Journal C'est à dire 289 - Décembre 2022
P O L I T I Q U E
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“Nous traversons une crise générale comme on n’en a jamais vu” Le président des maires du Doubs De retour du Congrès des maires de France à Paris, le président de l’association des maires du Doubs (A.M.D.) et maire de Pontarlier Patrick Genre estime que le compte n’y est pas dans les annonces gouvernementales et ne cache pas son inquiétude pour les finances des collectivités locales en 2023. Interview.
C’ est à dire : Que retenez-vous de ce récent Congrès des maires de France auquel vous avez par ticipé ? Patrick Genre : J’en retiens beaucoup de questions, quelques réponses seulement, et encore beaucoup de flou. Les maires n’ont été aucunement rassurés sur la question des finances locales. Préparer notre budget 2023 dans ce contexte relève d’une véritable prouesse. On sait que des ressources vont dispa raître comme la C.V.A.E. (une contribution des entreprises), alors dans ce contexte de hausse généralisée des prix, la prépa ration d’un budget est un vrai casse-tête. Des arbitrages devront être faits dans les toutes prochaines semaines alorsmême
à-dire un tarif jusqu’à 3 fois et demie plus élevé, et + 150%pour le gaz… Il faut savoir que la plu part des collectivités ne bénéfi cieront pas d’un bouclier tarifaire et celles qui pourront en béné ficier ne sont pas celles qui consomment le plus. Ajouté à cela l’impact de la revalorisation du point d’indice des agents ter ritoriaux qui arrivera en année pleine, et on arrivera à des charges de fonctionnement iné dites. Càd : Comment les communes vont alors réussir à équilibrer leur budget ? P.G. : Le premier risque pour elle est de voir fondre leur épargne brute pour faire face à ces dépenses de fonctionnement qui explosent. Résultat : les col lectivités devront recourir à l’em
que nous n’avons pas toutes les réponses à nos interrogations. Càd : Qu’est-ce qui inquiète le plus les maires dans l’éla borationde leur budget 2023 ? P.G. : C’est l’explosion des charges de fonctionnement liée à l’inflation.Nos collectivités tra versent une crise générale comme on n’en a jamais vu. On s’attend dans nos collectivités dont la plupart ne bénéficieront pas d’un bouclier tarifaire à une inflation globale de 7 à 9%. Sans parler des chantiers de travaux publics dont le coût pourrait aug menter de 20 à 30 %. Càd : À quel niveau les dépenses énergétiques vont elles augmenter ? P.G. : Entre 250 et 330 % d’aug mentation pour l’électricité, c’est
Patrick Genre a assisté au Congrès des maires de France à Paris en tant qu’élu local et président des maires du Doubs.
aujourd’hui à plus de 70 % des dotations de l’État. Le lien fiscal entre les habitants et leur com mune est quasiment coupé, sauf pour les propriétaires avec la taxe foncière. Ma crainte est de voir une perte de la notion de valeur des investissements locaux aux yeux des habitants. Je souhaiterais donc qu’on consti tutionnalise un certain nombre d’éléments concernant les res les normes, c’est encore pire qu’avant. Il faut donc redonner du poids aux collectivités locales, et sans doute aussi plus de marges demanœuvre aux préfets de départements. Il faut impé rativement rapprocher le centre de décision du niveau local. Càd : Autre sujet abordé lors de ce récent Congrès : la vio lence envers les élus. Vous confirmez ce phénomène ? P.G. : Bien sûr. Les agressions verbales, parfois physiques, les menaces…Tout cela est une réa lité, y compris dans le Doubs, qu’on ne connaissait pas il y a vingt ans. Ce phénomène a été exacerbé par la crise sanitaire. Les gens ont été tellement contraints pendant deux ans qu’à la moindre contrainte nou velle, ou obligation, il y a une montée systématique de la vio lence verbale.Tout cela est ampli fié par les réseaux sociaux. Dans les communes, il n’y a jamais eu autant de démissions de nou veaux maires ou conseillers élus en 2020. Heureusement, il reste une majorité d’élus déterminés et motivés pour faire face à la situation. C àd : Pour vous, élu depuis 1995, c’est bien le denierman dat ? P.G. : Je le confirme. n Propos recueillis par J.-F.H. sources des collecti vités. Et en paral lèle, malgré les promesses, on conti nue à crouler sous
avec les associations caritatives.
prunt mais comme avec la hausse des taux les banques ne prêtent quasiment plus à taux fixe, on va avoir beaucoup de mal à emprunter. L’autre levier possible, c’est la hausse des impôts locaux, ce que beaucoup de maires sont réticents à faire dans le contexte actuel. Et enfin, la réduction de nos investisse ments. J’ai peur que les inves tissements des collectivités bais sent de 20 à 30 % l’an prochain. Il y a un autre levier, c’est la hausse des tarifs pour les usa gers. Càd : Que réclamiez-vous en tant qu’élus locaux ? P.G. : Que la Dotation globale de fonctionnement (D.G.F.) versée par l’État aux collectivités soit indexée à l’inflation, comme c’était le cas il y a encore une quinzaine d’années. Le gouver nement l’a refusé. Je rappelle juste que la D.G.F. n’est pas une subvention, mais c’est un dû qui compense le coût lié auxmissions que l’État confie aux collectivi tés. Càd : Le gouvernement a pourtant annoncé une aug mentation de 300 millions d’euros de cette D.G.F. lors de ce Congrès ! P.G. : Si on fait le ratio avec l’augmentation de nos charges dues à l’inflation et aux coûts de l’énergie, il aurait fallu l’aug menter de 850 millions. Avec cette augmentation de 300 mil lions, nous perdons plus d’argent que les années précédentes sans augmentation de la D.G.F. Càd : Vous êtes donc inquiets pour l’an prochain ? P.G. : Forcément.Ma crainte est aussi de voir, en plus de la contraction de nos recettes, une partie de la population qui ne sera plus en capacité d’assumer la vie du quotidien. Les besoins sociaux de nos collectivités ris quent d’exploser. On le voit déjà
Càd : Emmanuel Macron a invité des maires à l’Élysée pour tenter de renouer le dia logue avec eux. Vous y étiez ? P.G. : Oui, j’y étais. Le discours est toujours séduisant mais il reste un vrai décalage avec les annonces sur le fond. Le prési dent de la République a semble t-il écouté, et entendu la nécessité 2023. Il fautmaintenant attendre de voir comment cette intention va se traduire dans les faits. Les relations avec l’État sont toujours un peu compliquées, il reste du chemin à faire. Sur ce point, je fais clairement la différence avec les relations entretenues sur le terrain entre le préfet du Doubs et les collectivités, qui elles, sont vraiment excellentes. Càd : Les maires ont quand même été entendus sur la fameuse loi Z.A.N. (Zéro arti ficialisationdes sols) que tout le monde estime inapplica ble ? P.G. : Oui, ce point fait partie des annonces positives. Leminis tre Christophe Béchu a bien com pris que les circulaires sur cette loi étaient inapplicables. L’en gagement pris est demieux tenir compte des spécificités des ter ritoires. Les 578 communes du Doubs sont autant de situations spécifiques en la matière. Càd : Les maires semblent également unanimes pour réclamer une nouvelle phase de décentralisation. Qu’at tendez-vous sur ce point ? P.G. : On assiste en effet depuis quelques années à un mouve ment de recentralisation et de nationalisation de la fiscalité locale et des budgets de nos col lectivités qui dépendent de relancer un vrai processus de décen tralisation. Il a pro mis une grande concertation courant
“Nos investissements pourraient baisser de 20 à 30 %.”
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