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8 L’événement

La Presse Bisontine n°269 - Novembre 2024

l Majorité départementale Plan Enfance L’enfance, premier budget de la politique sociale Le Département fait face à une augmentation du nombre d’enfants placés. Si la collectivité alloue des moyens plus importants, la situation reste tendue. Le Plan pluriannuel 2024-2027 de la protection de l’enfance est lancé.

Cyril Carbonnel, D.G.A. en charge des solidarités et Emmanuel Faivre, D.G.S. du Département.

L ors de l’assemblée plé nière, consacrée au sort de Piquemiette, la pré sidente du Départe ment ne pouvait pas ne pas prendre la parole au sujet de la protection de l’enfance. Le bruit des manifestants a accompagné ces mots. “Un des agents réfé rents éducatifs a été agressé et a reçu un coup de couteau dans le ventre par un parent. L’auteur des faits a été interpellé. Cette agression nous a tous atteints, nous nous devons d’agir et de réagir, c’est inacceptable. Nous refusons que cette agressivité s’installe comme une fatalité, cet acte ne saurait remettre en question notre engagement. Nous agissons pour la sécurité de nos agents. Ce qui doit être amélioré le sera. Je veux réaffirmer publi quement notre soutien à nos agents.” Ce sera là la seule parole poli tique de l’assemblée plénière, la vice-présidente de l’enfance et de la famille, Patricia Lime Vieille ne s’étant pas fait enten

Au 31 août, 371 mineurs non accompagnés étaient suivis par le Département, centre 343 fin 2023. “À un moment, l’institution est obligée de bricoler, d’inventer des solutions, reprend le D.G.S. Et les moyens suivent cette courbe-là.” Concrètement, l’aide sociale à l’enfance a vu son bud get augmenter de 35 %, soit plus de 21 millions d’euros pour un budget total de 81 millions d’eu ros à l'heure actuelle. Il faut compter sur l'arrivée prochaine de deux villages d’enfants aux haras de Besançon et à L’Isle sur-le-Doubs. Ces deux struc tures vont offrir cent places sup plémentaires courant 2026. “En 2027, il faudra compter 7 mil lions d’euros en plus pour assu rer ces 100 places supplémen taires”, remarque Emmanuel Faivre. La protection de l’enfance est le premier budget du social du Département devant les per sonnes âgées, le handicap, le R.S.A. Si les moyens humains ont aug menté mais pas suffisamment

dre. Un manque relevé par les élus du groupe minoritaire Doubs social écologique et soli daire. C’est d’ailleurs le directeur général des services Emmanuel Faivre et Cyril Carbonnel, direc teur général adjoint en charge des solidarités, qui montent au front pour expliquer la situation. Les deux hommes ont aussi reçu une délégation à l’issue de la grève. “Au-delà de la manifes tation, il faut recontextualiser, attaque d’emblée Emmanuel Faivre. Il y a une augmentation exponentielle du nombre d’en fants placés. Aucune institution en France n’est capable de pren dre sereinement le choc de + 10 % par an. C’est compliqué. En 8 mois (jusqu’au 31 août), le nom bre d’enfants placés est passé de 1494 à 1597, 103 supplémen taires en 8 mois. Il y en aura + 150 cette année. Déjà l’an der nier, on a pris 10 %. L’explication est principalement sociétale, peut-être aussi que l’on détecte mieux. C’est la même chose sur les mineurs non accompagnés.”

y a également les tiers de confiance qui proposent diffé rentes modalités d’accompagne ment, renchérit Cyril Carbonnel. On peut aussi faire appel à la société civile pour du mentorat, du tutorat. Ce sont des bénévoles qui viennent nous épauler, on peut augmenter les indemnités pour les tiers dignes de confiance afin d’en attirer plus.” “Le plan avance et il sera intégralement mis en place” , conclut Emmanuel Faivre. Enfin, les élus du Département ont travaillé une M.I.E., une mission d’information et d’éva luation qui sera rendue publique en décembre. De cette M.I.E. sortiront des préconisations qui pourront nourrir la politique de la protection de l’enfance, voire la réformer. n L.P.

savent tout ça, et le comprennent. Ils nous ont fait passer deux messages. Ils voulaient être ras surés sur notre capacité et notre volonté à mettre en œuvre le plan Enfance voté en mars. Au bout de six mois, on a fait énormément de boulot, les engagements seront tenus. Le deuxième message concerne la volonté des agents d’être plus étroitement associés pour changer les pratiques et les process internes.” Parmi toutes les mesures vou lues par le Plan Enfance, dont 10 places supplémentaires en M.E.C.S. (maison d’enfants à caractère social) à Montbéliard, l’externalisation des visites médiatisées et des placements éducatifs à domicile, sont des sujets d’importance. “Ça ne se fait pas en cinq minutes, c’est du budget” , relève le D.G.S. “Il

par rapport au flux, le Dépar tement s’est engagé à titulariser un certain nombre d’agents. “On fait tout ce qu’on peut sur les métiers de l’enfance pour offrir de meilleures conditions, de sta tuts, de salaires.” En mars der nier, trois agents ont renforcé les équipes sur Besançon, 2 sur Montbéliard et un sur le Haut Doubs. Concernant les assistants fami liaux, la collectivité a recruté cette année 40 assistants fami liaux, pour une fois plus que ceux qui partent. “Là aussi, ce sont des dépenses supplémen taires. Ce n’est pas parfait mais on fait le maximum avec les moyens que l’on a” , souligne Emmanuel Faivre. Il est vrai que le Département assume seul le budget de l’enfance, sur ses fonds propres. “Nos agents

l Minorité départementale Le Doubs social, écologique et solidaire “Il y a trop de situations à gérer, le système est embolisé”

