Journal C'est à dire 268 - Décembre 2020

D O S S I E R

Les confinements et leurs conséquences psychologiques Crise sanitaire Le confinement de mars et peut-être plus encore celui de novembre ont contribué à augmenter les pathologies d’ordre psychologique ou psychiatrique. Le point avec le P r Sylvie Nezelof, chef du pôle des liaisons médico socio-psychologiques au C.H.U.

d’habitude, ce qui a pu provo- quer des moments de tension importants, voire de violences conjugales, qui sont en augmen- tation cette année.” Sans compter la peur du virus, pour soi et pour les autres, “qui a aussi ébranlé tout un chacun, et pas seulement les personnes qui avaient déjà une pathologie. Ces confinements ont pu exacerber aussi ceux qui avaient déjà des vulnérabilités” ajoute la spécia- liste. Les services psychiatriques du C.H.U., adulte autant qu’enfant, ont d’ailleurs reçu plus de patients venant pour la pre- mière fois que les années pré- cédentes. Cette question sensi-

S i les deux périodes de confinement successives imposées cette année ont eu des conséquences positives sur certaines per- sonnes - se recentrer sur l’es- sentiel, prendre son temps,

Sylvie Nezelof, professeure de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et chef du pôle des liaisons médico socio-psycholo- giques au C.H.U. Minjoz de Besançon. Des familles se sont retrouvées “collées” plus que

retrouver les joies de la famille… -, les conséquences négatives d’ordre psychologique seront sans doute nombreuses. “Il est évident que ces confine- ments ont provoqué un certain nombre d’ébranlements confirme

Sylvie Nezelof, professeure de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, souligne une augmentation des cas d’anorexie chez les ados.

ble concerne notamment les plus jeunes, coupés de leurs relations sociales, de leurs clubs sportifs ou de leurs camarades de classe. Si bien qu’on a eu l’impression, “à confirmer avec le recul, que les tentatives de suicide des jeunes ont été en aug- mentation” note Sylvie Nezelof. Les spécialistes de la psychiatrie adolescente ont vu également augmenter les troubles du com- portement alimentaire pendant ces deux périodes de confine- ment. “Nous le constatons ici,

du fait de ce changement de rythme inédit, “perdent leur équilibre, ne sont plus en état psychique pour faire face au quotidien, se désorganisent sur le plan professionnel.” Ce deuxième confinement, contrai- rement au premier s’est accom- pagné d’un sentiment de lassi- tude. “On a senti une plus grande morosité, contrairement à la première vague où prédo- minaient la surprise, la sidéra- tion, et également la solidarité.” Les plus jeunes comme les étu-

diants, ainsi que les plus âgés, ont particu- lièrement été sensibles cette fois-ci car “ils sont dans deux tranches de vie où les années sont précieuses, et on a l’im- pression qu’elles sont un peu gâchées.”

et ce phénomène d’ano- rexie chez les jeunes se confirme à l’échelle nationale” précise la cheffe de pôle qui pour- suit : “Certaines frus- trations liées à la pra- tique empêchée du sport, ajoutées au confinement

“Une plus grande morosité pour cette deuxième vague.”

Il y a enfin “tous ceux qu’on n’a pas encore vus et qu’on verra sans doute plus tard. En cette matière, la temporalité est longue et on saura les effets précis de ces confinements d’ici deux ou trois ans” estime Sylvie Neze- lof. Malgré ces constats, ces confi- nements auront sans doute aussi permis de tirer du positif. “Il y a du positif, comme dans toute expérience qui ébranle. Dans ce contexte, chacun a pu découvrir l’intérêt de prendre son temps, d’exploiter égale- ment ses forces d’une autre manière” conclut la spécialiste. Cette année hors du commun fait déjà l’objet de plusieurs sujets d’études chez les spé- cialistes de la psychiatrie au plan national. n J.-F.H.

familial, à la proximité avec les autres membres de la famille, tout cela a pesé chez certains adolescents.” Pour tenter de contrer ce phénomène, les ser- vices de santé de la région ont essayé de faire passer certains messages à travers notamment de petits tutoriels destinés à faire comprendre toute la néces- sité de maintenir le rituel des repas en famille par exemple, “de scander le temps, se fixer des repères temporels dans les journées pour réintroduire du rythme au quotidien, de préser- ver des temps communs mais aussi des temps individuels… ” ajoute la pédo-psychiatre. Les urgences psychiatriques ont vu arriver également des patients directement. Des per- sonnes touchées par un phéno- mène de “décompensation” qui,

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