La Presse Bisontine 104 - Novembre 2009

La Presse Bisontine n° 104 - Novembre 2009

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COMMENTAIRE

Bilan mitigé

“J’aurais pu faire une fête de la merguez !”

Pour ce qui est de l’exigence artistique, la feuille de route a été remplie à l’excès. Mais le côté festif et populaire tant attendu du festival a été inexistant. Yves-Michel Dahoui s’explique.

L e pari de Sonorama est de “réussir l’exigence artis- tique et l’événement popu- laire” estimeYves-Michel Dahoui. Pour l’adjoint à la cul- ture, c’est l’heure du débriefing et d’une nécessaire “remise en cause” à la suite de la première édition de cet événement cultu- rel qui n’a tenu qu’à moitié son pari. “Il y a des déceptions, des échecs et des réussites” admet l’élu. L’exigence artistique de Sonorama était indéniable. Elle était même souvent excessive, confrontant le visiteur à des concepts d’art contemporain sta- tiques qui échappaient à sa com- préhension. À l’inverse, l’évé- nement populaire et festif attendu n’a pas eu lieu à l’ex- ception de quelques rendez-vous marquants comme le spectacle de Pierre Giner place de la Révo- lution, les concerts de la Friche Culturelle au Prés-de-Vaux, et ceux de CitronVert dans la cour duMusée duTemps ainsi que la parade finale du dimanche de Xarxa Teatre - Generik Vapeur. Seuls ces spectacles du soir sont parvenus à rassembler le public (40 000 personnes selon lamuni- cipalité sur les quatre jours.) La ligne artistiquemusicale s’adres- sait surtout aux jeunes, et aux amateurs de culture électronique. Mais pour les familles qui vou- laient voir à quoi ressemblait

Sonorama en journée, rien. À part quelques installations étranges comme au parc Gran- velle transformé en parking pour les besoins “d’autoradio-hôtel”. Ces voitures couvertes de bâches grises, dans lesquelles on pou- vait passer la nuit, ont laissé pantois plus d’un visiteur qui s’attendait à trouver des ani- mations musicales dans un des lieux les plus conviviaux de la ville. “Sonorama, c’est beaucoup d’argent investi (1 million d’eu- ros dont 750 000 de laVille) pour un service rendu qui est moyen. Il faut repenser les choses. La cul- ture, ce n’est pas l’aventure” esti- me Jean Rosselot, leader de l’op- position municipale. Tout n’est pas à jeter dans cet- te première édition, heureuse- ment d’ailleurs, mais des amé- liorations sont à prévoir. Yves-Michel Dahoui en est convaincu. Ouvert à la critique, il est disposé à reconnaître les défauts de Sonorama. “Nous devons peser les plus et les moins. Un événement comme celui-ci se construit aussi par l’échec. Il faut être capable de l’analyser. Le pre- mier point négatif est la com- munication. Il y a eu un défaut d’information sur les lieux, les heures, et les modalités d’accès au spectacle.” L’excellente trou- pe Télé-Choc’ qui avait installé ses studios place Pasteur, a témoi-

“Ce qu’il faut juger, c’est le potentiel de ce festival.”

tives. Ce qui ne changera pas, selon l’élu, est l’exigence artis- tique de ce rendez-vous. “Ce qu’il faut juger, c’est le potentiel de ce festival. Il existe contrairement à Musiques de rues qui avait un côté festif plus riche, mais dont le contenu artistique ne lui per- mettait pas d’évoluer. Aucun fes- tival ne fonctionne du premier coup. L’image d’une ville passe par l’ambition culturelle. Je suis adjoint à la culture et pas celui de la convivialité. J’aurais pu faire une fête de la merguez qui aurait sans doute été très popu- laire. Mais qu’en aurait-il été de l’exigence culturelle ?” Pour la fête de la merguez, il ne man- quait que le chapiteau place Pas- teur où il y avait déjà les bra- seros … T.C.

gné malgré elle de ce manque de communication. Le vendre- di, ses comédiens-reporters ont demandé en substance à des Bisontins pris au hasard ce qu’évoquait pour eux Sonora- ma. La plupart s’interrogeaient sur le principe et le contenu. “L’espace public n’a pas été inves- ti si ce n’est par quelques spec- tacles poursuit l’adjoint à la cul- ture. Il faut être capable de se remettre en cause. Les direc- teurs artistiques ont la lucidité de le faire. Je fais aussi confian- ce aux Bisontins pour s’appro- prier cet événement.” L’année prochaine, les installa- tions statiques comme les voi- tures de Granvelle disparaîtront des lieux de passage - et sou- haitons-le de Sonorama pour ce qui est de celles-ci. Les efforts porteront sur les animations fes-

Dur dur de s’y retrouver...

