Journal C'est à dire 270 - Février 2021

P O L I T I Q U E

5 ANS DE MARIAGE POUR LA BOURGOGNE ET LA FRANCHE-COMTÉ

“On a eu à cœur de prendre le meilleur de chaque côté” Ayant “subi” comme toutes les autres régions, la fusion il y a tout juste cinq ans, et bientôt à l’heure du bilan, Marie-Guite Dufay défend les bienfaits de l’opération fusion. Il y a tout juste 5 ans, les anciennes Régions Bourgogne et Franche-Comté unissaient leurs destins au sein d’une seule et même collectivité territoriale. Poussive au démarrage, la fusion est désormais en marche. Tandis que la présidente de l’exécutif défend le bilan de l’opération, celle-ci suscite toujours auprès de ses opposants critiques et déceptions. De bonne guerre à quelques mois seulement des élections régionales. Interview

C’ est à dire : Cinq ans qua- siment jour pour jour après la fusion des anciennes Franche- omté et Bourgogne, jugez-vous cette opération réussie ? Marie-Guite Dufay : Je défends le bilan de cette opération, nous présen- terons d’ailleurs lors de notre séance publique de février un bilan exhaustif de notre stratégie de mandat. Je rappelle quand même que ce n’est pas moi qui ai eu l’idée de cette fusion des Régions et il a fallu tout de même préparer cette gigantesque opération. Sur les 300 poli- tiques et règlements d’intervention qui Territoire de Belfort, l’enjeu était d’ap- porter à tous une seule et même réponse. On a donc déjà passé deux ans à tra- vailler à l’harmonisation de ces politiques d’intervention. Si ça a été très difficile, je refuse d’entendre qu’on ait été dans l’impréparation totale. Nous avons jus- tement anticipé de six mois la fusion pour bien préparer les choses. Càd : La fusion était censée apporter des économies. Or, tout a été har- monisé vers le haut, notamment les régimes indemnitaires. Où sont les économies ? M.-G.D. : Les agents bourguignons ont en effet bénéficié du système indemni- taire des agents francs-comtois, qui était plus favorable. Aurait-on pu un instant imaginer le contraire ? Il était hors de question, et l’opposition ne peut pas dire le contraire, d’envisager une harmoni- sation vers le bas ! L’harmonisation s’est faite également sur nos politiques d’intervention. En matière de culture par exemple, on a harmonisé la Bourgogne sur la Franche- Comté. Pour les conservatoires de musique, on a baissé Dijon pour pouvoir étaient en vigueur en Franche-Comté comme en Bourgogne avant la fusion, il y en avait à peine 20 iden- tiques entre les deux Régions ! Le challenge était donc immense : qu’on soit de la Nièvre, de Doubs ou du

augmenter Besançon et Chalon-sur- Saône. Dans tous nos domaines d’inter- vention, on a eu à cœur de prendre le meilleur de chaque côté. Càd : La fusion a également été syno- nyme d’harmonisation fiscale, avec notamment l’alignement de l’impôt sur les cartes grises au détriment des Francs-Comtois… M.-G.D. : Cette harmonisation a été un choix politique que j’assume pleinement. La fiscalité, c’est aussi la solidarité par l’impôt. On aurait pu le faire progres- sivement, certes,mais ça aurait entraîné chaque année le même débat. Je rappelle c’est plus sur le débat autour de l’aug- mentation des indemnités des élus mais sur ce point, il me paraissait tout de même justifié de considérer qu’avec le nouveau territoire de la grande région, les élus verraient leur quantité de travail augmenter, ce qui est vrai. Ce que je regrette, c’est la dimension qu’a pris ce débat autour des indemnités alors que celles-ci représentent une part dérisoire du budget de la Région. Càd : Vous parlez de développement au bénéfice de la région. Quels ont été les apports concrets de cette fusion ? M.-G.D. : Nous avons mis en place des politiques contractuelles avec tous les territoires de cette grande région, urbains comme ruraux. Les grandes villes ont ainsi pu bénéficier de 160 mil- lions d’euros supplémentaires en pro- venance de la Région. Les contrats avec les territoires ruraux ont été abondés de 80 millions d’euros supplémentaires. Les contrats avec les bourgs-centres représentent quant à eux 30 millions d’euros. Tout cela aurait été impossible à l’échelle des anciennes Régions. À la qu’en Franche-Comté, nous étions une des régions avec le plus faible taux d’imposi- tion. En contrepartie, nous avons bénéficié de recettes pour faire du développement pour notre région. S’il y avait un regret à avoir,

