La Presse Bisontine 110 - Mai 2010

ÉCONOMIE

La Presse Bisontine n° 110 - Mai 2010

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BESANÇON, CAPITALE DU BIOMÉDICAL ? L’hôpital virtuel bientôt réel Depuis Besançon, les médecins soigneront à l’avenir des patients de l’hôpital d’Urumqi en Chine et bientôt des Russes. La télémédecine est en marche. À qui profite-t-elle ? SANTÉ Les innovations médicales nées à Besançon

L a santé dans le Grand Besançon se porte bien. Merci pour elle. L’accueil les 21 et 22 avril du salon Medtec France dédié à la fabrication de matériel médical est un exemple. Ce n’est pas le seul. Deux jours durant, les grands acteurs de la santé au plan national présentent leurs innovations sur 3 300 m 2 de stands. Point de satisfaction : les nombreux intervenants (professeurs, médecins, chefs d’entreprises) exposant leurs pro- duits exercent dans la capitale com- toise, que ce soit à l’hôpital, dans les centres universitaires (médecine ou sciences) ou dans des entreprises pri- vés réunis par exemple à Temis-San- té. Les collectivités investissent for- tement avec par exemple 30 millions d’euros pour soutenir la cancérologie à Besançon. Le docteur Oleg Blagosklonov, du ser- vice de médecine nucléaire au C.H.U.

de Besançon fait partie de cette vague médicale à la pointe de la technologie. Arrivé en France en 1997 pour pour- suivre ses études, ce Russe d’origine est un des pionniers dans la télémé- decine et le télédiagnostic. Son servi- ce qui traite les cancers est relié avec six autres hôpitaux : “Lorsque nous avons des diagnostics de cancers liti- gieux, nous demandons l’interprétation du cas à d’autres collègues qui sont à l’hôpital de Nancy, Grenoble, Pompi-

examen. “Dans 90 % des cas, nous sommes d’accord sur le diagnostic” cal- cule le docteur. Qu’on se le dise : l’image du médecin débarquant dans la chambre du patient pour diagnostiquer est bientôt révolu. Si ce concept revêt un enjeu majeur pour maîtriser le coût de la santé, il se casse néanmoins les dents sur un problème d’éthique. “Si la télémédeci- ne a patiné ses 15 dernières années, c’est surtout en raison des mentalités et des problèmes législatifs. La ques- tion est de savoir si un médecin peut diagnostiquer sans être physiquement présent. Aujourd’hui, la législation change. Nous sommes face à un tour- nant puisque le médecin pourra dia- gnostiquer sans être présent” explique Éric Garcia, P.D.G. de l’entreprise Cova- lia qui crée des produits pour la télé- médecine. S’il y a tant de difficultés à imposer ce concept, “c’est aussi par crainte que les médecins facturent trop d’actes” explique Hervé Barge, chargé de mission en télémédecine à l’Agence régionale de l’hospitalisation (A.R.H.) de Franche- Comté. Il est l’un des co-fondateurs de l’Institut “Édouard Belin” qui déve- loppe ces thématiques. Rappelons que Besançon via l’I.I.S.I.S.T. (institut inter- national des systèmes d’information de santé et de télémédecine) est pion- nier dans l’interopérabilité des sys- tèmes permettant par exemple le main- tien des malades à domicile. À croire les professionnels, diagnosti- quer à distance n’a que des avantages : plus besoin pour le patient de se dépla- cer, rapidité des examens, suivi du dos- sier et baisse des coûts. Ce n’est pas si simple. Demeurent plusieurs inter- rogations, à l’instar de la protection du dossier médical, la confidentialité

dou (Paris), d’un centre en Suisse et d’un autre en Belgique.” Grâce à l’envoi d’un fichier détaillant toutes les pathologies, chaque professionnel visuali- se sur un écran d’ordinateur l’examen et l’interprète. En clair, il y a six avis pour un

“Une surfacturation des actes.”

