Journal C'est à dire 283 - Mai 2022
L A P A G E D U F R O N T A L I E R
Économie
Soucieux de connaître la réalité du télétravail des frontaliers, les cantons de l’Arc jurassien ont diligenté une enquête statistique menée en début d’année auprès de 3 500 entreprises. Restitution et perspectives alors que l’accord amiable sur le télétravail transfrontalier signé pendant la pandémie entre la France et la Suisse arrive à son terme le 30 juin. Ce qui signifierait que la limite de 25 % de télétravail sera de nouveau appliquée pour les travailleurs frontaliers. Quel avenir pour le télétravail frontalier ?
L’ Arc jurassien regroupe les cantons de Neuchâ tel, Vaud, Berne et Jura. Plus de 65 000 travailleurs frontaliers dont 44 % résident dans le Doubs, exercent dans cette région fron talière fortement marquée par son tissu industriel. Un nombre en constante augmentation comme le souligne Pierre-Alain Schnegg, conseiller d’État ber nois, lors de la présentation des résultats de l’étude sur le télé travail. “Même en 2020, le nom bre de frontaliers a progressé de 3,2 % et cette tendance reste tou jours d’actualité” dit-il.
cend à 22 %. La différence s’ex plique simplement par l’impor tance du secteur horloger dans l’économie des trois premiers cantons. D’autres secteurs occupent entre 10 % et 15 % des frontaliers : commerce, réparation automo bile, services administratifs, santé humaine, action sociale… “Le recours au télétravail n’est pas nouveau mais cette pratique a fortement augmenté avec la nues parmi les 3 500 entreprises sollicitées durant l’enquête, une extrapolation quantifie à 18 000 le nombre de frontaliers dans l’Arc jurassien ayant la possi bilité de faire du télétravail, soit 21,4 % à 28,9 % des frontaliers selon les cantons. Plusieurs fac teurs interagissent. Les possi bilités de télétravail augmentent en fonction de la taille de l’en treprise. Alors que seulement 40 % des micro-entreprises offrent des possibilités de télé travail aux résidents suisses et 23 % aux frontaliers, ces parts s’élèvent à 80 % et 55 % pour les entreprises de 200 employés et plus. Le secteur d’activité joue aussi un rôle déterminant. Il est logiquement plus facile de télétravailler dans les métiers tertiaires : information, assu rances, finances administration que dans l’hébergement, la res tauration, l’industrie, la santé, le transport ou encore le com merce… Quand le télétravail est possible, pandémie” , souligne David Éray, le prési dent du gouvernement jurassien. Selon les réponses obte
La répartition des frontaliers dans l’Arc jurassien varie en fonction de la proximité avec la frontière. 58,5% travaillent dans le canton de Vaud, 21,2 % dans le canton de Neuchâtel, 14,3 % dans le Jura et 6,1 % dans le canton de Berne. La proportion des travailleurs frontaliers dans l’ensemble des établissements des cantons jurassiens est en moyenne de 5,2 %. Ils travaillent majoritairement dans l’industrie manufacturière dans les cantons de Berne, Jura et Neuchâtel où les proportions varient de 42 à 48 %, contrairement au canton de Vaud où ce pourcentage des
le recours effectif au télétravail pour les frontaliers suit les mêmes tendances générales que pour les employés résidant en Suisse. “Ce qui est logique avec la levée des restrictions mises en place dans le cadre de la pan démie” , note David Éray. Résul tat : 61 % des frontaliers qui avaient la possibilité de télétra vailler l’ont fait partiellement ou totalement. tique et le périmètre de recru tement pour les entreprises de l’Arc jurassien. Quid de l’avenir du télétravail frontalier ? Côté suisse, élus de l’Arc jurassien et employeurs militent pour aller au-delà des 25 % appliqués avant l’accord amiable conclu entre la France et la Suisse pendant la pandé mie. “Le vrai sujet, c’est comment faire perdurer ce télétravail qui est devenu une façon de vivre, un confort de vie ? , s’interroge Nicolas Boudin, directeur finan cier de Tag Heuer. On voudrait pouvoir proposer deux jours de télétravail, soit 40 % du temps de travail avec l’espoir d’arriver à un consensus sur les questions de la fiscalité, des charges sociales, de la retraite. Pour nous, le télétravail, c’est devenu une nécessité.” Au-delà du confort apporté au bénéficiaire, le télétravail est un élément de réponse à diverses problématiques de l’économie transfrontalière de l’Arc juras sien comme le souligne Annie Genevard, députée de la 5 ème circonscription. “On connaît les problèmes d’engorgement routier liés aux bouchons récurrents observés aux postes-frontières lors du passage des pendulaires. Le renforcement du télétravail permettrait d’alléger le trafic routier, ce qui n’est pas neutre au niveau du bilan carbone. Bien sûr, cela ne suffira pas à tout régler. 3 % seulement des fron taliers utilisent les transports collectifs, c’est incroyablement peu. On doit aussi améliorer le covoiturage.” En France, une résolution de l’Assemblée nationale concer nant le télétravail des frontaliers a été déposée enmars 2022. Elle met en avant les gains de pro ductivité, le bien-être des télé travailleurs, les enjeux clima L’étude montre aussi que l’augmentation de la pratique du télétra vail n’aura pas d’effets significatifs sur la poli
Élus français et suisses de l’arc juras sien étaient présents à Neuchâtel le 9 mai lors de la restitution de l’enquête sur le “Le télétravail est devenu une néces sité, d’où l’importance d’arriver à un consensus”, note Nicolas Boudin, directeur financier de Tag Heuer pour qui deux jours par semaine semble un bon temps de télétravail. télétravail frontalier.
Deux jours de télétravail par semaine.
tiques. Elle soulève aussi les questions de l‘équité entre les frontaliers et les résidents, et de la révision des conventions fiscales et sociales entre les deux pays. “C’est la première fois qu’est réalisé un état des lieux du télé travail, remarque Pierre-Alain Schnegg. On constate que cela répond à un certain nombre d’at tentes et qu’une évolution du dis positif imposera de bien prendre en compte l’incidence sur la fis calité et les assurances sociales.” Pascal Broulis, conseiller d’État Vaudois abonde : “Le monde a changé. Les 25 %, c’était une base historique, monter à 40 %,
c’est une chose qu’on peut défen dre sous réserve de régler ces questions de charges sociales, de retraite. Politiquement, les cantons concernés par le travail frontalier peuvent agir au niveau de la Confédération pour faire bouger les choses.” Que va-t-il se passer après le 30 juin ? “Il y aura sans doute une prorogation du dispositif. Dans cette résolution de loi, le point 7 invite l’Union Euro péenne à travailler sur la défi nition d’un vrai statut du tra vailleur frontalier, y compris avec la Suisse.” n F.C.
“Monter à 40 %, soit deux jours de télétravail, c’est quelque chose qu’on peut défendre sous réserve de régler les questions des charges sociales, de la retraite”, indique
Pascal Broulis, conseiller d’État vaudois.
Estimation du nombre de frontaliers avec possibilité de télétravail selon le canton (sources Enquête B.A.S.S.) Nombre de frontaliers avec possibilité de télétravail Berne 1000 Jura 2000 Neuchâtel 4000 Vaud 11 000 Total Arc jurassien 18000
“Il serait souhaitable de pérenniser ce régime”, estime Laurent Kurt, conseiller d’État neuchâtelois.
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