fin du mandat, ce que certains redou- taient sur un supposé abandon des ter- ritoires s’est révélé tout à fait faux. Et la Franche-Comté n’a pas été abîmée par cette fusion, bien au contraire. Càd : L’opposition brandit également l’argument de “l’explosion des dépenses de fonctionnement.” Votre réponse sur ce point ? M.-G.D. : J’assume pleinement le fait de ne jamais avoir voulu baisser les dépenses en matière de formation, ni les dépenses concernant les T.E.R. avec une politique ambitieuse de conquête du public, ni les investissements dans les lycées par exemple, qui ont augmenté de 30 à 40 millions par rapport aux deux anciennes régions. Càd : Malgré tous ces efforts, notre région Bourgogne-Franche-Comté perd des habitants. Comment l’ex- pliquez-vous ? M.-G.D. : Le solde des emplois y est en effet négatif simplement parce que beau- coup de jeunes continuent à quitter la région, ce n’est pas nouveau, pour s’ins- taller dans les grandes métropoles pour leur travail. Nous héritons, c’est ainsi, d’une grande industrie historique qui aura perdu des emplois, mais, et c’est le plus important, qui est en train de se restructurer fortement.Mais la fusion n’a rien à voir dans cette question. Qu’est-ce qui ne s’est pas fait qui aurait pu se faire si on n’avait pas fusionné ? Rien. Càd : La collectivité territoriale paraît également plus éloignée aux yeux de ses habitants, la Région plus abstraite qu’avant ? M.-G.D. : Ceux qui affirment cela n’al- laient pas plus souvent au siège de la Région à Besançon quand tous les ser- vices y étaient installés. La Région a toujours été une collectivité un peu com- pliquée à appréhender par les citoyens parce qu’elle ne s’adresse pas à eux en direct, ce constat est directement lié à ses missions. La Région s’adresse aux entreprises, aux organismes de forma-

Marie-Guite Dufay se positionnera en mars sur un éventuel nouveau mandat (photo D. Cesbron).

“La Franche- Comté n’a pas été abîmée par cette fusion, au contraire.”

sot et Belfort n’auraient pu aussi vite trouver des synergies autour de l’hy- drogène. Sans la fusion, cette filière hydrogène aurait été bien plus longue à se mettre en place. Le constat est le même pour la transition numérique du territoire, qui n’aurait pas pu être aussi rapide sans la fusion. Càd : Côté ambiance, vous ne regret- tez pas l’époque où vous présidiez la seule Franche-Comté ? M.-G.D. : Ce n’est pas lamême ambiance en effet, avec une majorité qui était plus complexe, avec deux groupes à gérer,

tion, au milieu associatif, aux corps intermédiaires, aux autres collectivités locales.Auprès de tous ces interlocuteurs, je pense qu’on aura assez de mal à trou- ver un rejet massif de la Région. Càd : Le tourisme a-t-il gagné dans la fusion ? M.-G.D. : Honnêtement, de quoi parle- t-on le plus actuellement, c’est bien des Montagnes du Jura ! On ne peut pas dire que l’ancienne Franche-Comté y ait perdu en matière de promotion tou- ristique, au contraire. Le Comité régional du tourisme a été un des premiers orga-

nismes à fusionner. La dyna- mique touristique en Bour- gogne et en Franche-Comté est réelle depuis la fusion. Il y a une dynamique, et des échanges intra-régionaux. Càd : Et sur le plan écono- mique ?

les Verts et les socialistes, et qui créait une vraie dyna- mique.Avec la grande Région, il y a peut-être moins d’ému- lation au sein de la majorité. J’ai toujours regretté l’absence de la composante verte depuis 2015. Cela faisait du bien aux

“Ce n’est pas la même ambiance que du temps de la Franche- Comté.”

socialistes d’être challengés par lesVerts, et vice-versa.Avec la fusion, nous avons également hérité d’un groupe R.N. par- ticulièrement violent mais qui a eu l’avantage de souder notre camp. Càd : Serez-vous candidate à un nouveau mandat ? M.-G.D. : Je me positionnerai en mars sur cette question. n Propos recueillis par J.-F.H.

M.-G.D. : Le développement économique est LA grande compétence de la Région. Sur ce point, la fusion nous a justement donné des moyens supplémentaires pour les filières et la recherche. Si on n’avait pas fusionné, jamais on aurait pu enga- ger le projet I-Site pour l’Université. Jamais les pôles automobiles du Nord Franche-Comté et duNivernais auraient pu aussi bien collaborer, jamais Le Creu-

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