La Presse Bisontine 105 - Décembre 2009

ÉCONOMIE

La Presse Bisontine n° 105 - Décembre 2009

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GASTRONOMIE Un étoilé Michelin ? Christophe Ménozzi : “Pourquoi j’ai arrêté mon restaurant” Le sommelier avait repris le Mungo Park en 2006.

L a Presse Bisontine : Pourquoi avoir créé votre restaurant “Christophe Ménozzi” en 2006 pour tout arrêter trois ans plus tard ? Christophe Ménozzi : Il y a plus de 22 ans, j’étais venu manger au Mungo Park et j’avais dit, “Un jour, j’achèterai ce restaurant.” J’ai eu l’opportunité de le faire quand Jocelyne Lotz-Choquart a décidé d’arrêter et j’ai tenu ce restau- rant avec bonheur pendant trois ans. Les choses marchaient très bien, ce restaurant a été une formidable aven- ture. L.P.B. : Alors pourquoi arrêter brutalement ? C.M. : J’avais quelques autres projets en tête et l’opportunité s’est présen- tée, en effet très rapidement. Les ache- teurs, que j’avais connus il y a quelques années, se sont toujours intéressés à cet endroit magique à Besançon. Ils m’ont fait une proposition sérieuse, qu’ils ont renouvelée, je l’ai acceptée. Les choses se sont réglées en juillet et Rebaptisé “Christophe Ménozzi”, le restaurant a été vendu et a changé d’enseigne il y a quelques semaines. Christophe Ménozzi s’en explique.

Christophe Ménozzi : “Pour qu’un restaurant marche,

il faut de la sincérité.” ZOOM

ils se sont installés en septembre. En effet, ça s’est fait rapide- ment. Mais si person- ne n’était venume voir pour me proposer d’acheter, je serais cer- tainement encore là. Le restaurant mar- chait très bien. La seu- le condition que j’avais imposée, c’était de reprendre les neuf employés du restau- rant. Cette condition a été respectée par les repreneurs. L.P.B. :Aucun regret d’avoir vendu alors ? C.M. : J’ai passé trois super-années au res- taurant. Le seul regret que je peux avoir, c’est justement d’avoir ven- du (sourire)… Car je m’y plaisais énormé- ment. Le seul incon- vénient est de ne pas avoir pu se débarras- ser de cette image haut de gamme qui collait à la peau du restau- rant.

Que devient-il ? L e bouillonnant sommelier a plein de projets en tête. On peut le dire instable, il répond : “C’est la vie. trois ont monté un protocole de vaca- tion en I.R.M. fonctionnel. Le travail des chercheurs consiste à étudier le cer- veau dʼun dégustateur de vin. Ces tra- vaux très sérieux sont censés aboutir à des conclusions très pertinentes sur les réactions du cerveau.

“J’ai été le seul à baisser tous mes prix.”

taurant peut servir du mauvais caviar et ce n’est pas pour autant qu’il sera considéré comme gastronomique et que ça marchera. Pour bien faire, il faut de la sincérité. L.P.B. : Qui mérite une étoile à Besançon ? C.M. : J’en vois un seul possible, c’est le Manège. Il a le cadre, la salle est peut-être un peu “froide”, mais il pour- rait un jour y prétendre. Pour avoir un macaron au Michelin, il faut un bel établissement bien situé, un cuisinier qui a du talent, et de l’argent. Car il faut payer son personnel. Les employés d’un restaurant étoilé doivent être de vrais compétiteurs. L.P.B. : Quel est votre avis sur la TV.A. à 5,5 % ? C.M. : J’ai peut-être été le seul restau- rateur à Besançon à baisser tous mes prix, mais je pense néanmoins que cet- te histoire de T.V.A. est une grosse erreur. Il aurait fallu un autre systè- me avec une partie des recettes liées à la baisse de la T.V.A. qui soit direc- tement affectée aux salariés, mais sans charges sociales. En l’état, si on redon- ne aux salariés, on paie plus de charges qu’avant. Ça ne peut pas marcher.

L.P.B. : On vous a accusé d’avoir quitté le res- taurant dans la précipitation… C.M. : Ce sont les circonstances qui ont voulu ça. Les seules choses qui m’ont blessé, ce sont les jugements des gens, anonymes sur Internet, qui se prennent pour des critiques gastro- nomiques. Nous sommes quand même le seul métier à se faire juger comme ça par les autres, c’est parfois diffici- le, surtout quand ce n’est pas justifié. Comment peut-on juger un plat que l’on ne sait pas faire soi-même et qui nécessite trois personnes en cuisine pour le faire ? L.P.B. : Décidément, il est bien difficile de fai- re de la qualité à Besançon et de durer ! Il n’y a plus aucune étoilé Michelin à Besançon. Cette ville n’est pas une terre de gastrono- mie ? C.M. : Ce n’est pas plus difficile qu’ailleurs. Si quelqu’un fait son tra- vail correctement, il n’y a pas de rai- son que ça ne marche pas. Mon ambi- tion à moi n’a jamais été de récupérer le macaron Michelin de Jocelyne Lotz- Choquart. J’ai juste voulu faire un res- taurant. Le mot “gastronomique” n’a pas beaucoup de sens. Un restaurant peut servir de bonnes rillettes de porc et ça marchera. À l’inverse, un res-

Je regarde devant moi et ce que j’ai fait hier, je n’y pense plus.” Il collabore actuel- lement à plusieurs dossiers dans son métier originel, la connaissance du vin. Christophe Ménozzi est consultant pour un tout nouveau site Internet en cours de création, “www.ovigneron.com”, qui propose des conseils avisés en matiè- re de vin et des fiches techniques par producteur. Le concept a été lancé fin octobre au salon “Made in Jura” à Lons- le-Saunier. “Je vais partout en France pour ce site. L’avantage est de pouvoir commander son vin à prix producteur” indique le sommelier-conseil. Parallèlement, Christophe Ménozzi col- labore avec deux professeurs de méde- cine bisontins, Thierry Moulin et Lionel Pazart, neurologues au C.H.U. Tous les

Troisième occupation du sommelier dont il ne donne que les grandes lignes : la collaboration avec un Jurassien qui vient de mettre au point un système permet- tant de conserver les grands vins après ouverture. “Cela permettra notamment aux restaurateurs de gérer sans souci ses stocks” note le spécialiste qui ne manque donc pas de travail malgré la vente de son restaurant bisontin. Chris- tophe Ménozzi participe aussi à lʼinstitut du goût du Jura à Arbois en tant que consultant. Sa passion du vin est intac- te. “Le vin, ce n’est que des sentiments” résume-t-il.

Propos recueillis par J.-F.H.

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