La Presse Bisontine 104 - Novembre 2009

ÉCONOMIE

La Presse Bisontine n° 104 - Novembre 2009

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UNIVERSITÉ

L’enjeu du rapprochement entre la faculté de Besançon et Dijon

Exemple de coopération Besançon-Dijon

La fac de Pharmacie a le nez fin L’équipe de recherche du professeur Yves Guillaume n’a pas attendu l’élaboration du Pôle de recherche et d’enseignement supérieur pour coopérer avec les Bourguignons. Une invention va naître : le “Bio-nez”.

D ans son laboratoire situé au premier étage de la faculté de pharmacie de Besançon, le professeur Yves Guillau- me alterne entre les conseils délivrés à ses étudiants chercheurs et l’envoi de mails . Directeur de l’équipe de recherche “Sciences séparatives bio- logiques et pharmaceutiques”, Yves Guillaume se dit “pour” le rapproche- ment des deux Universités même si pédagogiquement celle-ci induira indu- bitablement une concurrence.À l’heure actuelle, lui et d’autres scientifiques ont dépassé ce débat en coopérant sur un projet de recherche commun entre la faculté de pharmacie de Dijon et Besançon. Avec l’équipe du professeur dijonnais Gharbi Tijani, les Bisontins vont développer une micronanotech- nologie d’analyse pour le développe-

péen. Nous avons besoin d’un rappro- chement de la carte de formation avec la carte de recherche” dit-il. En sus, ce rapprochement permettra de créer à terme un Pôle d’excellence et obtenir ainsi les crédits de recherche, le nerf de la guerre. Pour l’heure, l’équipe de recherche du professeur Guillaume travaille avec 80 000 euros par an pour mener à bien ses projets. Une somme dérisoire com- parée aux grandes facultés. “Si Besan- çon se laisse aller, alors nous ne serons plus qu’un collège qui ne fera que de la formation et plus de tout de recherche.” C’est bien connu : à plusieurs, on est meilleurs, surtout lorsqu’il faut récla- mer une enveloppe budgétaire. À noter que les géographes et S.T.A.P.S. (sports) coopèrent déjà avec les Dijon- nais au même titre que les écoles doc- torales santé-médecine, sciences de l’ingénieur et sciences dures qui ont signé une co-accréditation (regroupe- ment des deux écoles doctorales). Quant à l’école doctorale “Langage, Espace, Temps et Société” dirigée par Thierry Martin à Besançon, elle participe à la revue Dijonnaise Lisit (Langages, Idées, Sociétés, Institutions,Territoires) mais n’a pas signé de co-accréditation pour une simple raison : les deux écoles ont plus de 500 doctorants. Se regrouper, c’est bien, encore faut-il que les équipes choisissent les mêmes orientations de recherche. Un sujet bien complexe. E.Ch. dʼenseignement supérieur (P.R.E.S.) : “Il n’y a pas de positionnement concurren- tiel entre nous. Les plateaux techniques que nous n’aurons pas à Dijon, nous les retrouverons à Besançon” dit la prési- dente. Exemple concret : “Nous sommes spécialisés dans les nanotechnologies à Dijon et les microtechniques sont à Besançon. Les étudiants bénéficieront des meilleures conditions. Ce P.R.E.S. permettra également de suivre des for- mations confidentielles que nous ne pou- vons pas faire faute d’un nombre trop faible d’étudiants.” Dijon se positionne sur lʼélectronique et lʼinformatique ainsi que sur lʼimagerie médicale ou lʼéconomie. Besançon serait davantage tourné vers le droit. Pour le moment, ni Dijon ni Besançon ne remet- tront en cause les formations distillées dans leurs antennes que sont Le Creu- sot, Nevers, Auxerre pour la Bourgogne, ou Montbéliard-Belfort pour lʼU.F.R. de Besançon.

