La Presse Bisontine 110 - Mai 2010

BESANÇON

La Presse Bisontine n° 110 - Mai 2010

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VIE MUNICIPALE

Toujours favorable au tram en centre-ville Éric Alauzet, “un vert” se rebiffe

À 51 ans, le leader des Verts assume le fait d’entrer en confrontation avec les élus de sa propre majorité sur des dossiers aussi épineux que celui du tram. Un homme déterminé et convaincu.

D u conseil municipal de mars, on retiendra ce plaidoyer inattendu d’Éric Alauzet en faveur du tracé du tram au centre-ville. Une intervention presque hors sujet puisque les élus n’avaient pas à débattre du par- cours du T.C.S.P. ce soir-là mais de travaux connexes à son passage pos- sible par les quais. Qu’importe, le conseiller municipal délégué à l’aménagement et à la construction durable est allé au bout de sa réflexion. Déroulant une série d’arguments, il a martelé avec for- ce et convictions la nécessité de “ne pas abandonner le tracé du centre- ville” , le plus pertinent de son point de vue. Les objections de l’État sur le dossier qui laissent supposer que cette option est compromise ne sont pas selon lui une raison suffisante pour baisser les bras maintenant. L’intervention remarquable d’Éric Alauzet a médusé l’assemblée, à commencer par le maire Jean-Louis Fousseret qui tentait de contenir son agacement. C’était à se deman- der qui était le patron (lui et le mai- re sont assis côte à côte). Quand “le vert” se rebiffe, c’est la majorité qui prend une claque. La carapace se lézarde, son image soudée en appa- rence laisse resurgir les individua- lités. Les interventions qui ont suivi pour tenter d’expliquer que le débat était sain entre les élus d’un même bord n’ont pas suffi à colmater la brèche. En agissant ainsi, Éric Alauzet a rappelé à ceux qui en doutaient encore qu’il était à la fois “libre et solidaire.” Il peut cautionner lamajo- rité quand il le juge nécessaire, mais n’est pas docile au point de se lais- ser museler. Il ne serait pas inter- venu ce soir-là en séance publique s’il n’avait pas eu l’intention de frap- per les esprits par un électrochoc.

passés dans l’arène politique loca- le, ÉricAlauzet a pris de l’assurance. Cela n’a pas toujours été le cas. Il ne redoute plus la confrontation. “La politique, c’est du conflit. Ça s’apprend. Mes premiers conflits, je ne les assumais pas” se souvient celui qui y est entré “incidemment” en 1988. “J’ai trouvé un mot dans ma boîte aux lettres. À l’époque, Michèle Folschweiller, tête des listes des Verts aux élections municipales qui habitait à côté de chez moi, s’était dit que le médecin acuponcteur que j’étais devait être sensible à l’écologie et pouvait s’intéresser à la chose publique.” L’homme n’a pas tardé à y prendre goût. Militant sous la bannière éco- lo, il a à son actif des victoires élec- torales qui lui donnent du crédit comme en 2008 lorsqu’il ravit à l’U.M.P. Jacques Grosperrin le can- ton Besançon Est réputé impre- nable. Aujourd’hui, Éric Alauzet est un des Verts les plus en vue pour mener d’autres batailles comme cel- le des législatives. Le cas échéant, il assumera. Cet engagement possible risque- rait de l’exposer à de nouvelles cri- tiques de la part de celles et ceux qui le qualifient de cumulard. Ex- conseiller régional, conseiller géné- ral, conseiller municipal, élu à l’Agglo, président du Sybert, Éric Alauzet ferait du zèle.Aux critiques, il répond qu’en 2008 il a quitté son poste de 2 ème adjoint puisqu’il venait d’être élu au Département dont il est le 7 ème vice-président, et qu’il est à l’Agglo pour siéger au Sybert. Il ajuste ses responsabilités en fonc- tion de ce que l’autorise à faire son parti. “Je ne fais pas de calculs. La preuve en 1995, j’ai arrêté la poli- tique pendant trois ans.” C’est aussi pour cela qu’Éric Alau- zet continue d’exercer sa profession de médecin qui participe à son équi- libre. Il peut quitter demain la poli- tique sans être désemparé. Mais la question n’est pas à l’ordre du jour. À 51 ans, le doc’ a du peps ! “Mes convictions, c’est mon moteur prin- cipal. Et puis finalement, je pense me débrouiller pas trop mal.” Il ne va pas lâcher la blouse maintenant alors que les écolos qui passaient pour de doux illuminés il y a vingt- cinq ans arrivent enfin à accrocher l’opinion publique. Protéger l’environnement, mettre en place des politiques autour du dévelop- pement durable, l’enjeu climatique, jamais ces thématiques-là n’avaient été autant à la mode. Il faut dire qu’il y a urgence à agir pour empê- cher le bateau de sombrer en sachant qu’il y a longtemps que les écolos ont commencé à écoper. “Être éco- lo, c’est la conviction profonde que l’avenir de notre société doit passer par là. C’est aussi une appréhension car je vois que ce sera dur de conver- tir cette société. Tout le monde sait qu’il faudra inventer un autre sys- tème. Mais le changement est telle- ment énorme, il va tellement désé- quilibrer des situations personnelles,

