La Presse Bisontine 110 - Mai 2010

LE GRAND BESANÇON 24

La Presse Bisontine n° 110 - Mai 2010

VOYAGE

Transport aérien Grosses frayeurs pour un couple de Saint-Vitois André et Martine Tattu se souviendront de leur récent voyage en Égypte. Ils dénoncent les conditions de sécurité qui selon eux ne seraient pas respectées sur les lignes aériennes intérieures.

André Tattu a gardé la carte d’embarque- ment sur laquelle figure un nom qui n’est pas le sien.

C ela fait tout juste unmois qu’An- dré et Martine Tattu sont ren- trés de leur voyage en Égypte. Ils n’en reviennent pas encore de ce qu’ils ont vécu. Des souvenirs, ils en ont à raconter mais pas forcément de bons, surtout lorsqu’ils évoquent les transports aériens. Ces touristes ont eu de grosses frayeurs, en particulier sur les vols intérieurs assurés par des compagnies égyptiennes. À plusieurs reprises, ils ont eu le sentiment que la

leNil.Comme ils s’offraient ces vacances pour leurs quarante ans de mariage, ils ont également souscrit au supplé- ment proposé par le voyagiste pour découvrir le temple d’Abou-Simbel et Le Caire. La feuille de route leur indi- quait que pour une question de temps, les liaisons vers ces deux destinations se feraient en avion. “Lorsque nous avons acheté ce voyage, nous avons demandé à l’agence de se renseigner sur les com- pagnies sur lesquelles nous allions voler. On nous a répondu que l’aller et le retour seraient assurés par Air Méditerranée. Quant aux vols intérieurs, ils étaient pris en charge par Égyptair” explique André Tattu, un homme précaution- neux lorsqu’il s’agit de transport aérien. Sur le papier, le séjour s’annonçait donc sans surprises pour ce couple, si ce n’est celles de découvrir les joyaux de la cul- ture égyptienne. Or, tout ne s’est pas déroulé exactement comme prévu.Tout d’abord, l’avion qui devait effectuer le vol direct sur Louxor depuis Lyon est parti avec plus d’une heure de retard, “suite à un problème technique. On nous

a également annoncé que nous ferions escale à Taba (à la frontière israélien- ne). Elle n’était pas prévue auprogramme et ne figurait nulle part sur nos billets” remarque André. L’escale qui devait être courte, va finalement durer douze heures. “Le problème de l’avion s’est confirmé. Pour rejoindre Louxor, nous avons dû en attendre un autre qui venait semble-t-il d’Espagne. L’appareil appar- tenait à de la compagnie A.M.C. Air- lines (une compagnie égyptienne)” pour- suit M. Tattu. Premier couac dans le programme aérien. Le second est survenu lors de liaison entre Assouan et Abou-Simbel. Un vol assuré par Air Memphis dont le couple n’avait jamais entendu parler lors de la préparation du voyage. “Nous avons embarqué à bord d’unDC9-31, un avion qui a quarante ans. Pour moi, c’est un cercueil volant. Quand nous sommes montés à bord, nous avions le trouillo- mètre à zéro, et notre guide n’était pas rassuré non plus d’autant que la météo annonçait une tempête de sable” disent- ils. Pour le retour, avec d’autres passa-

sécurité n’était pas au rendez-vous. Un constat inacceptable pour ce couple de Saint-Vitois qui avait justement ache- té un séjour organisé par Frampour voyager sans risques. D’après la brochure, André et Martine Tattu devaient donc boucler leurs bagages en mars pour la “Gloire des Pha- raons”, une croisière idyl- lique d’une semaine sur

gers, André et Martine Tattu ont refu- sé de prendre cet avion. Ils embarque- ront donc plus tard à bord d’un appa- reil de la compagnie privé Al Masria. À cet instant, les deux touristes s’aper- çoivent que les noms qui figurent sur les cartes d’embarquement ne sont pas les leurs. Ce qui était vrai à l’aller se confirme au retour : lui s’appelle Sarah puis Sheryn,et elleMonique puis Fabien- ne. “Je suis allé voir la police de l’aéro- port pour montrer cette incohérence, là on m’a répondu “No problem” raconte André Tattu, décontenancé par le pro- pos. “À mon sens, c’est révélateur de

graves manquements dans la sécurité du vol. En cas de pépin, qui aurait su que nous étions à bord de cet avion ?” interroge-t-il. Le couple de Saint-Vitois a vécu ses dernières turbulences lors du retour en France à bord de la compagnieAir Cai- ro cette fois. “L’avion était neuf, mais le pilote aussi semble-t-il. Au bout de dix minutes de vol, on nous a annoncé que nous allions retourner à Louxor pour des raisons techniques.” Finalement, l’avion volera jusqu’à Lyon. Ouf. T.C.

“L’avion était neuf, mais le pilote aussi.”

