Journal C'est à dire 307 - Juillet-Août 2024
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DOSS I ER
Le 24 août 1944, jour de la Libéra tion de Morteau, des prisonniers allemands sur un camion (photo Marcel Curtit). Le 24 août également, des prisonniers allemands devant la boulangerie Mareine (Photo Junod).
personnes dont cent cinquante sont valides, le principe du transit à travers la Suisse est discuté avec les autorités helvétiques qui donneront leur accord dans la journée du 25 août. Le trans fert doit donc avoir lieu le 26 août, et il est admis que les résistants vont fournir les camions pour le transport de la garnison, de Vil lers-le-Lac jusqu’au col des Roches. La libération de Morteau et Vil lers-le-Lac se soldera par quatre blessés allemands dont deux mortellement et quarante-deux prisonniers. Du côté résistant on déplore deux morts, cinq blessés et quatre prisonniers. Le matin du 25 août, conformé ment aux accords passés la veille, les douaniers sont internés en Suisse. Le 26 août, c’est au tour de la garnison du sanatorium et des prisonniers de passer en Suisse. Conformément à la Convention de Genève, la gar nison ne peut être désarmée, devant transiter en Suisse avec ses armes. Si les maquisards qui ont libéré Morteau sont partis du maquis de la Faye avec un effectif qui se montait à une tren taine de personnes, dans la nuit suivante, ils reviennent à cent quatre-vingt. Et les effectifs ne font que gonfler chaque jour par l’addition de toutes les bonnes volontés tardives. Aussi, par mesure de sécurité, est-il décidé de transférer le maquis sur les hauteurs de Montlebon. Morteau est l’une des premières villes de Franche-Comté à être libérée et cela pose un problème. En effet, l’Armée régulière est
escorte à l'Hôtel de Ville, les habi tants menaçant de les lyncher. Plus tard, une altercation a lieu entre des F.F.I. et des Allemands dissimulés en contrebas de la route Morteau-Villers-le-Lac. André Bettoni est blessé et devra subir une amputation des cinq orteils au pied droit. Du côté alle mand, on compte trois blessés dont un mortellement ainsi que des prisonniers. Vers 17 heures, la situation se décante et il est décidé de se ren dre à Villers-le-Lac. Les résistants prennent place à bord des véhi cules. Partis une trentaine du maquis, ils voient leurs effectifs renforcés de nombreuses bonnes volontés. Arrivés à Villers, ils prennent contact avec les résistants locaux qui ont procédé à des barrages et ont arrêté l’Oberleutnant Bodenberg. Les combattants font route en direction des Pargots. Là, ils réitèrent une manœuvre d’encerclement de la douane, sans succès, ni combat aucun. Les douaniers sont passés en Suisse. Reste encore la garnison du Col des Roches et le sanato rium des Genévriers. Aimé Schmuck, qui parle couramment allemand, est envoyé au sana torium afin de négocier une red dition. Si ces négociations échouent, des équipes de sabotage sont déjà en place en vue de cou per toute arrivée d’eau et de ravi taillement. Il est décidé que les douaniers du Col se replieront en Suisse avant le 25 août à 7 heures, soit le lendemain matin. Et pour les effectifs du sanato rium qui se chiffrent à deux cents
Arrivés sur Morteau, les maqui sards se divisent en trois groupes, un groupe se dirige depuis l'Hôtel de Ville sur la villa et fait deux prisonniers en chemin, ce groupe est chargé d’attaquer la villa de front. Un autre groupe va prendre la villa à revers, dessinant ainsi une manœuvre d’encerclement, tandis qu’un troisième groupe reste en couverture. Le groupe qui attaque la villa de front est rejoint par Batelier, rouge de colère devant le mou vement de désobéissance collec tive de ses maquisards. Cepen dant il décide de faire profiter ceux-ci de ses connaissances mili taires. Le combat s’engage, les combat tants sont fixés sur place par le tir de la mitrailleuse du capitaine allemand Hoffmann installée sur le toit d’une dépendance de la villa. Rien de décisif ne sortant de l’affrontement, Batelier tente par deux fois d’entamer des pour parlers en vue d’une reddition, pourparlers menés en partie par Gilbert Jacquet alias Legosse, dix-sept ans depuis quelques jours, et qui n’ont pour résultat que l’effondrement de Robert Dodane, blessé au cuir chevelu. Le tir reprend jusqu’à ce que le capitaine Hoffmann s’affaisse, gravement touché. Les trente sept Allemands occupant la villa se constituent alors prisonniers. La population qui a assisté de loin au combat, envahit alors les rues et la villa, entravant ainsi le bon déroulement des opéra tions. S’ensuit une période de confusion et de flottement. Les prisonniers sont emmenés sous
villages voisins, pour faire sentir à la population la présence de la résistance. Dans chaque vil lage, les résistants tirent une salve aux Monuments aux Morts, font carillonner les cloches. Cette joie que les résistants savourent constitue, probablement le déclic qui favorise la décision d’atta quer, dans l’après-midi, “la kom mandantur”, qui a pris place dans la Villa Bougaud, à la sortie de Morteau, en direction de Vil lers-le-Lac” décrit M. Blanchot. Le combat s’engage. L’affronte ment se poursuit jusqu’à ce que le Major Hoffmann, comman dant la garnison allemande s’ef fondre, grièvement blessé (il décédera un peu plus tard à l’hô pital de La Chaux-de-Fonds). Les trente-sept Allemands se constituent alors prisonniers et sont transférés à l’Hôtel de Ville de Morteau. “Vers 17 heures, la situation se décante et il est décidé de se ren dre à Villers-le-Lac porter main forte aux résistants locaux pour encercler la douane des Pargots, poursuit M. Blanchot, également professeur d’histoire-géographie au lycée Edgar-Faure de Mor teau. Il reste à négocier la red dition de la garnison du Col des-Roches et du sanatorium qui se fera sans coup férir.” encore loin, et les Allemands sont encore présents partout, notam ment à Pontarlier et au Camp du Valdahon où huit habitants ont été fusillés le 27 août. Le 5 septembre, peu avant midi, le Colonel François de Linarès fait son entrée dans la ville, à la tête du 3 ème régiment de tirail leurs algériens. Les habitants se sont rassemblés dans les rues de la ville et laissent éclater leur joie. Ils attendaient les Améri cains, et ce sont des Français qu’ils accueillent. Ce régiment, composite, a été formé en Afrique du Nord et débarqué le 15 août en Provence. La population accourt de tous les villages du Val. Tous se pres sent sur les trottoirs de la ville pour acclamer le cortège inter minable de Jeeps, motos, camions et blindés, chargés de soldats. La foule acclame à son arrivée le Colonel Alphonse Goutard, commandant l’ensemble de la
Roide, où va s’établir une ligne de front durant plusieurs mois. Le 24 septembre 1944, venant de Besançon et se rendant à Maîche, le Général de Gaulle, accompagné des généraux Koenig et de Lattre de Tassigny, s’arrête à Morteau et passe en revue une section de la 1 ère Armée. n J.-F.H.
