Journal C'est à dire 320 - Octobre 2025
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DOSS I ER
Réaction
ficier d’heures prises en charge pour se consacrer à leur mandat. Dans le projet de réforme du statut d’élu local, l’A.M.R. avait listé 35 points à traiter, la liste est longue, et ils ont quasiment tous été retoqués dans les discussions. Au motif que ça coûterait cher aux finances publiques ! On va continuer à se battre, j’y crois encore. Càd : Combien gagne un maire rural par mois ? C.P. : C’est moins de 1 000 euros et je sais, et c’est notamment mon cas, que peut-être les trois quarts des maires ne prennent pas la totalité de l’indem nité car ils ont bien conscience que les finances des communes rurales sont fragiles. Et c’est un mandat où on ne compte pas ses heures. Hier encore, la gendarmerie m’appelait à 6 heures du matin pour gérer une vache en diva gation. C’est le quotidien des maires ruraux. À côté de cela, être maire, c’est une magnifique expérience et bien sûr de la reconnaissance. Si on n’aimait pas ça, on n’aurait arrêté depuis long temps ! n Propos recueillis par J.-F.H. L’A.M.R. 25 en bref L’association des mairies ruraux du Doubs regroupe 480 des 565 com munes du Doubs, elle est l’une des plus importantes de France. Elle regroupe la plupart des communes de moins de 3 500 habitants, elle a gagné douze nouvelles communes adhérentes cette année. Charles Piquard en est le président depuis 2020. Élu maire de sa commune d’Osse en 1983, il rac crochera en mars prochain après sept mandats. n
“Je pense que la question de la parité
obligatoire va poser des problèmes”
Le président de l’association des maires ruraux du Doubs (A.M.R. 25) Charles Piquard s’oppose à la mise en place immédiate de cette réforme du mode de scrutin. Il s’en explique.
C’ est à dire : L’association des maires ruraux de France a rendu un avis favorable sur ce projet. Pourquoi ici dans le Doubs êtes
vous contre ? Charles Piquard : Cette réforme a fait beaucoup de bruit au sein des com munes rurales. Même si au niveau national l’Association des maires de France et l’Association des maires ruraux de France ont donné un avis favorable à cette réforme, ici, on reste opposé à son application immédiate. Je pense que la question de la parité obligatoire va poser des problèmes. Càd : Vous êtes contre la parité ? C.P. : Non, pas du tout. Je pense juste que ça restera compliqué de convaincre autant de femmes de s’engager. La parité des femmes met en valeur leur engagement et c’est une très bonne chose mais en pratique, on confie sou vent les mêmes missions aux femmes dans un conseil municipal : les écoles, le social, les associations… Dans ma commune par exemple, c’est une femme qui s’occupait de la forêt. Il faut que les habitudes évoluent, la parité en fait partie, mais c’est un peu précipité. J’es père d’ailleurs qu’on aura plus de femmes maires dans les prochains conseils municipaux. J’estime évidem ment que les femmes, sans doute plus diplomates, sont entièrement légitimes et capables d’être à la tête d’une com mune. Càd : Il n’y a que cette question de la parité qui risque de poser pro blème ?
C.P. : Non, beaucoup de mes collègues maires d’une petite commune dans le Doubs me disent qu’ils auront beaucoup de mal à faire une liste complète. Je pense qu’il devra y avoir des aména gements, ça risque de coincer dans cer tains endroits. À mon avis, le gouver nement devrait laisser passer ces élections de mars 2026 avant d’appli quer cette réforme. Je pense que c’est encore possible. Mais derrière cette réforme du mode de scrutin, j’y vois autre chose. Quand l’État va voir que certains petites com munes n’arriveront pas à monter une liste, ils vont leur dire : vous n’avez qu’à vous regrouper avec la commune d’à côté ! Il y a des exemples de fusions de communes réussies, il y en a d’autres, j’ai quelques exemples en tête, beaucoup plus compliquées ! En revanche, la question du panachage est toujours délicate et sujette à pro blèmes. C’est bien que ce point soit sup primé. Càd : Quelle est la priorité selon vous pour les communes rurales ? C.P. : C’est bien la réforme du statut de l’élu que l’on nous promet depuis des années. Il y a 42 ans que je suis maire, nos associations d’élus ont tra vaillé sur ce sujet depuis des années et on ne voit toujours rien venir… Les maires méritent d’être mieux protégés, physiquement et juridiquement, mieux accompagnés et qu’ils puissent béné
Après 7 mandats de maire, Charles Piquard ne briguera pas de nouveau mandat (ici au dernier Carrefour des collectivités locales à Besançon).