RÉACTION Les services de Fram “A priori, ce n’est pas exceptionnel” Fram explique que la confusion dans les cartes d’embarquement est possible, notamment en D e retour à Saint-Vit, André et Martine Tattu ont déposé une récla- mation auprès du voyagiste Fram. “À mon sens, Fram a la res- ponsabilité morale de nous faire voyager en sécurité” estime André Tattu. Il ajoute : “Mon but n’est pas de déconseiller aux gens d’aller en Égypte, mais il faut qu’ils sachent dans quelles conditions ils s’y ren- dent.” Le couple a donc adressé ses observations sur le transport aérien au siège de Fram à Toulouse. En réponse, le service qualité du voyage s’est défendu de quelconques manquements à la sécurité des passa- gers dans le cadre des transports aériens. “Fram collabore avec les com- pagnies qui détiennent les droits de trafic et les certificats requis par la Direction Générale de l’Aviation Civile Française à laquelle elles se soumettent régulièrement aux contrôles techniques exigés par cette admi- nistration. Les compagnies égyptiennes ont répondu aux audits tech- niques et disposent des autorisations requises par les autorités compé- tentes de l’aviation civile.” Pas un mot dans ce courrier de deux pages sur les faux noms indiqués sur les cartes d’embarquement. Contactés par nos soins, les services de Fram n’ont à ce jour pas d’explication précise sur ce qui s’est pas- sé, mais affirment entreprendre les démarches auprès des personnes compétentes pour tenter d’élucider cette affaire. En tout cas, il semble que ce ne soit pas la première fois que ce genre de fait se produise. “ A priori , cela peu se produire et notamment en Égypte. Ce n’est pas excep- tionnel. Nous ne savons pourquoi ça se passe comme ça” fait-on savoir Égypte. Mais le voyagiste a entrepris des démarches pour élucider cette affaire.

EXPLICATIONS Spécialiste du transport aérien “Nous sommes dans une course à la rentabilité” L’aventure égyptienne de ce couple de Saint-Vitois n’étonne pas François Nénin. Journaliste d’investigation, il dévoile les coulisses peu réjouissantes du transport aérien.

L a Presse Bisontine :Ce couple de touristes affirme avoir volé sur d’autres compagnies que celles indiqués sur leurs billets. Comment cela est-il possible ? François Nénin : Il y a deux pro- blèmes. Le premier tient au décret des voyagistes (mars 2006).Ce décret dit que le voyagiste peut donner à son client le nomde cinq com- pagnies aériennes sur les- quelles il peut voyager. En général, elles sont sérieuses. Mais la compagnie retenue peut changer huit jours avant l’embarquement et elle peut, pour un tas de raisons, tra- vailler finalement avec un sous-traitant. Ainsi un pas- sager peut se retrouver à voya- ger sur une “compagnie pou- belle”. Dans le crash de la compagnie FlashAirlines en 2004 à Charm El-cheikh, on

bord. Mais dans certains crashs , on sait que des per- sonnes s’étaient rebellées avant. Ce décret des voya- gistes était une bonne idée, malheureusement il n’a pas organisé la transparence. L.P.B. :Le second problème concer- ne les vols intérieurs… F.N. : On parle des “bouts de ligne”. Sur les rotations inté- rieures, on fait voyager les touristes sur des avions sou- vent mal entretenus de com- pagnies partenaires. Ce qui est curieux, c’est que les gens finalement protestent assez rarement quand ils embar- quent. Le transport aérien à l’intérieur d’un pays comme le Sénégal fait partie de l’exo- tisme. L.P.B. : Est-ce que toutes les com- pagnies répondent aux mêmes réglementations ? F.N. : Non, les réglementations sont plus simples dans cer- tains pays. Les compagnies doivent répondre aux régle- mentations du pays dans lequel elles opèrent, qui ne sont pas celles de l’Europe. L.P.B. :L’avion est-il toujours le F.N. : C’est une tarte à la crème ! Ces statistiques sont àprendre avec beaucoup de précautions. Le risque n’est pas le même partout. Quand vous êtes à bord d’une compagnie afri- caine qui décolle en surchar-

François Nénin est un journaliste d’investigation. Il est le fondateur du site Internet securvol.fr qui renseigne sur les compagnies aériennes. Il est également l’auteur des livres “Crashs aériens, ce qu’on vous cache” et “Transport aérien, le dossier noir”.

retrouve cette cascade de res- ponsabilités. À mon sens,Fram n’a rien appris de cet accident (N.D.L.R. : la majorité des passagers étaient partis avec ce voya- giste). Si le tou- riste proteste, il perd son voyage.C’est un scandale.Géné- ralement, les gensmontent à

“Les économies de carburant.”

ge, il est maximal. Il y a des accidents enAfrique dont on ne sait rien. L.P.B. : La crise ne doit pas amé- liorer la situation dans les trans- ports aériens ? F.N. : La crise impacte la tré- sorerie des compagnies. La plupart font impasse sur la formation des pilotes et la maintenance. Nous sommes dans une course à la renta- bilité. Maintenant, le nou-

veau problème qui émerge concerne les économies de car- burant. Il existe des logiciels qui calculent la stricte quan- tité de carburant dont a besoin l’avion pour effectuer le vol. Cela peut aboutir à des crashs , surtout si l’avion doit se détourner pour des raisons de météo par exemple. Des accidents récents sont liés aux conditions d’exploitation de l’avion. Propos recueillis par T.C.

chez Fram. Le voyagiste rappelle que l’embarquement ne dépend pas directement de sa compétence. “C’est quelque chose qui nous échappe. Ce sont les compagnies aériennes qui se chargent de l’embarquement et non pas Fram. Nous ne pouvons pas contrôler la chaîne de l’aéroport de A à Z. En revanche, notre rôle est de s’assurer que les presta- taires sont les plus sérieux possible. Le système est tel qu’il y a peut-être eu confusion dans les cartes d’embarque- ment. Les services d’aéroport sont peut-être moins bien organisés en Égypte, ce qui a peu généré un sentiment d’in- sécurité.” Un sentiment suffisamment fort en tout cas pour que Martine Tattu qui effectuait un de ses premiers voyages en avion se dise “vaccinée.”

Martine Tattu se dit “vaccinée.”

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