La Presse Bisontine 105 - Décembre 2009

BESANÇON

La Presse Bisontine n° 105 - Décembre 2009

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MUNICIPALITÉ

Un élu de terrain

À 38 ans, il est l’adjoint au maire en charge de l’Animation socio-culturelle et de la vie des quartiers. Un rôle taillé sur mesure pour cet élu issu de l’immigration. Abdel Ghezali mène la vie de quartier

C e matin, Abdel Gheza- li a rendez-vous au centre Martin Luther King avec Mohamed, un habitant des Clairs- Soleils. Cet homme d’une soixan- taine d’années à la santé fragi- le veut le voir pour qu’il l’aide à trouver une solution à son pro- blème de logement lié à des dif- ficultés personnelles. Il l’écoute et lui promet de faire le néces- saire au moment de se séparer amicalement. Le dossier ne relève pas exac- tement de la compétence d’un adjoint au maire en charge de l’Animation socio-culturelle et de la vie des quartiers. Mais qu’importe,Abdel Ghezali consi- dère qu’il est dans son rôle de médiateur. “Je reçois, j’écoute, et en fonction de la situation, je fais le lien avec les différents partenaires. S’il s’agit d’un pro- blème d’appartement, j’en réfè-

club de foot, mais il est surtout l’élu de la République dont on attend qu’il résolve les pro- blèmes. “Pour ces gens, la Ville est responsable de tout. Souvent, les problématiques qu’on nous pose sont des problématiques d’urgence. Si vous laissez cou- ler une semaine après un ren- dez-vous, c’est trop tard. Il faut être réactif” expliqueAbdel Ghe- zali qui n’a pas la prétention d’être toujours l’homme de la situation. “Je ne suis pas le mai- re des quartiers” sourit-il. Mais l’élu se rend utile dès qu’il le peut sans jamais perdre de vue sa “double mission : expli- quer la politique municipale, et faire remonter les difficultés de terrain pour adapter les projets.” Un rôle d’interlocuteur privilé- gié taillé sur mesure pour ce garçon de parents algériens, né à Montrapon dans une famille de huit enfants. Il s’est construit autour de cette double identité qui le rend aujourd’hui “fier d’être Français” et fier de sa “cul- ture algérienne.” Le malaise des quartiers, il le connaît pour y avoir vécu et pour y vivre enco- re. Il n’ignore pas les attentes de la jeunesse dans ces cités qu’il préfère qualifier de popu- laires plutôt que sensibles “car on y retrouve une solidarité qui n’existe pas ailleurs. Il y existe une richesse associative qu’il faut préserver.” Il comprend les réactions excessives parfois dans ces cités sans les excuser, lui qui à 18 ans avec quelques copains a muré pendant quinze jours la Régie des Quartiers “car la poli- tique municipale ne me plaisait pas. La Régie était un tremplin

pour les jeunes. Mais comment voulez-vous faire le bonheur des gens sans eux ?” Cette action spectaculaire est l’acte fonda- teur de l’engagement d’Abdel Ghezali en politique du côté du parti socialiste. Les années ont passé et les problèmes sont tou- jours là. “À Besançon, nous sommes dans une ville de tra- dition sociale. Un gros travail a été fait, mais sur le fond, les dif- ficultés subsistent.” À 38 ans, il effectue son deuxiè- me mandat au sein de l’équipe Fousseret qui en a fait un des hommes forts de sa majorité. “Les quartiers, c’est une photo- graphie de la société multipliée par dix. Le taux de chômage varie entre 30 % et 40 % ici. Quand il atteint les 11 % en France, on en fait une cause natio- nale. Comment devrait-on appe- ler cela dans les quartiers popu- laires ?” s’interroge Adbel Ghezali. L’élu est réaliste. La situation ne se réglera pas d’un claquement de doigts. “Résoudre les problèmes passe par des moyens financiers et beaucoup de travail en partenariat. Nous parviendrons à trouver des solu- tions quand nous serons capables d’apporter des réponses sur l’emploi, la sécurité et le “vivre ensemble”. Des jeunes ici ne se considèrent ni comme Français ni comme Algériens par exemple car ils n’ont pas trouvé leur pla- ce dans la société. Il y a aussi un problème d’information dans ces cités.” Son téléphone sonne, c’est un jeune qui appelle car il peine à trouver un stage en entreprise. Abdel Ghezali activera son

re à Grand Besançon Habi- tat et je ferai en sorte que cet organisme inter- vienne” explique- t-il. Il faut dire que la plupart du temps, les Bison- tins qui le solli- citent ignorent ce pour quoi il a été investi par le maire. Abdel Ghezali est le voisin, l’homme respectable, le copain de Mon- trapon dont il a été président du

