Journal C'est à dire 268 - Décembre 2020

D O S S I E R

Les clients ont joué le jeu de la proximité Morteau

Pour ce mois de décembre, JouéClub est ouvert de 9 heures à 19 heures en non-stop afin de gérer au mieux les flux, avec la mise en place d’un nouveau sens de circulation afin que les clients ne puissent se croiser et ce, même si le magasin s’étale sur 800 m 2 . L’inquiétude aujourd’hui pour les magasins de jouets, c’est le risque de rupture sur certains produits. “Pendant le confinement, certaines chaînes de fabrication et de distribution pour la France se sont arrêtées, si bien qu’on risque des pénuries sur certains articles. Pour les Lego notamment, c’est assez compliqué” tempère Lydia Journot. Pour le magasin JouéClub de Morteau, décembre représente plus de 30 % du chiffre d’affaires global. La réouverture des commerces dits “non essentiels” est donc une bouée de sauvetage indis- pensable à la pérennité de cette enseigne présente à Morteau depuis plus de quinze ans et qui reste la der- nière enseigne spécialisée dans les jouets de toute le Haut-Doubs Horlo- ger. n J.-F.H.

Le magasin JouéClub de Morteau a joué à fond la carte du drive et des pré-commandes, avant de pouvoir basculer enfin dans le rush d’avant Noël pour essayer de compenser une partie des pertes de l’automne.

A vant la réouverture déjà, il y avait des paquets-cadeaux dans tous les coins du maga- sin, préparés par l’équipe des sept salariés de JouéClub à Morteau. Ici, dès le reconfinement du 29 octobre, les commandes se sont multipliées, par mail, par téléphone, ou au drive piéton qui était installé à l’entrée du magasin. “Nous avions des commandes du matin au soir” note la patronne Lydia Journot. “Dès le mois d’octobre, les gens sentaient qu’il allait y avoir un second confinement, ils avaient déjà anticipé en venant au magasin. Et en novembre, nous avons eu énormément de commandes à préparer. Seulement, cette façon de travailler nous prenait

deux fois plus de temps, si bien que le résultat ne sera pas si bon que cela pour novembre. Mais on ne se plaint pas pour autant et on tient vraiment à remercier tous nos clients qui ont joué le jeu avec nous, ainsi que les élus locaux, Cédric Bôle et Annie Genevard notamment qui ont vraiment relayé nos préoccupations dans toutes leurs interventions” ajoute-t-elle. Certains clients qui avaient pris la (mauvaise) habitude de commander sur Amazon ont appris pendant ce dernier confi- nement à commander sur le site du magasin mortuacien et “on espère donc que tout cela a fait réfléchir les gens sur l’importance de nos commerces de proximité.”

Lydia Journot et une - petite - partie des cadeaux pré-commandés par les clients.

“Jouer, c’est une activité essentielle !” Le marché du jouet

Propriétaire de trois magasins JouéClub à Pontarlier et Champagnole, Jacques Baudoz est aussi président de cette enseigne qui compte 300 magasins en France. Entretien.

essentiels ? J.B. : Inutile de vous dire qu’ils étaient très en colère. Beaucoup avaient envie d’ouvrir aumépris des interdictions. Je suis là pour les rassurer. On a rapidement mis en place une cellule de crise pour définir un plan d’action en mettant par exemple l’accent sur le Click and Collect. Il s’agit avant tout de se rapprocher des clients avec plus d’actions de communication. Càd : La part de la clientèle suisse dans les commerces locaux varie entre 10 et 30 % selon les secteurs. Qu’en est- il chez JouéClub ? J.B. : Elle avoisine plutôt 10 % et on ne les a pratiquement pas vus depuis septembre. Càd : Comment le secteur du jouet a réagi au premier confinement ? J.B. : On était reparti sur une bonne dynamiquemais le second coup d’arrêt fait craindre le pire pour certains magasins implan- tés au centre-ville. Je suis très inquiet sur l’avenir de notre boutique de la rue de la Répu- blique. Càd : Vous semblez douter de l’intérêt sanitaire du confi- nement ? J.B. : Non, mais c’est impossible de corréler la courbe des cas positifs à l’ouverture des com- merces. D’autres pays en Europe ont été plus souples que nous comme en Italie, Allemagne, Espagne. On remet en cause la notion de commerce essentiel quand on sait qu’il suffit d’avoir un petit rayon de produits de première nécessité pour rester ouvert.Tous les commerces avec une notion de saisonnalité ne sont pas logés à la même enseigne. Je ne vois pas pourquoi

