La Presse Bisontine 111 - Juin 2010

DOSSIER

La Presse Bisontine n° 111 - Juin 2010

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les dépenses”

Et je le dis clairement : il est hors de question, surtout en ce moment, de dire qu’on laissera les hôpitaux faire des déficits. L’objectif clairement défini par le ministère de la Santé, et le gouvernement en général, est de résorber les déficits. Si on ne veut pas arriver dans une situation comparable à celle de la Grèce, il est nécessaire de juguler les déficits, ceux de l’Assurance- maladie en font partie. L.P.B. : Comment résoudre cette qua- drature du cercle au C.H.U. de maîtri- ser les dépenses avec une masse sala- riale qui augmente naturellement ? P.B. : Il faut maîtriser toutes les dépenses, pas uniquement celles liées à la masse salariale. Il faut maîtriser par exemple les achats. Pour cela, sur le plan national, nous avons créé une centrale d’achat (“Uni-achat”) à laquelle on adhère et qui nous permet- tra d’économiser 1million d’euros par an. Le deuxième chantier ouvert est la renégociation de nos emprunts. Plusieurs grands C.H.U. se sont regroupés au niveau national pour faire une émission obligataire, à des taux nettement inférieurs à ceux d’une banque au niveau local. Nous essayons aussi d’améliorer la qualité des prescriptions par une meilleure organisation.Au final, nous voulons donner le meilleur soin au plus juste prix. L.P.B. : Et sur le plan du personnel… P.B. : Je rappelle juste que de 2004 à 2008, 360 emplois ont été créés au C.H.U. de Besançon, dont 215 emplois soignants. 79 emplois avaient déjà été créés en 2002 avec la mise en place des 35 heures. Sur ce volet, le plus important en fait, c’est

ce une durée de 7 h 30 quoti- diennes. J’ai passé un an à négo- cier avec les syndicats pour ten- ter de faire bouger les choses. L.P.B. : Et ça s’est soldé par un échec… P.B. : J’ai fini par imposer une durée de 7 h 36 avec 18 jours de R.T.T. Les équipes du matin et de l’après-midi se chevauchaient pendant 1 h 50, ce sont des choses qui ne sont pas très cohérentes. À ce sujet, nous mettons en pla- ce des “transmissions ciblées” pour améliorer la transmission d’informations entre deux équipes. Il faut vraiment réflé- chir aussi à l’organisation du travail entre les équipes médi- cales et para-médicales. L.P.B. : Les relations ne semblent pas vraiment au beau fixe avec les ins- tances syndicales ? P.B. : La situation est en effet un peu tendue mais il faudra bien que les gens acceptent une remi- se en cause de la façon dont ils travaillent. L.P.B. :D’où ce fameux contrat de retour à l’équilibre financier (C.R.E.F.) tant décrié par les syndicats ? P.B. : Quand on fait sur 10 ans la projection du C.H.U., on voit bien que le déficit qui augmentait depuis trois ou quatre ans allait continuer à augmenter du seul fait qu’on faisait tous ces inves- tissements. Je ne veux pas attendre d’être au fond du puits pour réagir. Un des points du retour à l’équilibre financier est de maîtriser en effet la masse salariale et cela passe bien par la réorganisation du temps de travail. L.P.B. : Cela signifie donc des sup- pressions de postes, au moins 50 com- me l’affirment les syndicats ? P.B. : Nous gagnons des postes sur les crédits de remplacement et d’intérim. J’insiste sur le fait que les gens en poste à l’hôpital ne sont absolument pas mena- cés. Une autre chose est sûre, c’est qu’il n’y aura pas de créa- tions d’emploi. Nous allons éco- nomiser l’équivalent de 50 postes sur les crédits d’intérim, les postes de remplacement. L.P.B. : Pourquoi avoir tenu secret un document qui est préparé depuis jan- vier ? P.B. : Le changement de gouver- nance des C.H.U. intervient début juin avec la disparition des conseils d’administration au pro- fit des conseils de surveillance. J’avais prévu d’ici la fin juin, en présentant le budget 2010, de la présenter, tout cela pour ne pas provoquer de nouvelles réactions. Ceci dit, on a organisé ce C.R.E.F. pendant un an, les instances syn- dicales savaient bien qu’on nous avait demandé un C.R.E.F. L.P.B. :La grosse différence,c’est qu’avec les nouveaux conseils de surveillance, ce C.R.E.F. ne sera plus soumis au vote… P.B. : Si le contrat avait été reje- té par le conseil d’administration, je devrais le renégocier avec la tutelle et il est clair qu’une deuxiè-

