Journal C'est à dire 272 - Mai 2021

P O L I T I Q U E

“Avec la crise, je crains la baisse des échanges, la montée des incompréhensions” Politique

Le sénateur du Doubs Jean-François Longeot prépare une “charte rurale” dont l’objectif est de “recréer un vivre ensemble” rural. Il compte en faire une proposition de loi et inviter le président du Sénat à rencontrer les acteurs ruraux cet automne dans le Haut-Doubs.

C’ est à dire : Qu’est-ce qui vous a donné envie de préparer cette “charte de la ruralité” ? (voir notre encart en bas de page) Jean-François Longeot : Il y a un bon moment que je me dis qu’il faut arrêter d’opposer systématiquement les choses dans notre pays : les agri- culteurs aux défenseurs de l’environ- nement, les urbains aux ruraux, les chasseurs aux non-chasseurs, etc. Quand on souhaite vivre en milieu rural, et cette tendance est d’autant plus vraie depuis la crise sanitaire, il faut bien accepter certaines contraintes. C’est la même chose pour les ruraux toire, je souhaite d’ailleurs qu’elle soit portée par l’association des maires ruraux et qu’elle puisse faire l’objet, au final, d’une proposition de loi. Mon idée est de voir certains articles de cette charte affichés dans les mairies rurales afin d’améliorer les notions de respect mutuel. Càd : Vous estimez que le problème de vivre ensemble s’aggrave ? J.-F.L. : Oui, je pense qu’il s’est amplifié ces dernières années. Il n’est pas normal qu’on ait eu à adopter, nous les parle- mentaires, une loi qui autorise à un coq à pouvoir chanter le matin ! C’est une aberration d’avoir à répéter qu’un coq, ça chante, une cloche d’église, ça sonne et un chien ça aboie ! On voit très bien que les attentes des admi- nistrés évoluent au fil du temps. Quand j’étais maire d’Ornans en 1995, on me demandait s’il y avait une école pour ses enfants, et 15 ans après, on me demandait s’il y avait le haut débit dans ma commune. J’aimerais donc que cette charte éclaire ce genre de questions, et apaise le climat. J’ai éga- lement intégré dans ma démarche le maire de Pontarlier qui est président des communes du Doubs afin de par- tager le plus largement possible ces préoccupations. Càd : Cette charte sera finalisée cette année ? J.-F.L. : Oui, j’espère bien la présenter lors de la prochaine assemblée générale des maires ruraux du Doubs qui doit se tenir cet automne et à laquelle j’ai prévu d’inviter Gérard Larcher le pré- sident du Sénat. Càd : Vous qui êtes un adepte des relations directes sur le terrain, comment la crise sanitaire a-t-elle qui accueillent des gens venus d’ailleurs. Cette réflexion m’a été suggérée par Charles Piquard, le pré- sident de l’association des maires ruraux du Doubs, et maire d’Osse. Cette charte de la ruralité qui en est encore à la phase prépara-

changé vos relations avec les élus locaux et avec les administrés ? J.-F.L. : Cette crise est en train de bou- leverser les habitudes des Français. Et tout cela me fait craindre une chose, qui n’est pas sans lien avec ce bien vivre ensemble que je mets en avant dans la charte de la ruralité, c’est la baisse considérable des échanges directs, donc la montée des incompré- hensions. Les gens prennent d’autres habitudes que de se retrouver ensemble et j’ai peur que cette période laisse des traces sur ce plan-là. Je crains évi- demment aussi les dégâts que causera cette crise sur le petit commerce et sur le retour des gens au travail après des

mois d’activité. Comment convaincre un salarié de la restauration qui ne travaille plus depuis plusieurs mois de reprendre le travail le week-end comme avant ? Certains professionnels crai- gnent à juste titre la reprise. Quant aux élus locaux, ils

“Pas sûr que les derniers investissements sur la neige à Métabief étaient indispensables.”

sont parfois un peu perdus.

