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6 L’ÉVÉNEMENT
La Presse Bisontine n°269 - Novembre 2024
La protection de l’enfance en danger
l Département Social Les agents publics crient au secours L’agression d’un collègue a été la goutte d’eau qui est tout près de les noyer. Les agents de la protection de l’enfance sont à bout et demandent à leur tour de l’aide. Ils doivent gérer de plus en plus de situations. Le Département donne plus de moyens. Insuffisants.
Le fait est rare, quoique de moins en moins, au vu de la situation extrêmement tendue et difficile. Les agents de la protection de l’enfance, et plus globalement de services du social du Département, ont exprimé leur ras-le-bol lors d’une manifestation inédite il y a quelques semaines. La protection de l’enfance est en souffrance et ne protège plus grand-chose…
Zoom La délicate question des placements à domicile L a décision de la Cour de cassation a été une autre secousse à encaisser pour les professionnels de la protection de l’enfance. Dans un arrêt du 2 octobre, la Cour de cassation a mis fin aux P.E.A.D., placements éducatifs à domicile, forçant ainsi les Départements à trouver d’autres solutions. Les P.E.A.D. sont une solution alternative au placement en établissement afin de préserver les liens familiaux tout en assurant la protection de l’enfant. Si ce dispositif hybride a montré des résultats appréciés, la Cour de cassation a estimé qu’un placement éducatif ne peut pas se faire avec les parents à domicile. “À l’origine, les P.E.A.D. étaient une mesure éducative avec du sens car c’était pour éviter le placement qui reste un traumatisme, explique Adeline Clerget, ancienne éducatrice au P.E.C. Les P.E.A.D. se font par défaut par manque de place. Il reste un flou juridique. Encore plein d’enfants sont avec un P.E.A.D., que fait-on avec eux ? Et puis, des juges prononcent encore des P.E.A.D. car pour eux, c’est ce qui convient le mieux dans certaines situations.” Par ailleurs, il existe les A.E.M.O. renforcées, une assistance éducative en milieu ouvert avec une possibilité d’hébergement. n
Ç a craque. De partout. Les agents de la pro tection de l’enfance sont à bout. À bout de forces, à bout de nerfs, désespérés de ne plus pou voir exercer correctement leur métier qui pourtant est un métier passion. À l’image des soignants du monde hospitalier qui déplo rent des manques de moyens, financiers, humains face à des arrivées qui augmentent. Le nombre d’enfants placés ne cesse d’augmenter d’année en année. Jusqu’au 31 août, le Département avait en charge 1 597 enfants. Alors, chose extrêmement rare mais qui tend à se répéter face à la gravité de la crise, les agents de la protection de l’enfance ont décidé de sonner l’alarme et de manifester le 30 septembre devant l’hôtel du Département. Ce qui a mis le feu aux poudres :
sociale pour qui les services publics qui se réduisent à peau de chagrin contribuent au pro blème. “La C.A.F. est peu ouverte, la Sécurité sociale, c’est pareil. Nous, on récupère tout.” La souffrance des services de la protection de l’enfance et du social entre en résonance avec tous les services publics, eux aussi en crise, rabotés financiè rement depuis plusieurs années, de même que la santé. “L’État va se désengager de plein de spé cificités, relève Adeline Clerget, du syndicat C.F.D.T. Il n’y a plus de places en I.M.E., plus de places en psychiatrie, il faut plus de 8 mois pour un rendez-vous au cen tre de guidance infantile…” Éducatrice pendant 22 ans 10 en psychiatrie, 12 ans au Pôle enfant placé (P.E.C.), Adeline Clerget a changé de métier. “J’ai mais trop mon métier pour le
ce qu’on peut faire, ne pas faire. Mais depuis six mois, on n’a pas pu lancer cette réflexion. Il faut revoir notre organisation du tra vail. Quand la délégation a été reçue à l’issue de la manifestation, des choses fortes ont été nommées. Le travail social déclenche une
l’agression d’un agent à Valdahon, poignardé par un parent. Sur les pancartes, on pouvait lire “Allô le 119, il y a danger. O.K., on arrive dans 6 mois.” Ou encore “Le Haut-Doubs est à bout”, “Se faire agresser, ce n’est pas les risques du métier”, “Protégeons la protection de l’enfance”. À la suite de l’agression, les agents se sont rendu compte d’un trop plein : trop d’heures supplémen taires, surcharge de travail, etc. “Cela fait un moment que l’on alerte sur la souffrance au travail. Il y a les agents de la protection de l’enfance mais aussi les tra vailleurs sociaux des autres ser vices, note Sonia Pretet, déléguée syndicale C.G.T. au Département. Depuis plusieurs mois, on tra vaille en mode dégradé pour les usagers mais aussi les agents. On demande une adaptation de notre travail à ce mode dégradé,
pression, un stress qui empêche la réflexion. On tra vaille dans l’ur gence. Notre métier de base est d’accompagner. Des temps de réflexion avec un psychologue pour soutenir les enfants, ça fait longtemps que ça n’existe plus. On perd notre cœur de métier” , souffle la travailleuse
“On perd notre cœur de métier.”
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