La Presse Bisontine 105 - Décembre 2009

LE GRAND BESANÇON

La Presse Bisontine n° 105 - Décembre 2009

28

NOVILLARS

Un épilogue heureux

La papeterie du Doubs revit ! Après plusieurs mois de tourmente, la papeterie du Doubs qui était promise à la fermeture début septembre vient d’être reprise. La Groupe Otor l’a cédée au cartonnier belge Golfkarton. Présentation.

Louis- Philippe

Soenen est à la tête de Golfkarton,

C’ est en famille, accom- pagné de son épouse et de deux de ses filles que Louis-Philippe Soenen, le repre- neur de la papeterie du Doubs s’est présenté à Novillars le 5 novembre. Le destin de cet- te entreprise fondée en 1883 est désormais entre les mains de cet industriel belge de 55 ans, au contact jovial, qui diri- ge Golfkarton, une cartonne- rie créée par son grand-père. Le changement de décor de la capitainerie est assez radical pour les 69 salariés de la pape- terie. Enfin ils peuvent mettre un visage sur le nom de leur “big boss”, eux qui dépendaient jusque-là d’Otor, un groupe contrôlé par le fonds de pen- sion américain Carlyle. La valeur familiale portée par Louis-Philippe Soenen a un côté rassurant. “Il n’y a pas de rai- son qu’on ne fasse pas confian- ce à ce repreneur. Nous jugerons aux actes. En 30 ans, Soenen est notre cinquième employeur.Nous venons d’échanger un patron financier contre un patron indus- triel” se félicite Gérard Haulet, délégué syndical C.G.T. qui confirme que dans l’opération les avantages acquis sont main- tenus ainsi que les accords col- lectifs. Novillars est une opportunité pour le cartonnier belge qui jus- qu’à présent était tributaire des fournisseurs de papier. En inté- grant dans son activité l’unité de production franc-comtoise, il fait un pas de plus vers l’autonomie. “Nous avions tou- jours des problèmes de papier. Pour être indépendant, je cher- chais une papeterie” raconte Louis-Philippe Soenen. Il aurait pu, comme il le dit, en chercher une “en Pologne” où les coûts

de production auraient été pro- bablement moins élevés qu’en Fran- ce. “Mais je préfère la proximité, c’est ma stratégie. Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que la question du transport est essen- tielle dans la pape- terie.” Gageons que le couple Golfkarton- papeterie du Doubs s’épanouira dans le temps. Mais il fau- dra pour cela qu’il procède à quelques ajustements pour améliorer la renta- bilité de l’usine

une cartonne- rie belge dont les produits sont principa- lement utili- sés dans l’agro-alimen- taire.

“Le principal

REPÈRES

Personnel, direction, élus L’histoire d’une mobilisation générale Quand ses donneurs d’ordres lui ont demandé de fermer la papeterie de Novillars, son P.D.G. Gérard Lasserre a refusé la fatalité. Rapidement, la solidarité associant le personnel, les élus locaux et les services de l’État s’est organisée pour trouver une solution. L e 12 mai 2009, lorsque Gérard Lasserre a été convoqué à Paris par la direction du groupe Otor,

est d’y croire.”

franc-comtoise. Tout d’abord l’équipe de Novillars sera rédui- te. Sur l’effectif actuel, neuf per- sonnes seront licenciées. Il s’agit de départs en préretraite, “ce n’est pas une fatalité” commente Gérard Haulet. Louis-Philippe Soenen va agir également sur la durée du temps de travail qui va augmenter en produc- tion. Ensuite, le cartonnier belge cherchera à diminuer la factu- re énergétique de la papeterie. “Nous allons investir 2,5 mil- lions d’euros dans le change- ment de chaufferie en particu- lier. Car le premier chèque que j’ai fait est celui du fuel d’un montant de 440 000 euros.” Le troisième levier sur lequel l’industriel va agir est la stra- tégie commerciale. En opérant ainsi, Louis-Phi- lippe Soenen est confiant pour l’avenir. “À Novillars, ce n’est pas une usine, un terrain, des bâtiments que j’ai repris, mais une équipe et c’est le plus impor- tant. Nous devons mettre en pla- ce une politique cohérente à laquelle tout le monde devra adhérer. On est dans une guer- re économique, il faut agir tous ensemble pour y arriver. Le prin- cipal est d’y croire et quand on y croit, on avance.” Cet homme sait de quoi il par- le quand il évoque la stratégie industrielle. L’usine Golfkar- ton qui s’étend sur 110 000 m 2 à Hooglede en Belgique (45 km de Lille) emploie 140 salariés. Entre 2000 et 2009, la direc- tion a investi 67millions d’euros pour moderniser l’outil de pro- duction. Pour l’instant, elle transforme 55 000 tonnes de papier par an, alors qu’elle a une capacité de 110 000 tonnes. En s’adossant à l’unité de Novil- lars qui produit annuellement 70 000 de papier (une quanti- té qui pourrait être portée à 100 000), Golfkarton va pou- voir élargir son champ d’action. T.C.