Ce qu’ils disent de lui… Philippe Gonon, conseiller municipal (MoDem) “Les Verts ne veulent plus êtres les supplétifs du P.S.” “Si on se limite à l’intervention technique d’Éric Alauzet sur le tram, elle était argumen- tée. Mais cette intervention n’était pas technique mais politique dès lors que l’on savait la décrypter. Tout avait été préparé. Je l’analyse comme une tension qui existe entre les Verts et le P.S. Jean-Louis Fousseret a été déstabilisé par le propos, car il a compris ins- tantanément qu’il s’agissait là d’une attaque politique. Il a été obligé d’être consensuel dans sa réponse alors que ce n’est pas dans ses habitudes. C’est un coup dur pour le maire. On s’approche d’un demi-mandat aux municipales, nous sommes à dix mois des cantonales, à vingt-quatre mois des législatives, l’intervention d’Éric Alauzet assez agres- sive, est comme le point de départ d’un débat à long terme qui a lieu entre le P.S. et les Verts. Les Verts ont une position hégémonique au sein d’Europe Écologie. Ils veulent peser déjà sur les prochaines attributions de canton. À mon sens, ils ne sont plus en ascension électorale mais en tassement. Dans ces conditions, il faut savoir rouler les mécaniques pour assurer son existence. En période difficile, soit vous cognez, soit vous faites le dos rond. Le consensus n’est pas dans la culture des Verts, en revanche la confrontation l’est. Il est logique qu’un chef de parti comme Éric Alauzet aille au com- bat. Les Verts ne veulent plus êtres les supplétifs du P.S. En cela, il y a un changement de rapport.” François Presse, adjointe aumaire chargée des espaces verts, des espaces naturels et de la biodiversité (groupe les Verts) “Éric Alauzet a un esprit de leader” “Éric Alauzet est quelqu’un qui a un fort esprit de leader et un bon esprit de synthèse. Il sait dégager l’essentiel des dossiers, cadrer le débat sur ce qui est important dans le contexte de notre société et par rapport aux enjeux de la ville de Besançon. Éric Alauzet ne se noie pas dans les détails. Depuis qu’il est investi d’un mandat de conseiller général, il a pris du recul. Comme il est impliqué dans deux collectivités, on le voit un peu moins, mais il reste impliqué dans l’équipe des Verts. À mon sens, il a les capaci- tés pour faire beaucoup de choses. Nous n'en avons pas encore discuté, mais il a le profil pour être candidat aux prochaines législatives. Il est en capacité de prendre de prendre de la hauteur.”

Éric Alauzet, un écolo qui se dit à la fois libre et solidaire.

économiques, sociales, qu’on le repous- se. Je prends souvent l’image du condamné à mort qui demande à son bourreau de lui laisser une minu- te de vie supplémentaire. Le pire n’est jamais sûr, mais ce qu’il faut redouter le plus, c’est que ce chan- gement s’impose par lui-même. Les utopistes aujourd’hui sont ceux qui pensent le contraire” estime Éric Alauzet. Avec le tram, Besançon fait un pas sur le chemin du développement durable. Mais il est insuffisant pour que la capitale régionale mérite le titre de première ville verte de Fran- ce qu’elle a longtemps obtenue dans des classements divers. Une recon- naissance usurpée qui fait sourire le leader des Verts car elle tient plus à la situation géographique de Besan- çon, lové dans un écrin de verdure “qu’à une vraie politique de déve- loppement durable même si, dans les années quatre-vingt, la ville a été en avance sur les économies d’énergie et les transports publics.” Mais au fait, c’est quoi être écolo au quotidien quand on s’appelle Éric Alauzet ? “Je me déplace principa- lement à vélo et à pied…” C’est déjà pas mal. T.C.

“Même si je dis trois fois oui au tram, mon intervention ne vient pas comme un cheveu sur la sou- pe analyse avec recul le leader des Verts. Besançon est “limite” pour réali- ser un tram ne serait-ce que finan- cièrement et physi- quement par rap- port à la configuration de la ville. C’est justement parce que nous sommes limités que nous n’avons pas le droit à l’erreur. À mon sens, choisir un tracé par les quais dégrade l’efficacité de ce moyen de transport. En plus, ce parcours est au moins aussi bourré d’inconvénients que celui du centre-vil- le.” En vingt-deux ans

“Je ne fais pas de calculs.”

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