Journal C'est à dire - Mars 2024

LA PAGE DU FRONTALIER

“C’est une victoire sociale et syndicale” Votation populaire

vent plus que ce qu’ils ont cotisé. C’est le système le plus solidaire et le plus avan tageux pour les bas et moyens salaires. Càd : Quand cette 13ème rente A.V.S. entrera en application ? M.D. : Le Conseil fédéral a déjà annoncé qu’il ferait des propositions sans spécifier une date de mise en œuvre qui se fera au plus tard en 2026. Càd : On note aussi une certaine homo généité géographique dans l’adhésion à cette initiative. M.D. : Tout à fait, il n’y a pas eu de “Rös tigraben”, c’est-à-dire de fracture entre la Suisse Romande et la Suisse aléma nique. Seuls huit cantons alémaniques ont refusé le texte. Càd : La seconde initiative soumise à vota tion le 3 mars concerne le passage de l’âge de la retraite de 65 à 66 ans. Là aussi, le résultat est sans appel avec 74,7 % de vote populaire contre cette proposition. M.D. : Il y a deux ans, la votation pour passer de 64 à 65 ans était passée à quelques milliers de voix près. C’était déjà un signal pour signifier que les gens ne veulent pas travailler plus longtemps. La nouvelle initiative était portée par les jeunes libéraux radicaux. Càd : Vous comptez défendre d’autres pro positions à caractère social en 2024 ? M.D. : Oui, avec deux autres projets. l’un porte sur la réforme du second pilier que nous combattons et l’autre sur le plafon nement des primes maladie à 10 % des revenus. Les primes maladies augmentent année après année et impactent le pouvoir d’achat des bas et moyens revenus des retraités. D’abord il est important de pou voir plafonner les primes maladies et ensuite on souhaiterait aller vers une caisse publique, ce qui consiste aussi à remettre en cause l’opacité des caisses privées. n Propos recueillis par F.C.

C’ est à dire : C’est un résultat ines péré ? Une victoire historique de la gauche suisse ? Martine Docourt : Je parlerais d’une vic toire sociale et syndicale. C’est l’union syndicale suisse qui est à l’origine de cette initiative défendue avec le soutien des partis de gauche. Càd : Pourquoi une adhésion si massive pour cette mesure ? M.D. : Ce résultat s’explique au vu de la situation sur le pouvoir d’achat, au vu de la précarité, de l’inflation, de l’évolution

Le 3 mars dernier, le peuple suisse s’est prononcé à 58,2 % en faveur d’un 13ème mois de rente A.V.S., suivi dans ce sens par 15 cantons sur 23. La mesure devrait entrer en vigueur en 2026 à la grande satisfaction de Martine Docourt, députée P.S. du canton de Neuchâtel au Conseil national. Entretien.

pour cette 13ème rente A.V.S. malgré une campagne assez forte des milieux écono miques et des partis de droite pour com battre cette initiative. Càd : L’absence de contre-projet proposé par les opposants participe aussi du succès de cette initiative ? M.D. : Oui peut-être car la population s’est prononcée sur une seule initiative. On a eu beaucoup de discussions sur les rentes. L’A.V.S. fonctionne depuis 75 ans et ce système a survécu à toutes les crises. C’est quelque chose de très stable et ce

13ème mois de retraite ne mettra pas en péril les finances de l’A.V.S. La gauche suisse a même suggéré d’augmenter les cotisations sala riales pour couvrir l’augmentation de cette rente A.V.S. qui avait déjà fait l’objet d’une réforme en 2022 avec l’alignement de l’âge

globale du coût de la vie. Dans ce contexte, on a obtenu cette 13ème rente A.V.S. Càd : La Suisse n’est pas un paradis social ? M.D. : Non, loin de là. Il y a en Suisse, beaucoup de personnes

“Il n’y a pas eu de Röstigraben”, la fameuse

barrière de rösti.

qui vivent en précarité. Plus d’une per sonne sur dix a recours à des prestations complémentaires à la retraite. Càd : Pouvez-vous nous résumer le fonc tionnement de la retraite en Suisse ? M.D. : Notre système retraite combine un premier pilier A.V.S. (assurance-vieil lesse et survivants) qui doit couvrir les besoins vitaux et un second pilier Pré voyance professionnelle qui correspond au maintien du niveau de vie habituel. Renforcer le premier pilier est la mesure la plus équitable car elle est financée par un système dit de répartition dont la prin cipale source sont les cotisations salariales. L’enchérissement des denrées alimentaires, de l’énergie, des loyers et des primes mala die entraîne une augmentation du coût des besoins vitaux. C’est pourquoi, face à tous ces éléments additionnés, une majo rité de la population et des cantons a voté

de départ de la retraite des femmes à 65 ans comme pour les hommes. Le nombre de personnes actives en Suisse ne cesse de progresser, tout comme la productivité et cela permet aussi de consolider le budget de l’A.V.S., contrairement à ce que prétend ladroite. Càd : Les opposants estiment aussi que cette augmentation de retraite ne doit pas s’appliquer aux retraités suisses qui sont partis vivre à l’étranger ? M.D. : La question qui se pose, c’est de savoir pourquoi ils sont partis. C’est sou vent pour des questions de revenus. L’A.V.S. a du sens par exemple pour les femmes qui ont dû s’arrêter de travailler pour éle ver leurs enfants. Avec ce système, elles ne sont pas discriminées. Dans le finan cement de l’A.V.S., les cotisations ne sont pas plafonnées contrairement aux rentes. Résultat, plus de 90 % des retraités reçoi