“Nous parviendrons à trouver des solutions.”

réseau pour lui trouver une solu- tion, convaincu que les élus de gauche comme de droite ont une obligation de résultat. En agis- sant, l’adjoint au maire appor- te sa pierre à l’édifice. Une de plus sur le chantier pharaonique de résorption des problèmes des quartiers. T.C. Abdel Ghezali travaille au Conseil régional. Il est aussi président du Centre Régional d’Information Jeunesse (C.R.I.J.).

Ce qu’ils disent de lui… Maire-Noëlle Schoeller, première adjointe au maire “A dbel Ghezali est quelqu’un qui est clair. Sa capacité d’écoute est excellente et il a cette intelligence de par- tage d’information en commission où se fait l’essentiel du travail. Il est véritablement un bon coéquipier. Il a une ouver- ture d’esprit, une bonne compréhension des enjeux. Cet élu sait faire remonter les problèmes de terrain, il a des arguments et ne se dérobe pas. Abdel Ghezali sait de quoi il parle et fait un gros travail en équipe.”

POLITIQUE

Avant les régionales “Il faut arriver à l’interdiction du cumul” Ancien haut fonctionnaire à la ville de Besançon, maire socialiste de Pontarlier entre 1989 et 1995, le Bisontin Yves Lagier porte un regard critique sur la question du cumul des mandats, à l’heure où la réforme des collectivités locales fait débat. Interview.

L a Presse Bisontine : En vingt ans, la fonction d’élu local a beaucoup évolué. Quel est votre avis sur la réforme annoncée des collectivi- tés locales ? Yves Lagier : Elle est nécessaire et sur ce point, le président Sarkozy a du courage de s’attaquer au millefeuille administra- tif français. La France compte 36 000 com- munes, contre 12 000 en Allemagne, un pays qui a 20 millions d’habitants de plus. Les premiers rapports sur l’intercommunalité en France datent des années soixante-dix. Trente ans plus tard, on n’a pas beaucoup évolué. Sur la ques- tion du cumul des mandats, il faut aussi réformer. L.P.B. : Quel est votre point de vue sur le cumul ? Y.L. : Il faut arriver tout bonnement à l’interdiction du cumul. C’était l’idée défen-

due en son temps par le député Arnaud Montebourg, mais aujourd’hui, en plus d’être député, il est président du Conseil général de Saône-et-Loire… Je soutiens le principe du “un homme, ou une femme, un mandat”. Je pense aussi qu’il faudrait limi- ter dans le temps le nombre de mandats successifs. L.P.P. : Vous pensez à qui en disant cela ? Y.L. : Pour ne prendre que l’exemple des pro- chaines régionales, quatre élus le sont depuis 1986, cela va faire 24 ans : Jean- François Humbert, Yves-Marie Lehmann, Jean-Claude Duverget et Joseph Parrenin. Il faut que ces gens-là aient la décence de ne pas se représenter. Car il est nécessai- re de faire un transfert générationnel et donner leur chance à des jeunes de 35-40 ans. Les élus ne doivent pas se sentir pro-

priétaires de leur mandat.

Y.L. : Sur la question du cumul, il y a quelques contre-exemples locaux, avec le maire actuel de Pontarlier notamment ? Y.L. : J’estime que Patrick Genre est un très bon maire. Je reste un homme de gauche, lui est de droite, mais je vois qu’il n’a jamais cherché à devenir un professionnel de la politique. Il aurait pu sans problème deve- nir député en “écrasant” Jean-Marie Biné- truy, ou encore conseiller général, haut la main. Il se consacre à la ville et à la com- munauté de communes, je dis bravo. On peut citer aussi quelqu’un comme Pierre Magnin-Feysot qui, quand il a été élu conseiller régional, a laissé son mandat de maire du Russey. Il faut éviter la profes- sionnalisation des politiques. Propos recueillis par J.-F.H.

Pourtant ancien haut fonctionnaire, Yves Lagier estime aussi que “les fonctions électives les plus importantes ne doivent pas être réservées qu’aux fonctionnaires.”