Journal C'est-a-dire 279 - Janvier 2022
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Charquemont-Longemaison Alice Domon et Léonie Duquet : un livre pour ne jamais oublier
Alice et Léonie à Buenos-Aires (photo S.T.R./A.F.P. /Getty).
L e général Vidéla perpètre un coup d’État militaire fasciste le 24 mars 1976. La dictature s’installe pour huit ans et se soldera par 300 000 disparus, 15 000 fusillés, 9 000 prisonniers politiques et 1,5 million d’exilés dans ce pays de 27 millions d’habitants. L’engagement des deux Sœurs des Mis- sions Étrangères auprès des Mères de la Place de Mai scellera leurs destins dans un pays lointain qui était devenu le leur. “Je crois que le plus triste serait d’accepter de ne pas s’engager par peur ou bien parce que l’on n’a pas l’habitude” , révélait Alice Domon dans une lettre. Frédéric Santangelo, fin connaisseur de l’Argentine, sort un ouvrage captivant et complet sur l’histoire dramatique des victimes de la junte militaire dont ces deux reli- gieuses du Haut-Doubs.
fredo Astiz, 34 ans après ses crimes. “Nous tenons à entretenir leur mémoire et Frédéric Santangelo y contribue lar- gement” , poursuit Bénédicte. L’auteur a réalisé une enquête minu- tieuse et passionnante sur cette période noire de l’histoire de l’Argentine. Qua- rante-cinq ans après l’assassinat d’Alice et de Léonie, la torture et lamort restent les seuls arguments de nombreux régimes totalitaires dans le monde. “Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde” , écrivait prophéti- quement Berthold Brecht en 1941. n Ph.D.
poussées hors de l’avion. Leurs corps s’abîment plusieurs milliers de mètres plus bas dans les eaux de l’Atlantique. Plus de 3 000 êtres humains ont été assassinés dans ces “vols de la mort”. “Parfois les corps revenaient sur les côtes de l’Uruguay ou de l’Argentine. Ils étaient alors enterrés dans des fosses
Elle est arrêtée le 8 décembre 1977, elle a 40 ans. Son aînée, Léonie Duquet (61 ans) est incarcérée deux jours plus tard. Elles sont séquestrées à l’École Mécanique de la Marine (E.S.M.A.) de sinistre réputation. Le capitaine Astiz avait infiltré le mouvement de ces femmes
communes. Enmai 2005,mon père Michel a été sollicité pour un prélèvement de sang et de salive. Fin août 2005, le corps de Léonie a été identifié après
qui voulaient connaître la vérité sur leurs proches disparus. Sur- nommé “l’Ange Blond de la Mort”, il dirige les opérations de torture.
Suite à une enquête minutieuse.
avoir été porté comme disparu de nom- breuses années.En revanche, celui d’Alice Domon n’a jamais été retrouvé” , note Bénédicte Jeanningros, petite-nièce de Léonie Duquet. Elle s’est elle-même rendue à Buenos-Aires le 26 octobre 2011 à l’occasion du procès qui a enfin vu la condamnation à perpétuité d’Al-
Le 14 décembre 1977, les deux reli- gieuses meurtries et affaiblies sont emmenées avec 10 autres compagnons d’infortune dans un aéroport militaire. Les tortionnaires les font monter dans un avion, puis un médecin complice leur injecte un anesthésiant. Les vic- times endormies sont déshabillées et
“Se taire serait lâche” Par Frédéric Santangelo - 480 pages - 26,90 euros Éditions du Panthéon
La couverture du livre qui vient de sortir.
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