La Presse Bisontine 104 - Novembre 2009

ÉCONOMIE

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La Presse Bisontine n° 104 - Novembre 2009

GENNES

Évolution du jeu Les lotos deviennent une affaire de spécialistes

Zora et Jean-Marie Faust se sont spécialisés dans la préparation et l’animation de lotos. Le monde associatif fait appel à leur service pour garantir la réussite de leur soirée dont le but est de générer des recettes.

P armi les 80 lots annoncés : une télé plasma de 127 cm, un fri- go américain, un salon de cinq places, un lave-linge, une camé- ra numérique et pour couronner le tout, une voiture ! C’est la cerise sur le gâteau du “loto géant” organisé à Micropolis par l’Entente Roche-Novillars le 21 octobre dernier. Une super-vitrine, alléchante,dont le contenudevrait sédui- re les joueurs par centaines. Les accros du loto de tout âge viendront de loin, bien au-delà des frontières départe- mentales, pour tenter leur chance. “Micro- polis, c’est hors catégorie. On peut atti- rer 1 000 à 1 200 personnes” estime Jean-Marie Faust. C’est lui qui animera la soirée avec son épouse Zora. Elle officie en salle, tandis qu’il annonce aumicro les numéros sor- tis au hasard du boulier. C’est presque comme à la télé, aussi clinquant que le Juste prix et stressant comme le tirage du loto ! En six ans, ce couple de Gennes s’est construit une réputation de pres- tataires de services spécialisés dans la préparation de lotos auprès du monde associatif de la région. Un rôle que les Faust acceptent par passion disent-ils. “Nous n’avons jamais démarché aucu- ne association. Elles sont venues vers nous” souligne Zora, une sexagénaire piquée par le virus du jeu. La prestation clé en mains qu’ils pro- posent n’a plus rien à voir avec les lotos de campagne dont les quines prove- naient de la générosité des gens et des commerçants, sollicités par des béné- voles dévoués.Ce système-là s’est essouf- flé selon Zora, faute de lots suffisam- ment attrayants. L’état d’esprit, plus mercantile, a changé, mais la finalité est la même : générer des recettes pour l’association. “Ce qu’on observe, c’est que les gens viennent d’abord pour la vitri- ne présentée dans la publicité, et moins pour l’association qui l’organise.” Mieux, une partie des joueurs ne se déplacent que pour Jean-Marie et Zora, persua- dés qu’ils ne seront pas trompés ni sur la marchandise, ni sur le prix des car- tons qui ne change pas d’une soirée à l’autre (de 19 à 30 euros, sauf cas excep- tionnel comme à Micropolis). “Tous les

pour le plaisir certes, mais pas gratui- tement. Leur prestation est rémunérée sur la base d’un forfait qui figure au contrat signé avec l’association qui assu- me le risque moral et financier. “Ce for- fait couvre toute notre prestation. Mais il faut préciser que la réussite du loto ne dépend que de nous mais de l’investissement des membres de l’association” expliquent Zora et Jean- Marie. De plus en plus d’associations font appel à des prestataires extérieurs pour animer leurs lotos. De nouveaux animateurs s’engouffrent dans cet uni- vers du jeu.Dans le nord Franche-Com- té, deux micro-entreprises se seraient créées pour animer des lotos. T.C.

animateurs et les préparateurs ont des clients qui les suivent” confient-ils. Les Faust jouent de leur réputation, voilà pourquoi ils inscrivent leurs pré- noms sur les affiches publicitaires. Ils sont aux petits soins pour leurs fans. D’un loto à l’autre, le duo réserve des places à ces fidèles s’ils le demandent et des cartons de jeu qui comportent des numéros fétiches. “Des clients ont leurs habitudes.Dans nos lotos, il y a toujours 80 quines. Les gens vérifient que les lots présentés sur la scène sont conformes à ceux annoncés sur l’affiche. Il faut qu’ils en aient pour leur argent.Nous sommes dans une crise, sortir et jouer fait par- tie du plaisir.” Des joueurs dépensent jusqu’à 70 euros dans la soirée. Plus ils ont de cartons sous les yeux et plus ils augmentent leurs chances de gagner. La préparation est devenue une affai- re de spécialistes. C’est un peu comme un spectacle pour lequel il faut calcu- ler le seuil de rentabilité avant de la programmer. Les prestataires compo- sent avec trois paramètres : la capaci- té de la salle, le prix des cartes qui est invariable et le budget de la vitrine qui peut dépasser les 15 000 euros. “Pour mettre au point un loto qui tienne la rou- te, il faut au moins une salle de 300 places. Le but premier est de boucler le budget, le bénéfice est imprévisible. Ce qu’on va gagner en fin de soirée est la bonne surprise” explique Jean-Marie. La préparation est presque un job à temps plein pour Zora qui se démène pour trouver les lots qui feront mouche. Elle collabore pour cela avec un maga- sin de grande distribution bisontin qui lui fournit la majorité des lots en élec- troménager, T.V., Hi-Fi, bons d’achats. Chaque fois qu’elle le peut, elle fait la tournée des lotos pour y déposer des annonces sur les futures soirées qu’elle animera avec Jean-Marie. La publicité est essentielle. “Notre travail est de convaincre les joueurs occasionnels de se déplacer.L’idée est de générer unmaxi- mumde recettes pour l’association orga- nisatrice.” Zora et Jean-Marie souhaitent garder discret le nombre de soirées qu’ils ani- ment chaque année. Ils interviennent

Zora etJean-Marie Faust animent des lotos depuis six ans.

CONSTAT

Observation du phénomène Les lotos dans le collimateur de la répression des fraudes Cet organisme de surveillance s’inquiète de la multiplication des lotos. Il redoute certaines dérives par rapport à la législation qui règlemente ce type de manifestation.

