La Presse Bisontine 105 - Décembre 2009

DOSSIER

La Presse Bisontine n° 105 - Décembre 2009

17

EUTHANASIE AU C.H.U. : BIENTÔT LA VÉRITÉ

Après plusieurs années d’enquête, le douloureux dossier lié aux soupçons d’euthanasie active au C.H.U. de Besançon est sur le point de connaître son dénouement. Les deux experts médicaux missionnés par le juge d’instruction livreront “très bientôt” leurs conclusions. Depuis que le ministère de la Justice a imposé au procureur de la République de Besançon d’ouvrir une information judiciaire, de nouveaux élé- ments sont venus compléter le dossier, notamment six nouveaux cas suspects. Après le séisme provoqué par les enquêtes successives de la D.R.A.S.S. et de l’inspection générale des affaires sociales sur le fonctionnement du service de réanimation chirurgica- le, la justice a décidé d’aller jusqu’au bout de l’enquête. Le scénario extrême peut aboutir à un jugement devant la cour d’assises pour “empoison- nement.” Le point sur une affaire ultra-sensible.

AFFAIRE

100 000 euros d’expertise Six nouveaux cas versés au dossier

premier expert médical, lyonnais, a été dessaisi de l’affaire. Il s’agissait du Professeur Daniel Malicier, directeur de l’Institut Médico-Légal de Lyon. Le 13 juin 2008, le juge d’instruction demande à deux experts parisiens de reprendre le dossier en main : le Pro- fesseur Denis Safran d’une part, chef du service anesthésie-réanimation à l’hôpital européen Georges-Pompidou (Paris) et le Professeur Jean-Louis Pourriat, professeur des universités et praticien hospitalier au Groupe- ment hospitalier universitaire Ouest (Paris). Selon nos informations, cer- taines pièces auraient disparu quand le dossier a été transféré de Lyon où travaillait le premier expert médical à Paris. Ces contretemps ont repous- sé encore de quelques mois le dénoue- ment de l’enquête. Selon l’un des deux experts parisiens, “les conclusions de l’enquête seront rendues de façon immi- nente.” Ce sont donc, non plus 18, mais bien 24 dossiers suspects qui ont été sou- mis à cette double expertise. À envi- ron 2 000 euros l’expertise, le minis- tère de la Justice consacre près de 100 000 euros à ces expertises médi- cales. Preuve de la lourdeur de la pro- cédure engagée, le rapport d’expertise des deux médecins parisiens avait été promis pour mars 2009 et les conclu- sions devaient être rendues en juin dernier. L’échéance aura donc été repoussée de près de six mois. “Le rap- port n’a pas encore été rendu car c’est une masse considérable de travail” commente le P r Safran, soumis pour

Après nomination de nouveaux experts médicaux, la police judiciaire de Besançon a ajouté six cas douteux de patients aux 18 déjà examinés.

C’ est en juillet 2007 qu’une infor- mation judiciaire pour “empoi- sonnement de patients en fin de vie” a été ouverte par le procureur de la République de Besan- çon. Cette décision, voulue par leminis- tère de la Justice, faisait suite à plu-

mations recueillies par La Presse Bison- tine, six nouveaux cas ont été ajoutés aux 18 déjà examinés, de patients ayant subi un acte d’euthanasie active ou passive. C’est précisément le 26 février 2008 que ces six dossiers complémen- taires ont été saisis par la police judi- ciaire de Besançon. Suite à la première expertise qui avait abouti à supposer 14 cas d’euthanasie active sur les 18 douteux, la justice a donc décidé de pousser plus loin enco- re ses investigations. Dès l’ouverture de l’information judiciaire, il s’avère que plusieurs déclarations de familles n’avaient pas été prises en compte. Le

sieurs rapports émanant des autorités sanitaires locales et régionales sui- vies de cinq années d’expertise médicale. Mais depuis ce mois de juillet 2007, l’affaire a pris une nouvelle tour- nure. Selon les infor-

Non plus 18, mais bien 24 dossiers.

Le rapport d’expertise sur les pratiques du C.H.U. de Besançon devait être rendu en juin dernier. Devant la complexité de l’affaire, il a été repoussé de six mois.

Les cas suspectés d’euthanasie active peuvent entraîner des praticiens devant les tribunaux.

l’instant à la plus grande réserve sur ce dossier. Mi-novembre, le dossier est toujours à l’instruction au cabinet du juge bison- tin Retailleau. C’est lui qui devra déci- der dans les toutes prochaines semaines du dénouement de cette information judiciaire pour “empoisonnement.” Un non-lieu général est une hypothèse. Mais au vu des éléments versés au dossier, l’épilogue judiciaire de cette

longue procédure peut se traduire par une convocation de certains praticiens bisontins en correctionnelle, voire devant la cour d’assises si la qualifi- cation d’empoisonnement est retenue. Comme le résume un proche de cette affaire, “on n’est pas dans la fin de vie conventionnelle mais plutôt dans la gestion de lits.” La justice finira par trancher. J.-F.H.

Made with FlippingBook - Online magazine maker