Journal C'est à dire 286 - Septembre 2022

D O S S I E R

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Construction

Quand le bâtiment tousse… Les professionnels du bâtiment ne cachent pas leurs inquiétudes même si le travail ne manque pas pour l’instant. Le point avec Dominique Viprey, le président de la F.F.B. du Doubs.

O n a l’habitude de dire que quand le bâtiment va, tout va… Et quand le bâtiment tousse, à quoi faut-il s’atten dre ? Depuis la rentrée de septembre en effet, le moral des professionnels du bâtiment en a pris un coup. La faute à un contexte international qui grippe une machine qui pourtant se portait encore à merveille en début d’année. Les explications de Dominique Viprey, le président de la Fédération du Bâti ment du Doubs (F.F.B.) qui représente plus de 4 000 salariés du bâtiment à l’échelle du département : “En début d’année, tous les carnets de com mandes des entreprises étaient pleins pour les 24 prochains mois. La crise ukrainienne a tout bou leversé, les matières premières sont venues à manquer et de nombreux chantiers ont été décalés. Les entreprises ne feront pas leur chiffre d’affaires pour 2022” constate le président qui est aussi à la tête de l’entreprise E.I.M.I. et du Groupe 1000, entreprise de construction tous corps d’État. La guerre en Ukraine, on le sait, a fait exploser les délais de livraison dumaté riel pour les entreprises et flambé les prix. Ajouté à ces facteurs le prix de l’énergie dont les entreprises du bâti ment sont gourmandes, et on enraye la belle mécanique du début d’année.

“Les plannings 2022 sont donc étalés sur 2023” complète Dominique Viprey qui craint un second phénomène : “La baisse du nombre d’appels d’offres de la part des collectivités locales. Depuis cet été, c’est flagrant. Jusqu’en juin, on chiffrait un devis par jour.Aujourd’hui, c’est à peine un par semaine.” La baisse annoncée des dotations de l’État après deux ans de perfusion et la hausse des prix de l’énergie qu’elles doivent assu mer pousseraient donc les collectivités territoriales à freiner leurs investisse ments. C’est donc une rentrée inédite que vivent les entreprises du bâtiment dans le Doubs, devant encaisser une hausse du prix des matières estimées entre 15 et 20 %. Les salaires dans le bâtiment s’en trouvent bloqués, de fait. “Ne pouvant pas avoir de levier d’action possible en ce moment sur les salaires, beaucoup d’entreprises ont utilisé la prime Macron faute de mieux” note le président de la F.F.B. Dans ce contexte, la concurrence, voire une certaine méfiance entre les entre prises, et entre les entreprises et leurs donneurs d’ordres, commence à s’ins taller créant un climat assez délétère. Les entreprises confrontées à ces hausses brutales du prix des matières peuvent éventuellement demander des plus-values, sous réserve d’apporter

“On chiffrait un devis par jour.

Dominique Viprey, président de la F.F.B. du Doubs.

des éléments factuels à leurs comman ditaires. Une situation délicate pour les professionnels du bâtiment. Le dernier facteur, concernant cette fois les clientèles de particuliers, c’est le resserrement des conditions de prêts accordées par les banques. “On com mence à voir des chantiers qui s’annu lent. Jusqu’à la fin du premier trimestre 2023, ça devrait tenir. C’est après que l’on a les plus grandes craintes” prédit Dominique Viprey qui ne se veut pas

pour autant défaitiste. Il entrevoit tout de même quelques éclaircies dans ce ciel bien sombre de rentrée, notamment grâce “aux nombreux chantiers de per formance énergétique et d’isolation ther mique qui se profilent. Les entreprises sur ce créneau-là pourront avoir de bonnes perspectives.” À l’inverse, ce sont les maçons qui pourraient subir les plus fâcheuses conséquences de cette période agitée pour la profession. Une profession qui s’estime à un tour

nant. “Avec les changements liés au cli mat, nous aurons de vraies remises en question à faire dans les prochaines années. C’est forcément perturbant, mais c’est un vrai challenge à relever” conclut le patron de la F.F.B. Paradoxalement, dans ce contexte, le bâtiment continue à recruter : les besoins sont estimés à près d’unmillier de bras actuellement à l’échelle du Doubs. n J.-F.H.

“Le frein actuel, ce sont les banques ! Promotion

Affecté comme partout ailleurs par les pénuries des maté riaux et le durcissement des conditions d’accès au crédit et les soucis de main-d’œuvre, le marché immobilier du Haut-Doubs reste néanmoins dynamique. Entretien avec Adrien Pellegrini, co-gérant de Promotion Pellegrini.

les moyens d’acquérir un bien immobilier. Sur la partie construction, on a subi aussi toutes les hausses des matières premières sans recevoir aucune aide du gouvernement. Cela peut renchérir les coûts de 10 à 15 %. À cela s’ajoutent aussi les retards de livraisons. Càd : Comment vous êtes vous adapté à la situation ? A.P. : Il faut anticiper et, pour le moment, ça va. Je crains que certains fabricants de tuiles ou de matériaux produisent moins voire pas du tout à cause du coût de l’énergie. Cela aura for cément un impact et on risque de se retrouver à devoir gérer des chantiers à rallonges. Càd : Que représente aujourd’hui l’entreprise Pel legrini ? A.P. : Il y a une trentaine de salariés pour réaliser chaque année entre 25 et 30 maisons,

balcon, terrasse, jardin. Pour l’essentiel, cette demande éma nait de citadins frustrés du confinement et qui voulaient vivre à la campagne. On a fait de belles ventes pendant cette période. Càd : Et aujourd’hui ? A.P. : Le marché s’est tendu mais reste porteur en zone fron talière avec des clients qui ont

C’ es t à dire : Com ment votre acti vité évolue depuis le début de la

crise sanitaire ? Adrien Pellegrini : L’impact a plutôt été positif avec une forte demande de biens disposant de

“Le marché s’est tendu mais reste porteur”, analyse Adrien Pellegrini.

portement des banques.

l’avenir de la maison indivi duelle. Ce sera à nous de nous adapter. L’entreprise Pellegrini a encore la chance d’avoir du

Càd : Quelles sont vos craintes ? A.P. : Les banques peuvent faire tomber le marché comme on le voit au niveau des refus de prêts. Il y a la hausse des taux mais surtout celles des taux d’usure. Avec ces établissements, on entre dans un processus de sur garanties qui peut décourager les candidats à l’achat. n Propos recueillis par F.C.

foncier. On a des projets de collectifs au lac, au pied du Mont d’Or ou encore dans le Saugeais.

plus deux ou trois col lectifs. On ne cherche pas à grossir. On reste assez fidèle au Haut Doubs. Le durcissement des règles d’urbanisa

“Processus de sur garanties.”

Càd : Tout va plutôt

bien alors ? A.P. : Certes il y a de l’activité, il y a du travail, mais je suis quand même inquiet du com

tion dans le cadre du S.C.O.T. limitera forcément le marché. Ces restrictions finiront sans doute par remettre en cause

Pellegrini Promotion réalise chaque année entre 25 et 30 maisons individuelles plus quelques immeubles collectifs.

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