L es loteries sont prohibées par la loi du 21 mai 1836, à lʼexception des lotos tradi- tionnels précise le texte. “Il faut qu’ils se déroulent dans un but social, culturel, ou encore associatif” complète laDirection de la Répression des Fraudes. Cet organisme de surveillance redoute actuellement des dérives par rapport au textede loi initial. Il est interpellépar lʼampleur que prennent certains lotos qui sortent du simple cadre restreint prévu par la légis- lation de la simple animation de village, drainant des joueurs de tout un départe- ment (voir plus) grâce à une communica- tion efficace et des lots dʼexception. Il nʼexiste pas de statistiques précises sur le sujet. Néanmoins, selon nos sources, en 2004 en Franche-Comté, sur troismois, environ 1 000 lotos ont été enregistrés. Ce qui représente entre 300 000 et 400 000 joueurs ! à lamême époque, dans la région dePontarlier, une soixantainedʼassociations ont organisé une quarantaine de lotos pour

un chiffre dʼaffaires dépassant les 500 000 euros et un bénéfice global dʼun plus de 160 000 euros. Toute la difficulté pour les Fraudes est de démontrer que les principes de base de la loi ne sont pas respectés. “Nous devons vérifier par exemple que les bénéfices vont bien à l’association dans un but social. Si c’est le cas, on peut valider le système. Mais dès lors que l’on démontre que l’exception prévue par la loi n’est pas res- pectée, on tombe dans la loterie prohibée.” Les sanctions sont lourdes, puisquʼen 2008 les peines prévues en cas dʼentorse à la règle ont été accentuées. Le risque encou- ru est de 2 ans dʼemprisonnement et de 60 000 euros dʼamende. Paradoxalement, les législateurs ont modi- fié la loi le 9 mars 2004 en supprimant le montant maximal des lots fixé jusque-là à 400 euros. Cette position est ambiguë puisque dʼun côté ils donnent la possibili- té aux organisateurs de lotos de proposer

des vitrines attractives et de lʼautre ils aug- mentent les amendes en cas de dérives. Ce nʼest pas non plus dans lʼintérêt des pouvoirs publics dʼavoir lamain lourde sur les associations qui organisent des lotos et qui y trouvent une source de recettes. Restreindre cette liberté dʼanimation pour- rait être interprété comme une volonté de nuire au tissu associatif qui peine parfois àmobiliser les bénévoles, et qui peine aus- si à trouver des subventions. Malgré tout, la Répression des Fraudes veille et effec- tue des contrôles pour éviter que ces lotos ne deviennent un business qui profite à dʼautres que les associations. Une autre facette des lotos est occultée. Elle concerne lʼaddiction au jeu. Si dans les casinos les joueurs peuvent être inter- dits dʼentrée, ce nʼest pas - encore - le cas dans les lotos. Pourtant, les accros du loto existent. Jamais on ne parle dʼabus de jeu dans ces manifestations où certains où lʼon se déplace souvent en famille.

TENDANCE Résultat d’une étude Besançon envahi par la pub

Entre les panneaux publicitaires autorisés et l’affichage sauvage, les entrées de la ville sont mitées par la pub. La C.A.G.B. réagit et met en place le règlement local de publicité.

ment Local de Publicité (R.L.P.). Une fois ce chantier terminé, les communes devraient transférer cette compétence à la C.A.G.B. qui régira l’affichage publicitaire à l’échelle du territoire intercommunal. Une desmesures dissuasives est l’augmentation de la taxe propre à l’affichage. Elle est 16 euros dum 2 à Besançonmais va atteindre les 20 euros d’ici 2013. “Cela génère 125 000 euros de recettes par an.” Mais pour lutter véritablement contre la prolifération de l’affichage, le législateur avait envisagé de permettre aux communes de multiplier par quatre cette taxe. La mesu- re est morte dans l’œuf. Certains disent qu’elle n’a pas résisté au lobbying des publicitaires. En tout cas, la C.A.G.B. entend, à terme, fai- re respecter le règlement local de publicité. Il est probable que les élus s’opposent même à l’arrivée de nouveaux panneaux sur le mar- ché de la communication, lumineux cette fois. T.C.

L’ automobiliste qui circule entre Beure et Besançon ne peut pas manquer la mul- titude de panneaux publicitaires 4 x 3 m qui bordent la route. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Car en périphérie de la capi- tale régionale, le paysage est accaparé par les afficheurs de manière illégale parfois pour ce qui concerne la plupart des pré-enseignes. Il s’agit de ces pancartes plantées en bordure d’un axe routier à fort trafic qui indique un garage, un hôtel, un restaurant. Malheureu- sement, ce racolage publicitaire lié à la den- sité des zones commerciales, mite la plupart des entrées de Besançon. Pour une ville clas- sée par l’Unesco, qui se soucie du patrimoi-

ne, cette dérive est un problème. Il y a un an, la Communauté d’Agglomération s’y est attelée en chargeant un cabinet pay- sager de faire une étude sur les panneaux illé- gaux. Sur ce territoire de 59 communes, Besan- çon est évidemment la ville la plus sensible au problème. “La moitié des pré-enseignes sont illégales” explique Nicolas Guillemet, l’élu qui travaille sur le dossier. Pourtant, elles restent en place au bord des routes. “Nous n’avons pas les moyens de fai- re respecter la loi” admet-il. Mais cela pourrait changer dès l’année pro- chaine. Chaque commune de l’Agglo travaille actuellement à la mise en place d’un Règle-

Entre Besançon et Beure, les panneaux sont partout de part et d’autre de la route.

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