Quand un cas litigieux de cancer se présente au service de médecine nucléaire, le docteur Oleg Blagosklonov le soumet directement à cinq autres hôpitaux via son ordinateur.

et la pertinence du traitement des don- nées. À ce sujet, le docteur Oleg Blagosklo- nov se rend compte des difficultés d’établir des passerelles pour soigner à distance. Il tente de rapprocher son service avec l’institut pédiatrique de Moscou et l’hôpital d’Urumqi au Nord- Ouest de la Chine : “La Chine est en avance en terme de téléconsultation par imagerie et nous sommes en rela- tion pour traiter l’échinococcose. Cha- cun peut bénéficier des compétences de l’autre. Nos projets sont tombés à l’eau

suite à des problèmes politiques mais reprennent aujourd’hui. Pour la Rus- sie, nous avons la barrière de la langue mais nous sommes en passe de trou- ver un système de traduction. Il y a des difficultés mais rien n’est insurmon- table” dit-il. Du côté des médecins, diagnostiquer à distance permet de mieux connaître les maladies et ainsi mieux les soigner. Pour les autres, c’est un moyen de mul- tiplier la facturation d’actes.Au patient de trouver son compte. E.Ch.

L’hôpital de Besançon est pionner en télémédecine dans le secteur de la neurologie.

Un capteur pour soigner bébé Le docteur bisontin Bruno Wacogne met au point un bio-capteur dépistant le cytoméga- lovirus, virus transmis de la mère à l’enfant. La validation pré-clinique est attendue. SANTÉ La science bisontine au service de la santé

S on bureau situé à la faculté des Sciences de Besançon ne respire en rien le médical. Pas d’odeur d’hôpital, encore moins de blouse blanche ou de sté- thoscope. Preuve que les

chercheurs bisontins à la pointe. Il lance le bio-capteur permettant de diagnostiquer certains virus chez le fœtus : “Auparavant, j’étais chercheur dans le domaine militaire dans les transcriptions de données. Sur le plan person- nel, c’est plus gratifiant de travailler pour la médecine” lâche le docteur de l’institut Femto-S.T. Grâce à l’élaboration d’un bio-capteur, il vient demettre au point un dispositif per- mettant un diagnostic pré- coce du cytomégalovirus (C.M.V.) chez le fœtus. “À l’heure actuelle, il n’existe aucun dépistage du C.M.V.

car c’est complexe et coûteux. Cette maladie pourrait être la cause de la prématurité. Notre but est de la dépister pour toutes les naissances grâce au bio-capteur” explique-t-il. Une infection à cytomégalovirus chez la femme enceinte provoque- rait des lésions chez le fœtus, d’où l’importance du dépis- tage. Actuellement, le prototype est bientôt terminé et des études pré-cliniques seront réalisées d’ici la fin 2010. Sept brevets ont été dépo- sés. Avant de toucher des “royalties”, le chemin est long, semé d’embûches. “Si je vou-

lais gagner de l’argent, je n’aurais pas choisi la recherche. Ça ne rapporte pas financièrement” dit-il. Néan- moins, la recherche indus- trielle se met de plus en plus au service du médical. Une raison : le marché de la san- té est porteur. “C’est vrai que le bio-médical ne connaît pas la crise, comparé à l’industrie automobile, reconnaît Bru- no Wacogne. Les ingénieurs sortant de l’I.S.F.S.C. trou- vent dès leur sortie un emploi. Il y a 0 % de chômage.” Besançon qui bénéficie de ses connaissances en micro- techniques possède un vivier et semble bien l’utiliser.

images sont parfois trom- peuses car derrière son ordinateur, Bruno Wacogne met en œuvre des innovations concrètes pour le médi- cal. Il fait par- tie de ces

“Gratifiant de travailler pour la médecine.”

Avec le bio-capteur développé par Femto-S.T. et Bruno Wacogne, les virus pourront être diagnostiqués chez le nouveau-né.

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