La Presse Bisontine 105 - Décembre 2009

LE PORTRAIT

La Presse Bisontine n° 105 - Décembre 2009

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BESANÇON Une jeune maman handicapée Handicap : la force d’une mère

Handicapée physique, Maria Fernandes élève seule son garçon de 9 mois. Pas “un exploit, mais de l’organisation” dit cette maman qui se bat contre les injustices.

“Benjamin,

Elle parle de sa vie et de son combat. Les handicapés seraient les plus touchés par la crise et de plus en plus délaissés selon elle. Elle porte plainte. c’est un miracle”

L a Presse Bisontine :Vous êtes tombée encein- te en étant handicapée. Les médecins étaient- ils inquiets quant au bon déroulement de l’accouchement ? Maria Fernandes : Je ne suis pas totalement paralysée des membres inférieurs. Je souffre d’une parapésie. C’est vrai que mon corps a été traumatisé pendant quatre mois. J’ai su tardivement que j’étais encein- te mais avoir Benjamin était un cadeau pour ne pas dire un miracle. Autant on ne m’a pas envié il y a sept ans, autant aujourd’hui on m’envie parce que je suis heureuse. L.P.B. : À l’arrière de votre fauteuil roulant, vous avez placardé ce message :“Maire de Besançon, démis- sion”. Pourquoi ? M.F. : Quand j’ai accouché, j’ai pris conscien- ce du coût financier que j’allais devoir sup- porter pour simplement emmener mon fils à l’école en prenant le bus. À raison de quatre allers-retours par jour, à environ 2,20 euros le ticket, çame coûtera 500 euros par mois ! L.P.B. : La vie est plus chère pour les invalides… M.F. : Valide, je n’ai jamais été en situation de surendettement or je ne suis pas plus dépensière qu’avant. N’ayant pas de voi- ture, je ne peux pas faire mes courses dans les centres commerciaux mais je les fais dans des petits commerces : c’est plus coû- teux. Je préfère manger moins mais de bonne qualité. En période de crise, nous sommes (les handicapés) encore plus tou- chés que les autres. L.P.B. :LaVille accorde des aides financières et maté- rielles, le Conseil général également. Pourquoi ne pas en profiter ? M.F. : J’ai bénéficié des services d’aide à la personne mais les tarifs sont exorbitants. Je n’utilise plus ce service car il y a un pro- blème de qualification et de formation de ces personnes. Je n’ai pas été satisfaite, c’était du boulot mal fait alors je préfère faire moi-même quitte à repasser la nuit. L.P.B : Pourquoi ne participez-vous pas aux com- missions pour remonter vos griefs ? M.F. : J’y ai participé. Dans les commissions (exemple de laMaison départementale des personnes handicapées), il y a beaucoup de têtes blanches et peu pas de personnes concernées. Ce sont des valides qui vien- nent dans ces commissions. L.P.B. : Quels sont vos besoins ? Vous sentez-vous délaissée ? M.F. : J’ai déposé un dossier car j’aimerais

un scooter électrique (de trois ou quatre roues) pour pouvoir me déplacer avec mon fils. Des personnes devaient venir prendre les mesures dans mon appartement pour savoir quel mode me convenait le mieux. Toujours rien. Être en situation de handi- cap, c’est être totalement dans la pape- rasse. On veut m’épuiser. Je crie à la cor- ruption. On me demande d’aller quatre fois chercher un bout de papier. Les per- sonnes ne s’imaginent pas des choses que nous devons endurer. Être invalide, c’est être sportif de haut niveau. L.P.B. : Quels sont les endroits du centre-ville aux- quels vous ne pouvez pas accéder ? M.F. : Il y a beaucoup de rues que l’on peut prendre dans un sens et pas dans l’autre, une chaussée mal entretenue, des trottoirs qui ont des trous, remplis de crottes où les voitures sont stationnées. La ville s’engage des pistes cyclables mais 200 m plus loin, elle s’arrête. J’ai décidé de boycotter les bus Ginko car il y a une discrimination au niveau du tarif. Il y a certains bus qui ont des planchers bas mais il faudrait des quais d’embarcation adaptés au seuil du bus. Et ce n’est pas toujours le cas. Du coup, il fau- drait que je saute pour monter sur les plates-formes de bus.Onme demande d’être un kangourou. Je veux bien (elle rigole) mais vous savez, j’ai déjà assez rebondi dans ma vie. J’ai acheté un casque anti- choc pour contrecarrer une éventuelle chu- te. À l’arrêt “ Liberté”, je ne peux pas mon- ter seule, il faut que j’aille en face du laboratoire pour prendre le 3. Quand il ne pleut pas, j’essaye au maximum d’aller au centre-ville en fauteuil. L.P.B. Comment allez-vous faire quand votre fils ira à l’école ou lorsqu’il va courir ?

Lorsqu’elle se déplace en ville avec son fauteuil, Maria Fernandes couvre la tête de son bébé Benjamin-Walid avec un casque de protection. Dangereuse la vie d’une mère handicapée ?

U ne maman comme les autres, pleine d’attention, de sourires et de regards tendres envers son fils Benja- min-Walid âgé de 9 mois. À 38 ans, Maria Fernandes est une maman épanouie. Une mère com- me les autres… à la différence que cette Bisontine souffre d’un handicap physique : une para- plégie incomplète des jambes qui l’oblige à se mouvoir en fauteuil roulant. Résidante aux Chaprais, elle fait preuve d’un courage à toute épreuve après des années galère. Sa vie bascule un jour de 2004 où elle tente de mettre fin ses jours en se défenestrant suite à une dépression “due à une agres-

te dans l’idée d’élever et d’éduquer aumieux son fils même si le papa a quitté le domicile après la nais- sance de Benjamin-Walid,magni- fique bébé aux yeux marron. Ce bout de vie, la jeune femme le conte d’une voix posée. Sans jamais se plaindre. Mais lorsque l’on évoque avec elle des ques- tions plus précises sur son quo- tidien, sur ce qu’elle endure, Maria répond du tac au tac. À l’image de ses petits bras éner- giques actionnant les roues de son chariot, elle dégaine, dénon- çant avec force le traitement infli- gé par certains “bipèdes” comme elle aime les surnommer. Ces bipèdes, ce sont nous, les valides. Florilège. E.Ch.

sion subie alors qu’elle était sur- veillante au collège des Clairs- Soleils à Besançon” explique-t- elle.Maria se réveillera à l’hôpital Jean-Minjoz. Direction ensuite le centre de rééducation d’Héricourt en Haute-Saône où elle tente de se reconstruire phy- siquement et moralement. Elle y parvient tout en devant laisser la garde de son premier fils - alors âgé de 11 ans - à ses parents. De retour dans sa ville, Maria remonte la pente, seule avec son fauteuil roulant. Puis, elle trou- ve l’amour, tombe “miraculeuse- ment” enceinte fin 2008. Elle apprend la nouvelle de retour du marché de Noël de Strasbourg… où elle avait acheté une cigogne. Un signe du destin qui la confor-

M.F. : (réflexion) J’ai envie de vivre le moment présent, de pro- fiter. J’ai acheté un harnais de sécurité à mon fils. À long ter- me, il me faudra une aide mais il y aura du changement dans l’air. J’ai engagé une procédure contre la mairie et le Conseil général au vu des discrimina- tions qui sont faites sur le dos des handicapés et que les droits fondamentaux pour ces per- sonnes sont bafoués comme l’accès à la culture ou l’accès aux soins. Pour défendre mes droits et ceux des personnes inva- lides. Propos recueillis par E.Ch.

“J’ai déposé plainte.”

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