Journal C'est à dire 307 - Juillet-Août 2024

DOSS I ER

26

Plateau de Maîche

1940-1944, les années qui forgèrent l’histoire de Maîche

Le jour même où le Général De Gaulle lançait son appel depuis Londres, les dernières défenses du plateau de Maîche s’effondraient. 1 540 jours plus tard, le 3ème R.T.A. entrait dans la ville en libérateur.

Les premières Jeeps des libérateurs au centre de Maîche.

Zoom “C’est nous

les Africains !” “Nord Africains et Noirs d’Afrique sont tombés par dizaines de milliers pour chas ser les troupes germano-ita liennes du continent africain, de l’Italie puis de la Corse et de la France pour finalement occuper un quart du territoire du III ème Reich. Musulmans, Chrétiens, Juifs et agnostiques furent portés par un même idéal patriotique, luttant contre un système totalitaire, raciste et antisémite qui incarnait la bar barie. Les soldats d’Afrique, un temps français par le sang versé, redeviennent des indi vidus de seconde zone, alors qu’au même moment des col labos comme Bousquet ou Papon engagés dans la dépor tation des Juifs, traversent sans encombre l’épuration, devenus des notables respectés de tous. Quelle imposture! Quelle honte !” Ce texte de Michel Simonin retentit comme un écho à l’écrivain et philosophe George Santayana : “Ceux qui ne peuvent se rappeler le passé sont condamnés à le répéter.” n

I l faut d’abord rendre hom mage à Michel Simonin, infatigable historien de cette deuxième guerre mondiale, qui a fourni par ses ouvrages précis et détaillés la matière des lignes suivantes. Les panzers allemands lancent la conquête du Haut-Doubs depuis Besançon. À Frambou hans, la résistance organisée

d’aller à leur rencontre. Jusqu’à 2000 prisonniers seront tem porairement enfermés dans l’église et Maîche déclarée “ville ouverte”. Situés en zone “réser vée”, pour être à terme annexée au Reich, la ville et ses environs connaîtront la réquisition des maisons bourgeoises et des meil leurs chevaux comtois et vaches laitières. Strict couvre-feu,

Le carré militaire

polonais au cimetière de Damprichard.

par le Capitaine Henri Treilhes, commandant le 57 ème régiment d’ar tillerie, ne suffit pas. Refusant de se rendre, il est froidement exé cuté d’une balle dans la tête, ainsi que l’ad

rationnement, instau ration du S.T.O. (Service du Travail obligatoire) et arrestations arbi traires viendront ébran ler la vie quotidienne. C’est le 16 août 1944 que l’espoir revient. Le

Les habitants attendaient les

gressé tellement vite qu’elles seront contraintes à une pause. La commune organise une magnifique réception qui s’achève tard dans la nuit. Le 6 septembre le colonel Linares fixe l’objectif futur: “S’assurer d’abord le pont de Saint-Hippo lyte et progresser sur l’axe Pier refontaine, Hérimoncourt et Delle.” L’inexorable bataille se poursuit dans les Vosges et en Alsace. C’est dans la nuit du 30 au 31 mars 1945 que le but du 3 ème R.T.A. se réalise. Un enfant de Damprichard, le sergent Jean Panizza sera un de ces soldats qui passeront le Rhin sur des embarcations pneumatiques. n Ph.D.

Américains, c’étaient des Africains.

3 ème Régiment de Tirailleurs Algériens débarque en Provence, libère Marseille le lendemain et se dirige au nord à grande vitesse. Le 4 septembre, la rude bataille de Mouthe permet la libération de Pontarlier, Morteau et Le Russey. Le colonel Goutard est à bord de la première Jeep entrant dans la ville. Les habi tants attendaient les Américains, mais c’est un groupe bigarré d’Africains, de Français et de bien d’autres nationalités qui l’accompagne. Les forces ont pro

judant-chef Jean-Louis Lapeyre. À Maîche, l’héroïque défense menée par le chef d’escadron Louis Jacops d’Aigremont à la tête de ses chasseurs polonais et spahis algériens est anéantie à l’issue d’une nuit complète de bombardements. Un carré mili taire au cimetière de Dampri chard témoigne du sacrifice des Polonais tombés pendant cette bataille. C’est le 19 juin que les Allemands entrent en ville au désespoir du maire Gaston Mariotte, contraint

Zoom L’histoire a placé le destin de Maîche à un carrefour stratégique de cette 2 ème guerre mondiale. De Gaulle s’y rend deux fois et y rencontre Winston Churchill

L e 24 septembre 1944, le géné ral en provenance de Besançon descend d’une “Plymouth” à 11 heures du matin, devant le château du Comte de Grünne. Il y rejoint les généraux de Lattre de Tas signy, Juin et Béthouart ainsi qu’André Diethelm, ministre de la Guerre. “Votre farouche volonté nous vaut aujourd’hui d’être un peuple libre” , lui déclare Joseph

Jeambrun, maire de la commune. Préoc cupé, le général De Gaulle se fait expli quer la situation et les perspectives. Il ne cache pas les efforts et sacrifices qui séparent encore les combattants du Rhin de la victoire. Il revient à Maîche le 13 novembre 1944, par une journée glaciale de neige et de verglas. Les routes sont de surcroît défoncées par un trafic militaire intense.

Une séance de travail est programmée au château de Montalembert avec Wins ton Churchill, le Premier ministre bri tannique, ainsi que de nombreux offi ciers. Les deux hommes ne se sont jamais appréciés et leurs points de vue sur l’avenir de la France divergent. On ne sait pratiquement rien sur l’échange entre les deux chefs d’État. Un excellent déjeuner, malgré les nombreuses res trictions, prolonge l’entretien à l’hôtel du Lion d’or. Poulets de Bresse et cham pagne réchaufferont peut-être l’atmo sphère entre les deux hommes. “Chur chill était frigorifié. Il avait conservé son manteau et j’ai dû lui mettre un radiateur électrique dans le dos et une bouillotte aux pieds” , racontait M me Jac quot, propriétaire du lieu. De Gaulle ne fait pas mention de cette rencontre dans ses “Mémoires de guerre”. Quant au “Vieux Lion”, il la situera par erreur dans les Vosges. On peut néanmoins estimer qu’elle fut militairement fructueuse, puisque De Lattre de Tassigny atteindra le Rhin avec son armée six jours plus tard, mal gré des conditions météorologiques dif ficiles. n

Charles De Gaulle et Winston Churchill à Maîche le 13 novembre 1944.

Première visite de De Gaulle à Maîche le 24 septembre 1944.