Journal C'est à dire 317 - Juin 2025

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CULTURE

“Renoir, Rodin, Cézanne… : des prêts exceptionnels de chefs-d’œuvre” Le pôle Courbet a officiellement lancé sa saison culturelle, placée sous le signe de la nature. Jusqu’au 19 octobre, le musée Courbet accueille l’exposition Paysages de marche, dans les traces de Rousseau, Courbet, Renoir, Cézanne et les autres. L’artiste plasticienne à la renommée internationale Éva Jospin installe ses œuvres à l’Atelier Courbet. Ornans

C’ est à dire : Benja min Foudral, depuis que vous êtes arrivé comme directeur et conservateur du pôle muséal Courbet, la thé matique de la marche a été remise en lumière. Vous avez notamment exhumé des réserves du musée le bâton de marche de Gustave Cour bet. Aujourd’hui, une exposi tion est consacrée aux Pay sages de marche. Pourquoi ? Benjamin Foudral : Gustave Courbet était un peintre profon dément attaché à sa terre, c’était un grand marcheur. Son pays, comme il disait, est à la source de son art et de sa révolution picturale. Le rapport des artistes

à la marche est un prisme assez inédit et très peu traité, alors qu’énormément d’expositions tournent autour des paysages. Mais là, on ne s’intéresse pas seulement à ce que les artistes ont vu mais aussi à ce qu’ils ont vécu, leur rapport à la nature. Càd : Autour de Courbet, on retrouve des œuvres d’autres grands maîtres de la pein ture, comme Renoir, Rousseau ou encore Cézanne… B.F. : Toutes les expositions tour nent autour de l’idée que Courbet ne soit pas tout seul et dialogue avec d’autres artistes et ces contemporains. Autour de Cour bet, de nombreux artistes ont eu le paysage comme fer de lance

Benjamin Foudral, conservateur du pôle Courbet, avait, dès son arrivée, en tête un projet autour de la marche et des paysages (photo archive Càd).

gés d’histoire. On souhaitait un artiste capable d’investir par des pièces impressionnantes cet écrin exceptionnel qui malheureuse ment, de par son histoire, est assez vide. Éva Jospin a créé spé cialement pour l’Atelier Courbet 6 œuvres inédites pensées en lien avec Courbet. Càd : Quelle a été la réaction d’Éva Jospin quand vous lui avez proposé cette carte blanche ? B.F. : Elle m’a répondu dans la journée en me disant que c’était son rêve. Il y a un vrai bel enga gement d’Éva Jospin. Faire venir dans notre musée situé dans une petite ville et un territoire rural une artiste de renommée inter nationale, c’est tout ce qu’on porte au Pôle Courbet. Càd : Outre le musée et l’ate lier, la ferme de Flagey fait aussi partie du pôle Courbet. Là aussi, la nature est au cœur de l’exposition… B.F. : Depuis deux ans, à la ferme,

on consacre nos expositions à de jeunes artistes émergents de la scène contemporaine. Cette année, la thématique tournait autour de la nature et de l’envi ronnement. Nous avons reçu 190 dossiers. Hélène Combal-Weiss, plasticienne et vidéaste, a été lauréate de l’appel à création. En résidence à la ferme, elle a créé l’exposition Nuances végé tales, des paysages textiles avec des teintures végétales à partir de végétaux, d’écorces, de fleurs ramassés dans le jardin de la ferme. C’est une exposition immersive dans laquelle le visi teur déambule dans les instal lations. Càd : Est-ce la première année qu’une saison culturelle sur les trois sites du pôle Courbet est installée ? B.F. : C’est la première année qu’une saison culturelle se des sine de manière aussi évidente sur les trois sites. Cela s’inscrit dans le projet social et culturel : consolider et renforcer le pôle

de leur modernité. Nous avons énormément de chefs-d’œuvre prêtés grâce à nos partenariats. On a un magnifique Renoir, du matériel de marche et d’alpi nisme, les premières photogra phies en plein air. L’exposition se conclut sur une sculpture de Rodin, L’homme qui marche. C’est un prêt exceptionnel. Càd : Comment se découpe l’exposition ? B.F : Il y a plusieurs salles thé matiques qui ne sont pas vrai ment chronologiques. On part sur les pas de ces artistes et on explore différentes modalités de marche : éloge de la lenteur, mar cher dans l’inconnu, marcher sur l’histoire, marche laborieuse, marcher dans le familier, etc. Dans marcher dans l’inconnu, on découvre le premier peintre alpiniste, Gabriel Loppé, qui a peint au sommet du Mont Blanc en 1860. On découvre différents environnements, différents pay sages, comment l’expérience phy sique influence l’art. Càd : L’exposition au musée Courbet se distingue par des chefs-d’œuvre que l’on n’aura pas forcément l’occasion de revoir ensemble à Ornans. Et à quelques centaines de mètres, à l’Atelier Courbet, c’est une autre artiste de grande renom mée qui s’installe avec une carte blanche. L’artiste plas ticienne Éva Jospin, c’était une évidence pour vous ? B.F. : C’était un souhait très vif de ma part. Éva Jospin est une artiste de renommée internatio nale. Elle entretient des liens assez étroits avec l’art ancien et Courbet en particulier. Son uni vers est très imprégné de l’ima ginaire, de l’histoire de l’art. C’est aussi une artiste avec un goût pour l’architecture, les lieux char

muséal. Chaque site a une iden tité propre et se rejoint autour de l’identité commune de Cour bet. Sur l’ensemble du pôle, on compte 80 000 visiteurs à l’année. Il faut noter aussi que les sentiers de Courbet font l’objet d’une reva lorisation, l’identité visuelle et le balisage sont revus. On va créer des mobiliers de départs des randonnées. Et nous avons enrichi la plateforme Explore Doubs rando. n Propos recueillis par L.P.

L’exposition Nuances végétales est à voir à la Ferme de Flagey jusqu’en janvier 2026

Zoom La chambre d’écho d’Éva Jospin S i son nom est connu, ce n’est pas en raison de la carrière politique de son père, ancien Premier ministre. Artiste plas ticienne à la renommée internationale, Éva Jospin se distingue par la récurrence dans ses œuvres du motif unique de la forêt et du paysage. Ses installations et sculptures, monumentales, sont réalisées à partir de carton. “L'artiste a envisagé cette exposition comme la création d'un lieu et d’une expérience de déambulation à travers l’espace et le temps: une chambre d’écho. Telle une grotte, ce monde originel dont les deux artistes nourrissent la même obsession, l’atelier devient un espace sensoriel, habité de résonances artistiques. Contre-mondes visibles et invisibles, les forêts et les grottes imaginaires d’Éva Jospin, sculptées en carton ou brodées en fils de soie, dialoguent avec les mondes observés et éprouvés des peintures de Courbet, tels que les sous-bois de La Remise de chevreuils et les profondeurs géolo giques de La Source de la Loue”, explique ainsi le musée. n

Gabriel Loppé, peintre alpiniste, a peint des paysages depuis les sommets des glaciers (photo Collection Amis du vieux Chamonix)

Tableau d’Auguste Renoir, Chemin montant dans les hautes herbes (photo Josse-Bridge man Images).

Trois des six œuvres imaginées par Éva Jospin pour sa carte blanche à l’Atelier Courbet (photo Atelier Éva Jospin Adagp, Paris, 2025).

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