colonne. Pour un temps, Morteau se transforme en base arrière de l’armée. Pendant tout l’après-midi, les troupes de l’Armée d’Afrique et les Alliés venant de Pontarlier, libérée la veille, traversent d’une manière ininterrompue le Val de Morteau et se dirigent en direc tion de Maîche et de Pont-de
Deux enfants de Grand’Combe ont ouvert la voie de la Libération Grand’Combe-Châteleu
Une stèle à leur mémoire est installée au Pont de la Roche. Un nouvel hommage a été rendu ce 24 août aux deux hommes morts le jour de la Libération. Leur stèle devrait faire l’objet d’une rénovation.
Au final, la Libération de Mor teau et de Villers-le-Lac se solde par quatre blessés allemands dont deux mortellement. Côté résistants, on déplore donc deux morts et cinq blessés. Et le 24 août au soir, le secteur “Doubs Frontière” est entièrement libéré grâce à l’action des résistants, après une attaque surprise
Grâce à l’action des résistants, le 24 août au soir, le secteur est entièrement libéré, et ce malgré l’interdiction formelle de leurs supérieurs d’accrocher les troupes ennemies, conscient des risques qu’une telle action pou vait faire encourir à la popula tion. C’est à ce moment-là que se
P our rien au monde, les descendants de ces deux victimes - dont les mem bres de la famille Bur gunder - ne manqueraient la cérémonie d’hommage que le Souvenir français et la commune de Grand’Combe-Châteleu (et cette année toute la communauté de communes) rendent à Jean Mairot et Louis Fraichot, deux
“Doubs Frontière” recueillent des informations leur signalant que les Allemands, basés à Morteau, doivent se mettre en mouvement en direction de Pontarlier, pour renforcer la sécurité de cette ville. Ils apprennent également, par la B.B.C. que la Libération de Paris est en cours. Dans l’eupho rie générale, il est décidé d’or ganiser des expéditions dans les
maquisards qui le 24 août 1944 ont tenté de barrer la route aux Allemands encore en poste dans le Val de Morteau. Sans le savoir, ils participaient à la Libération de cette partie du Haut-Doubs. Le récit, c’est le président local du Souvenir français, Jean Michel Blanchot, qui la raconte : “Le mercredi 23 août 1944 au soir, les maquisards du secteur
contre la Kommandan tur à Morteau et la red dition de la garnison allemande cantonnée au sanatorium à Villers. La stèle installée au
déroule un violent accro chage entre un groupe de résistants et une colonne allemande reve nant depuis Pontarlier en direction de Morteau.
Côté résistants, on déplore donc deux morts et cinq blessés.
niveau du Pont de la Roche, là où les deux habitants du Beu gnon ont trouvé la mort, fait chaque année l’objet d’une com mémoration le 24 août, comme ce fut le cas cette année encore. Le Souvenir français souhaite rait donner un nouveau lustre à ce lieu de mémoire. Si “rien n’a encore été décidé” note Chris telle Vuillemin, la maire de Grand’Combe, “il s’agirait d’ici quelques années et en fonction des financements possibles, d’em bellir cette stèle et son périmètre” espère le président du Souvenir français. Pour continuer à per pétuer la mémoire de ce fait d’armes emblématique de la Libération du Val de Morteau. n J.-F.H.
Jean Mairot, 26 ans, est tué sur le coup. Louis Fraichot, 61 ans, son fils Henri et Camille Faivre, sont grièvement blessés. La colonne allemande poursuit son chemin à Morteau avec quatre prisonniers, avant d’être arrêtée par un groupe de maquisards. “Jean Mairot et quelques autres résistants F.F.I. avaient tenté d’établir en hâte un barrage en abattant des arbres en bordure de la route. Malheureusement, ils n’ont pas le temps de se mettre à l’abri avant l’arrivée des pre miers soldats ennemis. Ceux-ci ouvrent immédiatement le feu. En revenant sur ses pas, elle achève d’une rafale Louis Frai chot” reprend Jean-Michel Blan chot.
Une cérémonie du souvenir s’est à nouveau tenue ce 24 août devant la stèle Mairot Fraichot (photo D.R.).
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