Càd : On vous dit également très attaché au patrimoine rural que vous aviez l’habitude de soutenir à travers vos réserves parlemen- taires. Celles-ci ont été supprimées par le législateur. Est-ce une bonne chose ? J.-F.L. : Non, je regrette qu’on n’ait pas maintenu cette enveloppe mais en l’intégrant dans la demande globale faite par les élus locaux auprès de la préfecture. Le parlementaire pouvait ainsi continuer à accompagner les pro- jets. Notre rôle n’est sûrement pas d’être des distributeurs de billets ou de subventions, mais le système que je prônais pour remplacer les réserves parlementaires - qui il est vrai pou- vaient conduire à un certain clienté- lisme - nous aurait permis de continuer à travailler en étroite collaboration avec les services préfectoraux pour monter un dossier d’aide. Càd :Au Sénat, vous êtes également membre du groupe d’études Forêt et filière bois. L’état de nos forêts vous inquiète-t-il ? J.-F.L. : À ce sujet, j’ai écrit une lettre ouverte au président de la République pour l’alerter sur l’affaiblissement des communes forestières françaises, qui sont au nombre de 13 000. Cet affai- blissement est notamment dû à l’épi- démie de scolytes qui ravagent nos forêts et au manque de débouchés liés à la crise sanitaire. Il suffit de se pro- mener par exemple dans leVal d’Usiers pour constater les dégâts. On se doit d’avoir en France une ambitieuse poli- tique pour la filière bois-forêt. Il y a un énorme potentiel sachant que le déficit commercial de la filière atteint 7 milliards d’euros par an en France

Jean-François Longeot a été largement réélu sénateur du Doubs en septembre dernier pour un deuxième mandat de six ans.

La charte rurale selon Jean-François Longeot Le principal objectif de cette charte et de concilier ruralité et néoruraux. Pour la majorité des ruraux, la campagne représente leur lieu de travail et de vie quotidienne. Du côté des néoruraux, la campagne est davantage un lieu de loisir en plein air. Le citadin doit être conscient des règles qu’impose le monde rural et le monde rural doit être conscient de l’arrivée du citadin en lui permettant de s’intégrer aisément. L’idée de cette charte est donc de “recréer un “vivre-ensemble” rural, de sauvegarder la ruralité, d’améliorer la desserte en transport ainsi que l’acces- sibilité à Internet, tout comme travailler sur le niveau d’éducation à la campagne, l’accès aux soins et à la culture.” Parmi les propositions à travailler selon le sénateur Longeot, il y a “la création de points multiservices, d’aires de covoi- turage, la valorisation des transports à la demande, la création de petits com- merces de proximité, développer le sys- tème de distributeurs de denrées auto- matiques, réhabiliter les fêtes de villages et créer une vie associative ou encore faire des territoires ruraux des espaces pionniers en matière de transition éner- gétique.” n

en mer car je ne suis pas persuadé non plus que ces équipements ne boule- versent pas l’écosystème marin. Càd : Qui soutiendrez-vous aux élections départementales ? J.-F.L. : Je soutiens pour l’instant Béa- trix Loizon sur le canton d’Ornans et Annick Jacquemet à Saint-Vit, et plus globalement j’approuve totalement la démarche d’ouverture de Christine Bouquin. Càd : Terminons par un sujet revenu sur le devant de l’actualité avec le sui- cide assisté de Paulette Guinchard, l’ancienne élue du Doubs en mars. Quelle est votre position sur cette question sensible ? J.-F.L. : Paulette Guinchard avait recours au suicide assisté le 4 mars et le 11 mars on a débattu de ce sujet au Sénat suite au dépôt d’une proposition par une de nos collègues. Hélas, un amendement a été voté pour supprimer l’article 1, vidant le texte de sa subs- tance. Je le regrette. Je pense que ce droit de mourir mérite un vrai débat, la loi actuelle devrait à mon sens aller plus loin. Je suis relativement favorable à ce droit de mourir assisté. Ce débat, on doit absolument l’ouvrir, sereine- ment et sans tabou. n Propos recueillis par J.-F.H.

alors qu’avec 16 millions d’hectares, la forêt française est le deuxième plus grand puits de carbone après les océans. La France est une très bonne expor- tatrice de bois brut mais elle importe énormément de bois transformé et l’usage du bois reste minoritaire dans les constructions. Si j’ai écrit cette lettre ouverte, c’est aussi pour qu’on arrive à considérer cette filière comme essentielle et c’est un sujet qu’on doit

traiter en priorité dans le cadre de la loi Climat et résilience dont l’examen a débuté. Càd : Autre sujet qui divise régulièrement nos cam- pagnes : les éoliennes. Quelle est votre position sur la question ?

“L’éolien est souvent entre les mains de capitaux étrangers.”

J.-F.L. : Je pensais il y a quelques années que ce mode de production énergétique aurait pu avoir de nom- breux avantages. Je serais beaucoup plus nuancé sur cette question aujourd’hui. Ce qui me gêne notam- ment, c’est qu’à part quelques sociétés françaises sur le marché, l’éolien est souvent entre les mains de capitaux étrangers voire de fonds de pension qui ne se soucient guère de la façon dont ces éoliennes vont être exploitées. Je m’oppose actuellement au projet d’éoliennes à Bel Coster du côté de Jougne.Au Sénat, je souhaiterais avoir également un débat sur les éoliennes

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