Journal C'est à dire 284 - Juin 2022

D O S S I E R

25

Sur le chemin des verriers Clos du Doubs

donc du Jura suisse conditionné en tonneaux et transporté en voiture à cheval. “Le verre est une alchimie et d’autres compo sants sont nécessaires pour abais ser le niveau de température de la fusion à 1 200 C°. Les verriers apportaient de la soude et de la potasse en incinérant des fou gères, ainsi que du groisi (verre réduit en poudre), cobalt et man ganèse de Suisse voisine” , pour suit Claude Cattin. Les fours dits “à l’allemande” utilisaient l’argile de Ferrette enAlsace et, les pots de fusion celui de Cham pagne (éloignée de plus de 300 kilomètres). Le lavage du sable et le refroidissement des outils de production donnaient tout son sens à la proximité duDoubs. “D’autant plus que le bois coupé, était acheminé par flottage” , pré cise notre guide. Les maîtres-verriers indépen dants se groupaient en sociétés et contrôlaient chacun un ouvreau (ouverture pour récu pérer la matière en fusion) avec leur équipe de 4 personnes. “On peut considérer qu’ils étaient riches mais les conditions de tra vail étaient épouvantables. Un document historique nous apprend que l’espérance de vie à la verrerie duBief d’Étoz n’était que de 27 ans” , note M. Cattin. Puis le verre (essentiellement plat) partait à dos de mulet sur le plateau soigneusement emballé dans du regain et de la mousse des bois. Rouliers et col porteurs se chargeaient ensuite de la distribution. Le chauffage à la houille pratiqué dès lemilieu du XVIII ème siècle eut raison de la plupart de ces verreries du Clos du Doubs. La balade randonneurs. Pour l’anecdote, déjà au XVIII ème , Jean-Jacques Rousseau venait herboriser ici lors de ses séjours chez Gagne pin, herboriste du tsar de Rus sie. La première partie de la balade s’effectue en rive gauche côté français. Après le passage à proximité du site des Seignottes où se disputent encore des épreuves nationales ou interna tionales de canoë-kayak, pour suivre le long de la rivière pour arriver à la chapelle du Bief d’Étoz qui a été rénovée. Elle fut érigée en 1692 par Jacques Ron dot qui chuta de cheval dans la côte abrupte et fit le vœu de construire une chapelle dédiée à Notre Dame des Ermites s’il en réchappait sans séquelles. C’est ainsi que cet édifice reli gieux fut créé dans le hameau dont il reste une maison et quelques vestiges autour de la chapelle. Prochaine étape, le barrage de la Goule. Construite en 1894, cette retenue de 520 000m 3 d’eau

Balade en compagnie de Claude Cattin à Fessevillers, Indevillers et dans la vallée de Fuesse sur les traces d’une histoire industrielle transfrontalière méconnue, lointaine origine du groupe Danone.

D epuis Indevillers, Claude Cattin nous emmène sur une route étroite qui descend à Clairbief (frontière franco-suisse). Après quelques centaines de mètres dans une vallée protégée “Natura 2000”, une passerelle

terre” , commente Claude Cat tin. Pourquoi des verreries ont-elles pu s’installer dans un endroit aussi peu accessible ? “Le verre est une matière magique faite de sable et de feu. Les forêts jamais exploitées fournissaient une res source essentielle” , répond Claude Cattin.

permet de traverser le Doubs. C’est le point de départ du sentier qui relie les sites des anciennes verreries, dont Lobschez, puis Goumois à une dizaine de kilomètres. “Il

“Le verre est une matière magique.”

Les verriers se voyaient accorder d’immenses par celles de 1 000 arpents (environ 520 hectares) qu’ils épuisaient en 30

Claude Cattin, sur une des parties du site de la verrerie de Lob schez.

ans. “Puis ils partaient ailleurs et c’est la raison pour laquelle ils ne construisaient pas en dur” , précise-t-il. En revanche, le sable local est trop pauvre en silice et contient trop de fer. Il venait

n’y a plus de traces, les bâtiments étaient en bois et n’ont pas résisté au temps. En revanche, il n’est pas rare de retrouver des petits morceaux de verre remontés par le travail des taupes dans la

les tombes des maîtres-verriers Jean et Georges Raspiller ainsi que Melchior Schmid et son épouse. n

s’achève à Fessevillers, village qui a su garder la mémoire des verriers d’antan. “L’Église-mère de la Franche-Montagne” , abrite

Hommage aux maîtres-verriers devant l’église de Fessevillers.

De Jean Raspiller au groupe Danone Jean Raspiller est né en 1639 en Forêt-Noire. Engagé par l’évêque de Bâle à la verrerie de Lobschez, il reprend ensuite celle de La Caborde. Son fils Melchior eut une nombreuse descendance et sa petite-fille Anne-Catherine donna naissance à Jean-Baptiste Neu vecelle qui fonda avec deux associés en 1864 la société B.S.N. (Bouchois-Souchon-Neuvecelle). La fusion avec Gervais-Danone en 1973, conduit au groupe Danone, tel que nous le connaissons aujourd’hui (100 000 salariés dans 60 pays et un chiffre d’affaires consolidé de 24 milliards d’euros en 2021). n

La passerelle sur le Doubs permet l’accès

au site de Lobschez.

Balades au fil de l’eau

Goumois : d’un pont à l’autre sur le Doubs franco-suisse

Après le Saut du Doubs, la rivière s’engage dans une vallée profonde et sauvage qui sert de limite entre la France et la Suisse. Pause fraîcheur transfrontalière.

Construit en 1894, le barrage de la Goule alimente la plus ancienne centrale hydroélec

P ittoresque village de fond de vallée, Goumois mérite tous les détours. Partagée en deux com

munes par le traité de Vienne de 1815, Goumois s’impose comme une destination estivale très appréciée des touristes et

trique sur le Doubs.

qui donne son caractère buco lique au restaurant éponyme. Le retour sur Goumois s’effectue toujours à l’ombre en croisant le stade nautique déjà aperçu à l’aller. Une pause s’impose sur le pont de Goumois qui marque le retour en France et la fin d’une excursion sous le signe de l’eau. n

alimente une centrale hydro électrique située 600 mètres en aval. La Goule, c’est aussi le nom de l’auberge située de l’autre côté du pont et qui marque l’en trée en Suisse de la balade. Laquelle se poursuit toujours au bord du Doubs en passant devant le barrage duTheusseret

La chapelle du Bief d’Étoz apporte une touche spirituelle à la balade (photos F. Fleury).

Comme à la Goule, le Theusseret désigne un barrage et un restaurant qui sert même des truites à la sauce Theusseret.

La perle franco-suisse : circuit n° 58 Départ : maison des expositions à Goumois Longueur : 12 km - Durée : 3 h - Dénivelé : 220 m

Made with FlippingBook - professional solution for displaying marketing and sales documents online