drer une telle décision. “Novillars existe grâce à sa papeterie. C’est la pre- mière et la seule révolu- tion industrielle qu’il n’y ait jamais eu ici” rappelle lemaire Philippe Beluche qui a redouté de la voir disparaître. Au printemps, Otor a donc jeté les dés, devant sceller le sort de la pape- terie. À 63 ans, Gérard Lasserre aurait pu se résigner et appliquer la consigne de la maison- mère en fermant l’usine, comme prévu, début sep- tembre. “Mais je n’ai pas pu garder cela pour moi.”

il ne s’attendait à ce qu’on lui annon- ce l’arrêt de la filiale de Novillars qu’il dirige depuis 20 ans. “Ça a été la douche froide. Quatre jours plus tard, j’ai reçu le planning qui prévoyait la fermetu- re de l’usine le 4 septembre” se sou- vient-il. Comme toutes les papeteries, celle de Novillars connaissait des dif- ficultés économiques depuis quelques mois, liées à l’effondrement des prix du papier sur le marché. “De 430 euros la tonne en 2007, nous sommes pas- sés à 190 euros.” Par une lecture exclu- sivement financière de la situation, Otor a appliqué sa stratégie de restruc- turation, répondant aussi aux exi- gences du fonds de pension américain Carlyle dont dépend le groupe. Dans ce type d’organisation, quand une entreprise n’est plus capable d’apporter la preuve de sa rentabilité, la solution est de couper la branche morte sans se préoccuper des dégâts collatéraux, sociaux notamment, que peut engen-

Gérard Lasserre, un patron qui a refusé le fatalisme.

Dès le 16 juin, il a annoncé la nou- velle au personnel. Deux jours plus tard, une réunion a eu lieu en mairie. Ce fut le point de départ à une mobi- lisation générale des élus locaux, des services de l’État, mais également du personnel et de la direction de la pape-

terie pour tenter de trouver une solu- tion. “Il y a eu un refus du fatalisme” estime Gilles Cassotti, commissaire à la réindustrialisation qui a suivi le dossier. Il ajoute : “La fermeture de la papeterie aurait entraîné toute une kyrielle de dégâts. Il faut savoir que la plupart des collectivités locales dépo- sent ici leurs papiers. Qu’auraient-elles fait si celle-ci avait disparu ? Que serait-il advenu de cette friche indus- trielle qui aurait probablement été squattée ? Quel impact aurait eu cet- te fermeture sur les sous-traitants ?” Des questions auxquelles personne n’a eu à répondre. Aidé par des prix du papier qui reviennent à l’équilibre depuis trois mois, Otor a finalisé un accord de reprise avec le cartonnier belge Golfkarton. Gérard Lasserre termine donc sa car- rière sur note positive. Ce Toulousain d’origine, Franc-Comtois d’adoption, partira en retraite dans quelques mois. Son successeur a été nommé à la direc- tion générale de l’usine de Novillars. Il s’agit d’Hubert Dutoit, un profes- sionnel venu de Suisse aux compé- tences commerciales fortes, qui connaît précisément le marché du papier. T.C.

Philippe, Beluche, maire de Novillars.

Gilles Cassotti, commissaire à la réindustrialisation en Franche-Comté.

Made with FlippingBook - Online magazine maker