Les élus du groupe de la minorité départementale le Doubs social, écologique et solidaire ont lancé l’idée d’une mission d’information et d’évaluation sur la protection de l’enfance. Votée à l’unanimité, elle sera rendue publique en décembre. Entretien avec Jeanne Henry, Géraldine Leroy et Christine Coren-Gasperoni, les élues investies sur ce dossier.

Aujourd’hui, la situation est gangrenée de partout, personne n’avance. On ne sait plus par où prendre le sujet car les causes sont multifactorielles. L.P.B. : Quel est le sentiment qui vous anime face à la protection de l’enfance qui s’étrangle ? G.L. : En tant que groupe minoritaire, on n’a pas facilement accès aux services. On a l’impression d’un décalage entre ce qu’on entend, les témoignages qu’on nous envoie, et ce qu’on perçoit lors des commissions du Département. On regrette. On a tous envie que la pro tection de l’enfance aille mieux. On aimerait davantage travailler en toute transparence. Quant au plan Enfance, on voit beaucoup de lignes, de projets mais derrière il n’y a rien. C.C.-G. : Il fallait attendre les conclusions de la M.I.E. On a l’impression d’une mise en pause. Pourtant, on a bien voté un plan d’urgence. Presque aucune mesure n’a été adoptée. G.L. : Tant que le national n’en fera pas une priorité, le Département ne fera que colmater et s’épuiser. Après, il y a des choix politiques au sein du Dépar tement. Il y a 15 ans, les professionnels sortis de l’I.R.T.S. (institut régional du travail social) voulaient travailler au Département, ce n’est plus le cas. J.H. : Je me sens impuissante et en colère. Le sujet est sensible et on a l’im pression que rien ne se passe. n Propos recueillis par L.P.

de l’enfance ? Qu’aimeriez-vous améliorer ? J.H. : La situation est complexe mais pas propre au Département. En revanche, il n’y a aucun acte sur la pré vention. Depuis 2015, il n’y a pas eu de prévention par rapport aux familles, aux enfants accompagnés. C.C.-G. : On va mettre en parallèle ce vécu et les conclusions de la M.I.E. Que peut-on rajouter au désastre? G.L. : Il ne faut jamais oublier la pré vention et la protection. Mais la poli tique de la protection de l’enfance est tellement saccagée et dans un piètre état. Nous ne faisons plus que trouver des solutions d’urgence. Il y a trop de situations à gérer, le système est embo lisé. La politique de la protection de l’enfance est la plus complexe à gérer, multipartenariale. Il faut inscrire l’en fant dans un parcours de vie. Le Dépar tement dépend de la politique nationale qui n’en fait pas une priorité. Y compris

L a Presse Bisontine : Pourquoi avoir voulu lancer une M.I.E. sur la protection de l’enfance ?

à l’initiative de cette M.I.E. à la suite de dysfonctionnements très sérieux. Nous avons fait des suggestions de points que nous voulions étudier. La majorité à accepter cette M.I.E. sur le principe. Dans son contenu, la majorité a proposé d’autres points à pister et évoluer. Jeanne Henry : La M.I.E. qui a été tra vaillée n’est pas celle que l’on avait demandée. Nous, c'était sur les moyens mis en place, financier et humain. En 2017, il y a eu une restructuration de l’organigramme ce qui a conduit à trois directions territorialisées (Besançon, Montbéliard, Haut-Doubs). On voit qu’il n’y a pas de résultats. C’est ce qu’on voulait questionner aussi. Christine Coren-Gasperoni : Au niveau de la M.I.E., on a des critiques à faire mais il faudra attendre qu’elle soit rendue publique. On a vu des représentants des services, des directions qui nous ont présenté le fonctionnement. Nous, on voulait aller au-delà, approfondir dans les problèmes. On n’a pas assez creusé ce qu’on voulait.

Géraldine Leroy : La M.I.E. a été votée à l’unanimité, ce qui est rarissime. C’est un sujet très sensible. Le groupe a été

au niveau de la justice avec le manque de moyens, l’accompagne ment psychologique et psychiatrique complète ment abandonné, le manque de profession nels du médico-social… Nous, ce qu’on voulait interroger, c’est comment le Département s’em pare de ces probléma tiques et les confronte.

“Il n’y a pas ou peu de prévention.”

Jeanne Henry et Géraldine Leroy (à l’écran) sont les élues du groupe avec Christine Coren-Gasperoni qui travaillent sur la problématique de la protection de l’enfance.

L.P.B. : Qu’avez-vous découvert sur la protection

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