Journal C'est à dire 277 - Novembre 2021

M O N T B E N O Î T E T L E S A U G E A I S

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Gilley

L’unité de vie de Gilley ne veut pas être oubliée Cette structure d’accueil de personnes pagées dépendantes est pour l’instant exclue du Ségur de la santé qui a offert à de nombreux autres professionnels de la santé et du médico-social une revalorisation salariale. Ses salariés dénoncent une injustice.

riers envoyés à leur hiérarchie et à la députée Annie Genevard n’ont pour l’instant eu aucun effet. “Nous allons à nouveau écrire à Christine Bouquin la présidente du Conseil départemental, à Annie Genevard la députée, et nous préparions également un courrier que nous enverrons à Brigitte Bourguignon, la ministre déléguée chargée de l’Au- tonomie.”

La petite équipe de l’unité de vie de Gilley n’a pourtant jamais ménagé sa peine ces derniers mois et peut même se targuer ne n’avoir enregistré aucun cas de Covid parmi ses résidents. “On a l’impression qu’on nous punit d’avoir bien travaillé…” ajoute Fabienne qui ne cache pas son dépit. La douzaine de salariés de l’unité de

lorisations de salaires dont ont bénéficié la plupart des personnels de santé et de la sphère médico-sociale en France. Mais ici à Gilley, elles ne voient rien venir. Et c’est pour ça que ces trois pro- fessionnelles se battent, au nom de leur collègue et pour une équité de traitement par rapport à leurs homo- logues travaillant dans d’autres struc- tures. “On a été englobés dans l’A.D.A.P.E.I. un peu par hasard et on est la seule structure sanitaire au sein de l’A.D.A.P.E.I. Et le fait d’être géré par l’A.D.A.P.E.I. nous exclut du péri- mètre du Ségur de la santé. Nous nous sentons flouées” résume Catherine.

E lles s’appellent Catherine, Fabienne ou Christelle (des prénoms d’emprunt ont été choisi pour préserver leur anonymat). L’une est infirmière, l’autre aide-soignante et la troisième est cui- sinière, toutes trois employés par l’unité de vie “La Combe fleurie” à Gilley. Cette structure est une P.U.V., comme petite unité de vie. Créée en 1993, elle a tour

à tour été sous la responsabilité des Salins de Bregille, puis de la Mutualité Française Doubs, avant de passer sous la responsabilité de l’A.D.A.P.E.I. du Doubs en 2014. Ni E.H.P.A.D., ni établissement de soins, cette unité de vie effectue pour- tant tous les mêmes soins que d’autres structures qui sont, elles, concernées par le Ségur de la santé et par les reva-

vie de Gilley s’occupe d’une quinzaine de résidents : 10 personnes âgées dépendantes et 5 personnes handicapées vieillissantes. En plus, sur la douzaine de salariés, trois sont actuellement suspendus

Certaines autres catégories de personnels devraient por- tant intégrer le périmètre du Ségur en janvier prochain (voir notre article ci-dessous), mais pas d’autres. Les pro-

Elles se battent pour une équité de traitement.

fessionnels de Gilley craignent ainsi que cette future différence de traite- ment apporte un peu plus de confusion parmi le personnel. “C’est sans parler des questions de recrutement. Qui va venir travailler dans notre établissement s’il est exclu du Ségur ?” se demandent ces trois professionnelles qui doivent déjà composer fréquemment avec des intérimaires pour combler la pénurie de personnel. Les trois professionnelles se plaisent beaucoup à Gilley et s’investissent sans faille dans leurs métiers respectifs. Mais elles ont l’amer sentiment d’être ignorées en travaillant dans une struc- ture qui semble passer sous les radars de l’administration centrale. “On n’est en guerre contre personne, on veut juste ne pas être traitées différemment des autres !” clament-elles. n J.-F.H.

car non vaccinés. Pour ces profession- nelles qui continuent à travailler, c’est donc la double peine car elles doivent pallier l’absence des autres sans cette reconnaissance à laquelle elles estiment avoir légitimement droit. “Ce Ségur de la santé a créé de vraies inégalités entre les établissements qui sont finan- cés par l’A.R.S. et ceux qui sont financés par le Conseil départemental qui ne dispose pas des dotations pour nous faire bénéficier des augmentations de rémunération décidées dans le cadre du Ségur. Nous vivons cette situation comme une vraie injustice” poursuit Catherine. “Le pire, c’est que nous sommes dans le flou total. Personne ne parvient à nous donner des informa- tions plus précises, même pas la direc- tion de l’A.D.A.P.E.I. On nous avait parlé d’octobre, puis de janvier et là on nous a laissés entendre que le dossier était refermé” note Christelle. Les cour-

À l’unité de vie de Gilley, on n’a enregistré aucun cas de Covid depuis le début de la crise sanitaire.