L’équipe de recherche du professeur Yves Guillaume (à droite) travaille avec la faculté de pharmacie de Dijon sur un projet commun “biomédical”.

ment d’un bio-nez. “C’est un capteur d’odeur” explique plus triviale- ment Yves Guillaume. Pour le moment, cette réalisation d’ordre bio- médical est à ses pré- mices. À terme, elle pour- rait être commercialisée. Elle dénote la volonté des entités de se regrou- per afin de concrétiser de grands projets. “Besançon comme Dijon sont des petites Univer- sités qui n’ont pas la taille critique pour être lisibles au niveau euro-

Le doyen de la faculté de lettres sceptique “Des réunions boycottées par les Bourguignons” Doyen de la faculté de lettres, Antonio Gonzales juge “branlant” le

“Besançon ne doit pas se laisser aller.”

A.G. : Il y a eu des discus- sions à différents niveaux, à l’échelle des présidences, des enseignants avec une difficulté majeure : se faire rencontrer les collègues.On s’est aperçus que laFranche- Comté était massivement représentée lors des réunions alors que les Bour- guignons ont boycotté.C’est un échec ou une réussite relative. L.P.B. : L’objectif du P.R.E.S. est d’offrir de meilleurs cours et les meilleurs profs aux étudiants. Quelle est sa face cachée ? A.G. : Je pense que le projet est branlant car on va demander aux étudiants de se déplacer, aux professeurs également. Avec le risque de les dégoûter, de les fati- guer. D’autres Universités qui ont réussi à se regrou- per sur unmême site offri- ront plus d’avantages avec des conditions de travail homogènes. Je demande une manifestation de sou- tien de la part des politiques francs-comtois. L’enjeu est énorme : la Franche-Com- té comme la Bourgogne pourraient perdre à terme des milliers d’étudiants. Offrir de bonnes conditions de travail à la fois pour l’étudiant et l’enseignant dépasse le P.R.E.S. mais derrière, il y a une pression du ministère pour que l’on se regroupe. Propos recueillis par E.Ch.

néfastes des grèves à répétition ? Antonio Gonzales : Non. Nous sommes pour le moment (mi-octobre) à 3 100 étu- diants inscrits. Nous arri- verons fin novembre à plus 3 700 avec les Masters et doctorants.Nous allons peut- être même augmenter les effectifs. C’est une excel- lente nouvelle et je peux dire que notre“plande réus- site” en licence fonctionne bien. L.P.B. :D’ici la rentrée prochaine, les deux universités coopéreront étroitement avec le Pôle de recherche et d’enseignement supérieur (P.R.E.S.). La concur-

rence est-elle terminée entre celles-ci ? A.G. : La phase concurren- tielle n’est pas morte, elle est en sourdine.Disons que nous serons sur le même pied d’égalité à partir du printemps car les deuxUni- versités vont proposer au ministère leur carte de for- mations. Ce plan devrait avoir été discuté (N.D.L.R. il insiste sur le condition- nel) pour trouver une com- plémentarité des forma- tions. L.P.B. : En tant qu’enseignant- chercheur,avez-vous été consul- té sur ce rapprochement ?

L a PresseBisontine :La facul- té de lettres de Besançon subit-elle les conséquences rapprochement Dijon-Besançon. Il attend une prise de position des élus francs-com- tois. Sinon, les étudiants s’exileront.

Le véritable enjeu Il n’en restera qu’un

À terme, Besançon et Dijon devront se rapprocher et pas seulement sur pression du ministère de lʼEnseignement supérieur. Au cas où elles ne le feraient pas, les enveloppes budgétaires pour les équipes de recherche ou écoles doctorales seront réduites à néant. Elles feront alors de Besançon ou de Dijon deux “collèges” sans rayonnement comparé aux monstres que sont Lyon-Grenoble au sud et Strasbourg au nord. Cʼest en 2014 que la “fusion” intervien- dra, terme que les deux présidents des Universités (Claude Condé et Sophie Béjean) se sont jusque-là juré de ne jamais prononcer. On comprend pour- quoi : une fusion impliquerait la nomina- tion dʼun président et non de deux, la réduction des effectifs des enseignants- chercheurs ou encore du personnel Iathos. Interrogée sur le sujet, la présidente de lʼUniversité de Bourgogne Sophie Béjean attend vivement le Pôle de recherche et

Doyen de la faculté de lettres, Antonio Gonzales attend une mobilisation des politiques sur le sujet.

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