Journal C'est à dire 311 - Décembre 2024
VAL DE MORTEAU
16
“Il ne faut pas confondre état du droit et état de droit” Droit Il y a quelques semaines, François Molins, magistrat désormais à la retraite, connu comme le procureur ayant géré la vague d’attentats depuis 2012, était à Besançon. Devant les étudiants du master droit pénal et sciences criminelles, dont il est parrain de la promotion, il a livré une conférence sur l’état de droit.
tout aussi méritantes avec des étudiants qui le sont également, donc il ne faut pas les oublier. Càd: En tant que parrain, que conseillez-vous aux étudiants ? F.M. : Mon adage: travailler beaucoup et bien. Et ne pas se réfugier dans l’autocensure. Càd : Vous étiez déjà présent en juin dernier à Besançon pour une journée dédiée à l’environ nement. Quel rapport entrete nez-vous avec la capitale com toise ? F.M. : Cela fait 4 ou 5 fois que je viens à Besançon, deux fois avec le conseil supérieur de la magistrature. Il est vrai que je suis assez engagé sur les ques tions de la justice environne mentale, le parquet de Besançon m’avait invité, je n’ai pas regretté. n Propos recueillis par L.P. L’état de droit en France repose sur trois piliers : le respect de la hiérarchie des normes, l’égalité des citoyens devant la loi et la mise en place de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Il assure la préémi nence du droit sur le pouvoir poli tique. Le conseil d’État joue un rôle clé dans la protection de l’état de droit, ce dernier étant une des conditions de la démocratie et du vivre ensemble. L’état de droit garantit que tous respectent les règles de droit adoptées par les représentants élus et par le gou vernement qui en émane. n L’état de droit, c’est quoi ? F rançois Molins en est le parrain de la première pro motion. Depuis la rentrée, l’Université de Franche Comté a ouvert un master en droit pénal et sciences criminelles. “Jusqu’à présent, il n’y avait que deux pénalistes, pour une ques tion de capacités humaines, on ne pouvait pas ouvrir ce master,
C’ es t à dire : François Molins, aujourd’hui à la retraite, vous avez été magistrat pendant près de 46 ans. Après la sortie du ministre de l’intérieur Bruno Retailleau dans les médias, décrétant que “l’état de droit n’est ni intangible ni sacré”, doit-on craindre pour l’état de droit ? François Molins : Vous savez ce qu’on dit en latin ? Verba volant, scripta manent (les paroles s’en volent, les écrits restent, N.D.L.R.). L’état de droit existe en France. Il ne peut pas y avoir de système démocratique qui ne soit pas fondé sur un état de droit. L’état de droit est immua ble. L’état du droit, c’est autre chose, il peut s’adapter. Il peut coller à l’évolution de la société. Bien sûr que le droit doit changer. Mais derrière les propos des poli tiques, dans leur esprit, il y a une forme de confusion entre
état de droit et état du droit. Il ne faut pas confondre état de droit et état du droit. Pour rappel, l’état de droit est le socle de règles supérieures qui consti tuent le fondement de notre démocratie. Càd: Au moment de partir en retraite, la presse nationale vous avait qualifié de “héraut de la justice moderne.” Quel regard dossiers très compliqués, j’avais un côté un peu chat noir. Je suis heureux d’avoir exercé un métier qui m’a passionné au Parquet. Pourtant, étudiant, mes matières préférées étaient le civil et le commercial. Pendant toute ma carrière, j’ai toujours cultivé une certaine liberté de ton, d’indé pendance. Je me suis toujours portez-vous sur votre carrière et l’évolution de la justice? F.M. : J’ai eu parcours long, difficile, j’ai eu des
autorisé et même contraint à dire ce que je pensais. J’ai lutté quand ce en quoi je croyais était menacé, comme l’indépendance de la justice, ou l’état de droit. Càd: C’était donc important pour vous de donner cette confé rence aux étudiants. Pourquoi avoir accepté de parrainer une promotion à Besançon? F.M. : Pendant 46 ans, j’ai par c’est une très belle occasion pour avoir des échanges un peu pri vilégiés avec un petit groupe d’étudiants pour transmettre le mieux possible ce que j’ai pu connaître. Et pourquoi Besan çon ? J’ai un regard particulier sur les universités petites et moyennes. Il n’y a pas que Paris et Lyon. Il y a des universités ticipé à la justice. À l’heure de la retraite, il me semblait bien de transmettre et partager. Parrainer un master,
“J’avais un côté un peu chat noir.”
François Molins, après 46 ans en tant que magistrat, s’attache à transmettre et partager son expérience.
Un master en droit pénal et sciences criminelles
diants à toutes les professions du monde judiciaire et para judi ciaire en lien avec la matière pénale. Il s’agit des carrières de magistrat, avocat, greffier, direc teur des services de greffe, mais également de celles de directeur des services de la protection judi ciaire de la jeunesse, ou, dans l’administration pénitentiaire, de directeur ou d’officiers péniten tiaires” , explique l’université. Les 20 étudiants par promotion s'orien tent ensuite vers des concours judiciaires ou parajudiciaires. n
resitue Béatrice Lapérou-Sche neider, responsable du master. Mais il y avait une demande très forte des étudiants qui devaient aller à Nancy ou Strasbourg.” Le master a “pour objet de former ses étudiants à un haut niveau de compétences en matière pénale et en sciences criminelles. Le programme prépare les étu
François Molins, à côté de Béatrice Lapérou-Scheneider et la première promotion en droit pénal et sciences criminelles.
Made with FlippingBook - Online magazine maker