Journal C'est à dire 272 - Mai 2021

L E P O R T R A I T

Le Russey

Patrice Mazzotti, le facteur de lien social C’est l’âme du bureau de Poste du Russey depuis 32 ans. Samedi 30 octobre prochain, à 12 heures, Patrice Mazzotti partira en pré-retraite. Le postier va laisser derrière lui des souvenirs et des clients à qui il rend gra- tuitement des services par “amour du service public.”

L e bureau de Poste du Russey, Patrice en a fait sa deuxième maison. Ici, les habitants du sec- teur ne disent pas “je vais à La Poste” mais “je vais chez Patrice.” Alors quand la porte s’ouvre et qu’ils n’aperçoivent pas la tête de leur postier fétiche remplacé ce jour-là pour un congé, certains font demi-tour pour attendre son retour. Dur pour le ou la remplaçant(e), mais tellement habituel que ses collègues n’y prêtent plus attention. “Il a éta- bli un lien de confiance avec beaucoup de monde” juge Chris- tine, une de ses collègues. Car il faut bien l’avouer, Patrice, 59 ans, est unique. D’abord parce qu’il a toujours un mot sympa, ensuite parce qu’il aide par exemple les personnes âgées à

remplir des documents, écrit même des lettres pour des per- sonnes illettrées, se déplace gra- tuitement chez ceux qui n’au- raient pas reçu le journal C’est à dire dans leur boîte à lettres, etc. “Patrice, c’est le receveur d’antan. On va le regretter” pour- suit Gilles Robert, le président de la communauté de communes dont les bureaux sont situés dans le même bâtiment. Le postier fait depuis années ce que La Postemet en place depuis peu comme le passage du fac- teur chez les personnes âgées pour assurer une présence, de la téléassistance, voire la dis- tribution de médicaments. Seule différence avec Patrice : son ser- vice est gratuit, sans contre- partie. Lui s’en amuse : “J’ai l’amour du service public” lâche

Patrice Mazzotti dans “son” bureau postal au Russey.

preuve, à droite de son comptoir trône une photo de 1909 de l’an- cienne gendarmerie. Un peu plus loin, une photo des conscrits d’avant-guerre permet à certains clients de reconnaître des aïeux. Avec son ami Jean Marmet, il crée et vend (au prix de 3 euros pièce) des cartes postales en souvenir de la pharmacie éphé- mère installée devant la place de la mairie. Le duo - avec l’aide d’un photographe - conçoit (en noir et blanc, et en couleur) une très belle image dont les béné- fices sont reversés aux associa- tions Emmaüs et le Secours populaire. A-t-il déjà pensé à ce samedi 30 octobre, midi, date à laquelle il fermera pour la dernière fois son bureau de Poste ? “Pas vrai- ment, répond ce passionné de sport. Je sais simplement que je n’abandonnerai pas Le Russey. Peut-être va-t-on créer un club de collectionneurs” émet Patrice qui est toujours le secrétaire du Football club de Morteau-Mon- tlebon. En 1992, Denis Sire l’ap- pelle pour “rédiger et faire quelques papiers administratifs pour le club.” Quasiment 30 ans plus tard, l’homme deMontlebon est toujours fidèle à son poste de bénévole. Né sous le signe des Gémeaux (N.D.L.R. : son anniversaire est le 9 juin), Patrice est toujours là pour donner un coup de main à son prochain. Un vrai facteur de lien social. n E.Ch.

le futur pré-retraité. Depuis que des clients ont appris son départ - certes dans cinq mois - ce passionné de phi- latélie est invité à déjeuner ou à dîner un peu partout dans les maisons du Russey et des envi- rons. Postier de métier, Patrice, arrière-petit-fils d’immigrés ita- lien venus de Bergame, entre dans la grande maison de La Poste en 1984, au centre de tri d’Issy-les-Moulineaux. Il fait encore partie de cette génération qui a passé et obtenu le concours pour intégrer la grande maison, Le service public, il l’a chevillé au corps. Peut-être est-ce dû à son héritage familial. Sa grand- mère Denise Debart fut de 1946 à 1976 postière à Morteau, âgée aujourd’hui de 105 ans, et tou- jours alerte. Patrice lui rend visite tous les lundis après-midi dans sa maison de repos, à Ornans. “Elle m’a formaté pour devenir postier. Avec elle, je révi- sais mon concours. Mon grand- père, lui, réparait les lignes télé- phoniques Il lui arrivait de partir en raquettes à neige pour dépan- ner les fermes isolées. Encore aujourd’hui, des personnes se époque “où il fallait connaître chaque code postal, chaque sous-préfecture” sou- rit le professionnel, l’un des rares à bénéficier d’un statut de fonctionnaire dans ce groupe devenu privé.

souviennent de Denise qui gérait tous les tickets de téléphone de La Poste pour le secteur. Elle ver- sait les recettes de toutes les télé- cabines, au centime près.” Bibe- ronné à ce métier, Patrice est muté en 1986 à Besançon où il est chargé de la partie financière. “C’était l’époque où l’on préparait des liasses de billets, en francs, afin que les facteurs puissent les distribuer.Aujourd’hui…un fac- teur ne peut plus le faire” détaille le futur retraité. Originaire de Montlebon où il réside avec son épouse, le pré- sident de la classe 82 des conscrits connaissais que le clocher pointu et le gymnase pour avoir joué au hand plus jeune” se souvient- il. Il reste 16 ans dans les anciens locaux de La Poste, rue Foch, et déménage en 2005 dans les locaux actuels, avenue duMaré- chal De Lattre de Tassigny, soit 32 ans au Russey. Forcément, des liens se tissent. Patrice en profite pour aménager le bureau postal. Outre la radio qui donne le ton, il affiche des cartes pos- tales anciennes du Russey et des environs. Passionné de phi- latélie, il préfère partager aux yeux de tous ses cartes postales dont certaines sont uniques, plu- tôt que les laisser enfermées dans un livre collector. La demande son retour dans son Haut-Doubs natal. 1989, La Poste l’envoie au Russey “village dont je ne

Sa grand-mère, 105 ans, le fait tomber dans la marmite.

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