La Presse Bisontine 106 - Janvier 2010

L’ÉVÉNEMENT

La Presse Bisontine n° 106 - Janvier 2010

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Christine Boutin a jeté un pavé dans la mare fin novembre en proposant la réouverture en France des maisons closes. Puis la présidente du Parti Démocrate a déclaré qu’elle avait peut-être pris une position “un peu rapi- de.” Toujours est-il que son propos a fait des vagues auprès des associa- tions qui tentent de lutter contre la prostitution, quelle qu’en soit sa forme. De passage à Besançon, Bernard Lemettre, président national du Mouve- ment du Nid s’est dit “horrifié” par la déclaration de l’ancien ministre du Logement. La prostitution est toujours “une souffrance”, le reflet d’une “pauvreté sociale.” Elle est et restera une “forme d’esclavage”, fût-elle cantonnée à des maisons closes. Le point sur la prostitution à Besançon. LA PROSTITUTION SE DÉVOILE À BESANÇON

TENDANCE Des explications complexes La prostitution :

affaire d’argent plus que sexe

Le mouvement du Nid qui va à la rencontre des prostituées observe que les raisons qui poussent les filles à faire commerce de leur corps sont nombreuses.

commerce. Cinq filles sur un trottoir “rap- portent” en moyenne 120 000 euros par an. “Ce n’est jamais une affaire de sexe, mais toujours une histoire d’argent” observe Ber- nard Lemettre, prési- dent national du Nid qui a fait le déplace- ment en novembre à Besançon dans le cadre de la journée interna- tionale des violences faites aux femmes. Il y a des clients, des proxé- nètes, le premier paie, le second encaisse, qu’importe que les filles soient considérées com- me de la marchandise, pourvu qu’elles soient rentables. “Le pouvoir de l’argent va jusqu’à

vail quotidien auprès des prostituées. Les sept bénévoles vont au contact de ces filles originaires pour la plupart des pays de l’Est ou d’Afrique, débarquées le plus souvent à Besançon par l’inter- médiaire de réseaux.Il y a aussi quelques Françaises dont certaines sont contraintes de faire commerce de leur corps pour faire face à des difficultés financières. “Notre travail est de créer des liens pour orienter ces filles vers nos partenaires comme le service point santé à l’hôpi- tal” explique Pascal Lonchampt, res- ponsable du Nid à Besançon, dont le siège est rue Renan. Avec son équipe, ils apportent une écoute, du réconfort, mais de là à sortir une de ces filles de la rue, c’est beaucoup plus compliqué. “Il y a les filles qui sont dans un réseau et qui n’ont pas le choix, et celles qui ont le choix de ne pas se prostituer mais qui le font parce qu’elles subissent la pres- sion économique. C’est rare de sortir une fille de la rue. Nous en voyons une cin- quantaine à Besançon. Il y en a une, voi- re deux, qui n’ont pas réglé tous leurs problèmes mais qui semblent sorties de la prostitution.” Une victoire pour le Nid. Néanmoins, ce piètre constat est aus- si la preuve que les causes de la pros- titution sont souvent plus profondes que le seul souci financier qui n’en est qu’une des facettes. “Il y a une détres- se économique, c’est vrai.Mais très sou- vent, ces filles ont perdu le lien social, elles sont en rupture avec leur famille, ont parfois des difficultés psychiques. C’est toujours dur de savoir où est l’ori- gine du problème” poursuit Pascal Lon- champt. Avec cela, la prostitution est un busi- ness pour les proxénètes qui en font le

L a prostitution, Jacques la vit tous les jours. Il n’est pas client et ne se prostitue pas lui-même, mais elle se déroule sous ses fenêtres, à l’angle de la rue de Belfort et de la rue Garibaldi. Chaque soir,

c’est la même chose, les voitures tour- nent. Les automobilistes s’arrêtent, embarquent une fille pour une passe, et la ramènent sur le trottoir. “Pour moi qui ai pignon sur rue, il me semble que ce marché est exponentiel. Quand on vit

à côté, c’est sidérant. La question que je me pose est de savoir comment, en tant que citoyen et acteur responsable, je peux agir.” Une interrogation à laquelle des associations telles que le Mouvement du Nid tentent de répondre par un tra-

“Leur copine comme une marchandise.”

des jeunes aujourd’hui dans les quar- tiers qui présentent leur copine comme une marchandise. On s’aperçoit que de plus en plus les jeunes sont des consom- mateurs de sexe” poursuit Bernard Lemettre. Malgré le fait que le racolage et le proxé- nétisme soient interdits en France, nous ne sommes pas à la veille de voir dis- paraître cette pratique. “J’ai dans mon entourage une personne jeune qui habi- te Dijon et qui a une double préoccu- pation le samedi : venir se distraire au Casino Barrière de Besançon et ensui- te d’aller voir les prostituées” raconte Jacques. La virée nocturne se limite à ces deux plaisirs du jeu et du sexe.Mais au final, le système est bien celui d’une soumission et d’une exploitation des corps. Une forme de grande pauvreté, d’une grande violence qui prend de nouveaux visages avec l’avènement d’Internet. Par ce réseau, la prostitution est enco- re plus discrète et incontrôlable. T.C.

Bernard Lemettre, président national du Nid.

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