Une vague de démission sans précédent chez les maires Municipales 2026
Depuis 2008, en France, le nombre moyen de démissions de maires a été multiplié par 4 avec un pic à 613 en 2023. Le C.E.V.I.P.O.F. a mené l’enquête sur un phénomène sans précédent.
des conseils municipaux finissent par décourager le maire qui jette l’éponge. “Avec 31 % des cas recen sés, les tensions au sein du conseil municipal sont la principale cause de démission des maires. Leur décision de quitter leur fonc tion fait suite à des différends, disputes, conflits ou autres dés accords au sein du conseil muni cipal, tantôt à l’encontre des élus de l’opposition, tantôt, et c’est le cas le plus fréquent, au sein de la majorité” souligne le C.E.V.I.P.O.F. La deuxième cause est la consé quence de la succession program mée. Elle intervient dans 13 % des démissions. C’est l’exemple du maire élu en 2020 qui annonce qu’il passera la main en cours de mandat pour diverses raisons. Viennent ensuite, les problèmes de santé qui poussent un maire à se met tre en retrait de la vie publique. “Un changement de maire dans une commune ne signifie pas systématiquement démission, corrige Martial Foucault. Pour preuve, sur la période étudiée les motifs de changement de maires s’organisent autour de quatre familles : les démissions volon taires (71 %), les décès (21 %), les contestations juridiques de
A lors que se profilent les prochaines élec tions municipales de 2026, le C.E.V.I.P.O.F. (Centre de recherches politiques de Sciences Po), a enquêté sur la démission des maires. L’étude publiée en juin dernier, met en évidence “un phénomène sans précédent.” Jamais en France les maires n’ont été aussi nom breux à rendre leur écharpe que pendant ce mandat. “Entre juil let 2020 et mars 2025, 2 189
trois mandats municipaux, c’est à-dire entre 2008 et 2026, le nom bre moyen de démissions de maires par an a été multiplié par 4 (129 contre 417).” Le phénomène concerne, en prio rité, les petites communes de moins de 500 habitants. Mais il a pris une ampleur considérable, selon le C.E.V.I.P.O.F., dans les communes plus peuplées “qui font face à une vague de démis sions sans précédent. Un maire démissionnaire sur quatre gou
34 % des communes de moins de 500 habitants ont vu leur maire démissionner suite à des tensions au sein du conseil municipal.
démissions de maires ont été enregistrées par le ministère de l’Inté rieur. Il ne se passe plus une journée en France sans qu’un édile démis sionne. Le rythme a atteint un pic en 2023 avec 613 démissions”,
vernait une commune de 1 000 à 3 500 habi tants (contre 13 % au cours du mandat 2008 2014).” Les maires des com munes de 10 000 habi tants et plus sont moins visés puisqu’ils ne
Une ampleur considérable dans les communes de 1 000 à 3 500 habitants.
non-cumul des mandats a conduit un nombre non négli geable d’édiles à choisir leur mandat de parlementaire ou d’exécutif départemental au détriment de celui de maire.En écho à ces vagues de démission, le C.E.V.I.P.O.F. a questionné
l’élection d’un maire devant le Tribunal administratif ou devant le Conseil d’État (3 %), les fusions des communes (2 %) et une caté gorie disparate “autres” (3 %).” Il apparaît justement que dans cette catégorie “Autres”, l’appli cation de la loi de 2014 sur le
5 200 maires afin de savoir com bien d’entre eux sont prêts à se représenter en 2026. “42 % des maires sortants déclarent déjà qu’ils comptent se représenter.” Un chiffre assez stable à six mois du scrutin (en 2020 ils étaient 48 %). n T.C.
détaille Martial Foucault, pro fesseur des universités à Sciences Po qui a piloté l’enquête. Cette tendance n’est pas nouvelle, mais depuis 2008, elle n’a pas cessé de s’accélérer, jusqu’à devenir préoccupante. “En l’espace de
représentent que 5,5 % des démissions volontaires (4,1 % entre 2014 et 2018). La première cause de démission est précisément liée à la taille de la commune où les querelles intestines qui naissent au sein
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