Seuls les spectacles du soir ont eu du succès (photo Carvy).

venir les “pointures” qu’il avait déjà dans son carnet d’adresses. Mais on ne peut s’empêcher de penser que Troisième Pôle (nom du quatuor) a loupé la marche. Par manque de connaissance de la ville ? Par élitisme ? Par manque de travail d’équipe ? Les mercenaires ont frappé mais peut-on leur en vouloir quand la ville elle-même leur apporte sur un plateau d’argent une si bel- le occasion de le faire en jetant son dévolu sur quatre noms et un dossier vide ? La notoriété justifiée et acquise ailleurs ne fait pas tout et l’addition de talents n’est pas l’assurance d’une réus- site. La preuve est faite. Le grand vainqueur de cette première édi- tion (et le seul) est Vincent Carry et ses nuits de la friche (de 22h30 à 5 heures). Elles ont fait salle comble mais l’entrée était payante. Mais est-ce vraiment cela un grand festival pour tous et quatre jours de fête dans toute la ville ? On nous annonçait de la conti- nuité avec un événement plus grand, plus beau, plus fort. Nous n’avons rien eu de tout cela. Dommage pour nous. A.B.

COMMENTAIRE Jean-Marie Songy “Peut-être que nous

nous sommes éparpillés” Avec Vincent Carry, Jérôme Delormas et Philippe Franck, Jean-Marie Songy est un des quatre directeurs artistiques qui interviennent sur Sonorama. Pour lui, le cahier des charges a été rempli.

L a Presse Bisontine : Sonorama fait l’objet de nombreuses critiques notamment sur la programmation qualifiée parfois de trop pointue. Pour une première édition, n’êtes- vous pas allés trop loin dans l’art contemporain ? Jean-Marie Songy : Sonorama est une formi- dable expérience. Je rappelle que nous avons annoncé qu’il s’agissait d’un festival de créa- tion. Autoradiohotel, place Granvelle, est une œuvre qui n’avait jamais été présen- tée, qu’elle soit réussie ou ratée. Nous avons rempli notre cahier des charges. Nous sommes allés au bout de la proposition qui a été contractualisée avec la ville. Je pré- fère la critique vive plutôt que l’ignorance ou le désintéressement à l’œuvre publique. Pendant Sonorama, j’ai discuté avec beau- coup de gens qui étaient dans le rejet immé-

diat. Je n’y suis pas insensible. Nous sommes un objet public, les gens jouent au football avec, je ne me laisserais pas abattre par trop de retours négatifs. Nous ne fermons nos oreilles, mais nous allons construire Sonorama en tenant compte de ces retours. L.P.B. : Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ? J.-M.S. : La question est posée sur le ryth- me général de la manifestation lié à la dis- ponibilité du public. En journée, nous avions misé sur le fait que le public fasse la démarche de visiter les installations et que le soir soit un événement populaire. Je pense que nous avons été faibles le samedi et le dimanche après-midi sur les rassemblements artis- tiques. Nous n’avons probablement pas assez occupé le terrain sur des créneaux

horaires où la population entre dans l’es- pace public en pensant qu’il s’y passe quelque chose. L.P.B. : Quel avenir a Sonorama ? J.-M.S. : Nous sommes très excités à l’idée de faire cette manifestation. C’est un chan- tier d’expérience et d’expérimentation. C’est une formule atypique qui est de donner une manifestation d’envergure nationale et inter- nationale. Peut-être que pour cette pre- mière édition nous avons été trop généreux dans la programmation et que nous nous sommes éparpillés. Désormais, nous allons nous tourner vers quelque chose de plus festif. Propos recueillis par T.C.

Le parc Granvelle transformé en parking pour une performance artistique.

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