Un ultime argument qu’il a défen- du avec son avocat lors d’une audien- ce au Tribunal de Grande Instance de Besançon aumois de juin pour deman- der la “résolution du contrat de vente comme si elle n’avait jamais existée.” Verdict en juillet. T.C.

RÉSULTAT Échec de la conciliation La société Conudep est menacée d’expulsion La société B.G. Promotion officiellement propriétaire du bâtiment occupé par Conudep, veut maintenant que l’occupant libère enfin les lieux pour poursuivre son projet d’implantation d’une enseigne de grande distribution.

route nationale, en zone industrielle. J’ai accep- té” raconte Mustapha Agro qui a donc réser- vé une parcelle de 6 000 m 2 à la collecti- vité pour y construire le nouveau bâtiment Conudep. Le finance- ment de cette opéra- tion immobilière était conditionné par la ven- te de ses anciens locaux. Un classique. Mustapha Agro a donc rencontré des acqué- reurs intéressés par son bâtiment idéalement

“Franche- ment, on m’asphyxie.”

L a société Conudep pourrait bien être expulsée manu militari d’ici la fin de l’été des locaux qu’elle occupe à Saint- Vit. C’est en tout cas la volonté de B.G. Promotion Immobilière qui est désormais propriétaire des lieux. La justice l’atteste d’ailleurs : la vente est parfaite. L’état des lieux ne laisserait donc pas de place au doute. La socié- té nancéienne spécialisée dans l’immobilier commercial regret- te qu’il faille en arriver là mais ses représentants affirment avoir fait preuve jusqu’ici de suffi- samment de patience pour mettre fin maintenant à une situation qui a assez duré. Toutes les ten- tatives de conciliation ont échoué. Même la préfecture serait inter- venue pour tenter de mettre d’accord les deux parties. En vain. “L’expulsion est confirmée depuis le 25 mars 2009. Il faut com- prendre que notre société est ter- riblement pénalisée. Nous n’avons aucune jouissance de ce bien depuis cinq ans” explique-t-on chez B.G. Promotion qui a inves- ti à Saint-Vit pour le compte d’une enseigne de grande distribution. “Nous avons aussi des engage- ments vis-à-vis de notre client.” Mais le projet d’implantation d’une nouvelle enseigne ne pour- ra démarrer qu’une fois que Conu- dep aura quitté les lieux. MustaphaAgro s’entêterait donc à vouloir défendre une position

indéfendable dans le but de cas- ser la transaction finalisée quelques années plus tôt avec B.G. Promotion, pour on ne sait quelle véritable raison, afin de retrouver la jouissance de son bien. L’argument qu’il avance pour obtenir gain de cause, selon lequel il n’a pas perçu le bénéfi- ce de la vente, ne tiendrait pas. La Chambre Régionale des Notaires qui s’est intéressée au dossier indique que “le prix a bien été consigné mais que les fonds ne sont pas délivrés car le ven- deur n’a pas respecté ses enga- gements. Le prix sera délivré quand il aura quitté les lieux.” La situation est limpide pour la Chambre des Notaires. Dans le compromis de vente,Mus- tapha Agro aurait pris en effet l’engagement de livrer les locaux vides de toute occupation à l’acquéreur, ce qui n’est toujours pas le cas. Depuis ce jour, son entreprise occuperait donc illé- galement le bâtiment. L’entrepreneur percevra donc le bénéfice de la vente le jour où il aura déménagé. Mais le bénéfi- ce sera amputé des pénalités de retard dues à B.G. Promotion Immobilière qui refuse d’être considéré dans cette affaire com- me “le fossoyeur de Conudep” au regard de cet ensemble d’éléments.

T.C.

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