A.D.A.P.E.I. : les exclus du Ségur Les démissions s’enchaînent La grande majorité des 2 000 salariés de l’A.D.A.P.E.I. du Doubs sont donc exclus des mesures de revalorisation des salaires issues du Ségur de la santé. Résultat : la pénurie d’emplois va s’aggraver.

R ien que dans les struc- tures de l’A.D.A.P.E.I. du Doubs, 72 offres d’emploi sont actuelle- ment à pourvoir. Et la situation ne risque pas de s’améliorer. “C’est une pénurie inédite de per- sonnel. Sur le plan national, 65 000 postes ne sont pas pourvus au sein du secteur médico-social. À l’échelle régionale, 370 postes sont vacants et dans les struc- tures duDoubs, 72 offres d’emploi ne trouvent pas preneurs” résume

vaillent à l’hôpital et en E.H.P.A.D. depuis ce fameux Ségur de la santé signé l’an der- nier à l’échelle nationale et qui a contribué à revaloriser les pro- fessionnels de santé qui ont tous vu gonfler leurs fiches de paie de 183 euros nets mensuels. “Ces revalorisations concernent donc les personnes des hôpitaux, des E.H.P.A.D. et les aides à domicile ont été également revalorisées dernièrement. Seuls les profes- sionnels qui s’occupent des per-

Franck Aigubelle, directeur général,

José Gomès, président et Nicole Gau- thier, admi- nistratrice de l’A.D.A.P.E.I. du Doubs.

José Gomès, le prési- dent de l’A.D.A.P.E.I. du Doubs qui emploie au total 2 000 salariés et accompagne 3 600 personnes en situation de handicap.

sonnes en situation de handicap dans nos structures du secteur privé non lucratif ne sont pas concernés. Nous avons été oubliés” synthétise

égal” ajoute le directeur général. Le coût de l’extension du Ségur à l’ensemble des professionnels concernés dans ces filières socio- éducatives et paramédicales serait de 3,5 millions d’euros par an pour l’A.D.A.P.E.I. du Doubs, une somme évidemment qu’elle ne pourrait pas assumer seule. “C’e st aussi une question de dignité pour les personnes en situation de handicap car cette pénurie de main-d’œuvre leur

est évidemment préjudiciable” complète Nicole Gauthier, admi- nistratrice de l’A.D.A.P.E.I. Depuis le premier semestre 2021, 45 % des départs de l’A.D.A.P.E.I. sont des démissions de personnels qui préfèrent rejoindre des établissements inclus dans le périmètre du Ségur de la santé. L’A.D.A.P.E.I. du Doubs tire la sonnette d’alarme. n J.-F.H.

vaille dans une structure A.D.A.P.E.I. “Comment espérer recruter dans ces conditions ?” interroge José Gomès. L’union nationale desA.D.A.P.E.I. a lancé une pétition sur la plateforme “Change.org” afin de faire pres- sion sur le gouvernement au moment où démarrent les dis- cussions sur le projet budget de la Sécurité Sociale. “Nous sou- haitons une revalorisation équi- valente de 183 euros nets men-

suels pour tous nos profession- nels. À peine 15 % de nos per- sonnels doivent être concernés par ce coup de pouce à partir de janvier prochain. Ce sont essen- tiellement les infirmières et aides- soignantes du secteur enfance- adolescence financé par l’assurance-maladie, mais des centaines d’autres sont exclus du dispositif, nous dénonçons cette iniquité. À métier égal, il est normal d’avoir un salaire

“À métier égal, il est normal d’avoir un salaire égal.”

Le manque d’attractivité des métiers du médico-social n’est pas nouveau. Ce qui l’est en revanche, c’est l’écart qui se creuse entre les professionnels de nombreuses structures de l’A.D.A.P.E.I. et d’autres qui tra-

Franck Aigubelle, le directeur général de l’A.D.A.P.E.I. du Doubs. Aujourd’hui, une infirmière recrutée à l’hôpital gagne 500 euros de plus par mois com- paré à son homologue qui tra-

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