“C’est un vote historique”, confirme Martine Docourt, députée P.S. du canton de Neuchâtel au Conseil national.

Diane Tripet, de lui à elle Val-de-Travers Dans sa maison de Boveresse transformée en musée et en bar, Diane Tripet fait découvrir sa passion pour l’absinthe. Au comptoir, elle se livre aussi sur l’époque où elle était Nicolas, sa passion pour la chanson et pour la politique. Sans modération.

L’ Areuse, une rivière suisse qui prend sa source à Saint-Sulpice et se jette dans le lac de Neuchâtel, coule dans ses veines. Elle en a même fait un poème qu’elle a baptisé “Notre coin de pays”. Diane Tripet, 69 ans, est une artiste, une musi cienne. “Par instinct” insiste-t elle. “J’ai toujours aimé la musique. J’ai pris des stages de chant avec Joëlle Gerber qui enseigne au Conservatoire de Neuchâtel. Elle m’a donné l’amour de la chanson française et le goût de composer.” Et de reprendre les grands classiques des Brassens, Renaud. Des plus grands, elle a repris les mots pour soulager ses maux. La musique fut pour elle une thérapie. Car avant de renaître en femme, Diane est née homme et a vécu entre 1954 et 2012 sous l’identité de Nicolas Tripet. Après

Preuve en est, pas besoin de la pousser beaucoup pour l’enten dre entonner l’hymne à la gaieté du grand Charles, “Y’a d’la joie”. Par le passé, elle a aussi joué aux Absinthiades de Pontarlier. Un événement incontournable pour elle qui a la passion de la célèbre boisson anisée. Dans sa maison de Boveresse, elle s’est confectionné un magnifique musée qui lui est dédié. Un demi

une lourde opération, qui lui a offert le corps auquel elle s’était toujours identifiée, elle est ainsi devenue Diane. “J’étais mal dans ma peau d’homme” raconte-t elle. “J’étais au bord du suicide, j’avais un mal-être en moi. J’ai reçu la foi en 2009 et j’ai eu des rêves, des songes qui m’ont indi qué que j’étais une femme. Le Bon Dieu m’a parlé. Et il m’a dit “va et témoigne de ta foi…”

millier de bouteilles, pleines ou entamées et venues du monde entier (Suisse, France, mais aussi Israël, Japon, États-Unis…),

Avec la foi, Diane a retrouvé sa voie. Celle de la musique. Et fait apprécier sa voix. L’été dernier, elle a remplacé Pierre Agutte pour

Unmusée dédié à la célèbre boisson anisée.

Dans son musée de l’absinthe situé dans sa maison de Boveresse, elle fait découvrir un demi-millier de bouteilles d’absinthe.

de bonnes relations.” Avec Nicolas Giger, autre ancien maire de Boveresse, elle a par ticipé à la création de la fête de l’Absinthe en 1998. “Je me consi dère comme une absinthologue” termine Diane. “Il y a bien des gynécologues, des psychologues. Pourquoi pas des absintho logues ? J’estime que l’on ne doit

pas dire absintheur mais absin thologue…” En attendant que le débat soit tranché, Diane livre une ultime facette de son existence bien chargée : sa passion pour la poli tique. Membre du Parti socialiste du Val-de-Travers, elle défend, entre autres, la cause L.G.B.T. Elle fait aussi partie du groupe

Arc-en-Ciel qui soutient les chré tiens et les chrétiennes L.G.B.T. +. De gauche, L.G.B.T. + et chré tienne, elle a sa propre idée sur le rapport de Jésus à la divinité et à l’Humanité : “Je suis sûr qu’il aurait été de gauche. Cer tainement même qu’il aurait été le premier des communistes...” n A.A.

entretiennent sa légende. “C’est le maire de Boveresse de l’époque, Edmond Jean-Richard, qui m’a fait découvrir l’absinthe en 1988” se souvient Diane. “J’ai tout de suite aimé son goût anisé. Évi demment pour s’en procurer, ce n’était pas facile. Il fallait avoir

chanter dans une ferme proche de Malbuisson. Elle s’accom pagne à la guitare sèche et revi site les standards de la chanson française. “Quand j’étais Nicolas, j’ai chanté au théâtre Blier de Pontarlier” se rappelle Diane. “J’aime bien chanter Trénet.”

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