l’organisation du travail. Il est bien clair qu’en Fran- ce, on ne va pas créer 100 000 emplois dans les hôpitaux ces pro- chaines années, il faut arrêter de tourner autour de cette utopie irréa- liste. L.P.B. : Quelles sont les perspectives à Besançon ? P.B. : Le souci, c’est qu’avec la mise en place des 35 heures, on n’a pas remis en cau- se l’organisation du travail, d’où les problèmes actuels. Les personnels soi- gnants ont gardé leurs 8 heures de travail quoti- diennes et en plus des 28 jours de congés annuels, ils ont bénéficié de 26 jours de R.T.T. Dans le même temps, la quasi- totalité des hôpi- taux français avaient mis en pla-

“J’ai affaire à des représen- tants syndicaux jusqu’au- boutistes.”

Patrice Barberousse est directeur général du C.H.U. de Besançon depuis l’automne 2008.

me mouture, en ces temps, aurait été beaucoup plus défavorable pour le C.H.U. de Besançon. J’ai signé ce C.R.E.F. avant la trans- formation de l’A.R.H. (Agence régionale d’hospitalisation) en A.R.S. (Agence régionale de san- té), il y a juste eu, c’est vrai, une anticipation sur la nouvelle gou- vernance de l’hôpital. L.P.B. : Quelles sont les grandes lignes de ce contrat de retour à l’équilibre financier ? P.B. : Il repose sur trois piliers. Le premier volet est une aug- mentation des recettes et acti- vités de 6,5 millions grâce à la création de lits de réanimation, de lits de soins intensifs et de lits de soins continus supplé- mentaires. Cela passe aussi par ces 6,5 millions d’euros d’économie sur la masse sala-

ont tout pouvoir. On applique tout simplement l’adage “Qui paye décide.” Le président du conseil de surveillance ne pour- ra plus en effet décider de blo- quer un budget. Pour moi, ce n’est pas vraiment choquant que les financeurs de l’hôpital prennent les décisions sur l’avenir d’un hôpital. L.P.B. : Selon vous, ce contrat est donc équilibré ? P.B. : Ce que je prends d’un côté, je le gagne ailleurs.Oui, ce contrat est équilibré. À Vesoul, l’hôpital a supprimé 100 postes, à Belfort-Montbéliard, c’est 150, à Nancy, 600. Ici, on parle de maî- triser 50 postes, il n’y a rien de choquant. Mon métier, c’est de gérer un service public. Je suis un vrai défenseur du service public, alors quand j’entends dire

riale et la troisième jambe du contrat, ce sont les aides de l’État pour l’institut du cancer et les laboratoires, à hauteur de 2,6mil- lions d’euros par an. L.P.B. : C’est là que les syndicats par- lent de chantage : l’institut du cancer contre des économies sur les salaires ! P.B. : Va-t-on trouver quelqu’un qui donne de l’argent à quelqu’un d’autre qui gère mal ? J’avais besoin de ce contrat pour décro- cher des aides, c’est clair. L.P.B. : Avec le nouveau système des conseils de surveillance, le maire de Besançon n’aura plus aucun pouvoir sur le vote du budget, même s’il pré- side encore le C.H.U. ? P.B. : Les conseils de surveillan- ce ne se prononcent plus en effet sur les budgets. On met ainsi fin à un système où les élus locaux

que je veux brader le service public, je ne peux que réagir. L.P.B. : Vous êtes toujours prêt à dis- cuter avec les instances syndicales ? P.B. : La négociation ne veut pas dire qu’il faut céder sur tout. J’ai déjà cédé sur les 7 h 36 alors que je souhaitais 7 h 30. Les syndi- cats, eux, n’ont cédé sur rien. En 2009, nous avons eu 54 réunions avec les syndicats. Hélas ici, j’ai affaire à des représentants syn- dicaux jusqu’au-boutistes qui n’acceptent pas les négociations. Mon travail est de préserver l’intérêt général, ceux des patients, des malades, du per- sonnel et à plus long terme ceux du C.H.U. et de ses équilibres. Ce C.R.E.F. contribuera juste- ment à renforcer la qualité de cet hôpital. Propos recueillis par J.-F.H.

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