C’ est à dire : Quelle avait été votre réaction à l’an- nonce des mesures évoquées par le 1 er ministre concernant lemain- tien de la fermeture des com- merces dits “non essentiels” ? Jacques Baudoz : D’abord un sentiment d’incompréhension car le gouvernement n’a sem- ble-t-il pas entendu les mesures que l’on pouvait mettre en place. L’enseigne JouéClub fait partie de la Fédération des Commerces, des Jouets et des produits de l’Enfance où je suis administra- teur. On a beaucoup travaillé sur les mesures de renforcement du protocole sanitaire avec la volonté de faire porter notre voix pour défendre notre coopé- ration et tous les autres com- merces de proximité plutôt que de parler de petits commerces qui me semble être une formu- lation trop péjorative. Càd : Que représente la fin d’année sur le marché du jouet ? J.B. : C’est près de 60 % du chif- fre d’affaires réalisé en deux mois avec 25 millions de clients et 75 millions de cadeaux. Cette année, on n’aura plus que 25 à 30 jours pour vendre ce que l’on commercialise habituellement en deuxmois. On réduit la saison de moitié. La question est de savoir si tous les enfants auront un jouet à Noël. On prépare tou- jours Noël avec un an d’avance et on essaie actuellement de trouver des solutions. Càd : Qu’avez-vous proposé au gouvernement pour les convaincre d’ouvrir le plus

tôt possible ? J.B. : On fonctionne bien sûr en mode Click and Collect. On a décidé de réduire par deux la jauge imposée le gouvernement avec une personne pour 10 m 2 de surface de magasin. On est aussi prêt à augmenter les plages horaires pour éviter des flux trop concentrés. Tout cela vient ren- forcer le protocole de base inté- grant les gestes barrières : port du masque, sens de circulation, gel hydroalcoolique, cloison en plexiglas… Je pense que l’on n’aura jamais de souci si on respecte ces règles en sachant qu’il faudra sans doute les mainte- nir jusqu’à la fin de la pandémie. On est hyper pro. Càd : Vous parlez d’incom- préhension vis-à-vis des déci- sions du gouvernement. Com- ment cela se manifeste ? J.B. : On sent poindre une vraie colère qui monte chez tous les commerçants. En plus des actions portées par nos fédéra- tions respectives, on a sollicité le soutien des élus et des députés locaux. Ils sont proches de leurs administrés et comprennent bien les problématiques. Càd : L’année 2020 restera très compliquée ? J.B. : On a déjà eu du mal à se remettre du premier confine- ment et je n’imagine pas les dégâts si le second s’était pro- longé jusqu’à Noël. Les enjeux sont énormes dans notre secteur d’activité. À l’échelle nationale, cela représente un stock d’1 mil- liard de jouets prêts à vendre. Une enseigne comme JouéClub regroupe 300 magasins, 2 500

salariés avec 1 000 saisonniers en novembre-décembre. Sur Pon- tarlier, on recrute habituelle- ment entre trois et quatre sai- sonniers qui ont été mis au chômage partiel en novembre. Càd : La proximité reste essentielle dans votre métier ? J.B. : De mon point de vue oui. On est là pour aider les clients, les conseiller. On a aménagé des corners d’accueil à l’intérieur des magasins JouéClub où les enfants et aux parents. L’im- portant, c’est qu’ils se sentent bien chez nous. La proximité est aussi synonyme de fidélité. Certaines familles viennent chez nous depuis trois générations. En période de confinement, on assurait un accueil téléphonique pour les rassurer, les guider. Càd : Quelle part d’activité représentait chez vous le Click and Collect ? J.B. : Je dirais entre 10 et 20 %. Càd : Vous n’avez pas eu de problème d’approvisionne- ment ? J.B. : Non car on est sur unmar- ché d’anticipation où les livrai- sons commencent dès lami-août pour avoir sous la main 90 % du stock sur place. On réappro- visionne les 10 % restants au fil du mois de décembre. Càd : Comment les adhérents de l’enseigne ont perçu la fer- meture des commerces non familles ont la possibi- lité de tester les nou- veautés. On a eu de très bons retours. On est là pour donner envie aux

“On réduit la saison de moitié.”

“En période de confinement, que restait-il aux enfants sinon la possibilité de jouer ?”, argumente Jacques Baudoz vraiment déçu de l’obligation de fermeture imposée aux commerces de proximité pendant le second confinement.

ventes. On a encore une belle marge de manœuvre. Càd : Le confinement a-t-il impacté la dynamique du groupe JouéClub ? J.B. : Oui, on est passé de 10 à 15 ouvertures ou extensions par an à cinq ou six en 2020. Joué- Club est une coopérative avec des adhérents indépendants. C’est le modèle le plus flexible et le mieux armé pour réagir en temps de crise. Chaque magasin a la liberté d’adapter son offre en fonction de son environne- ment. On aura plus de jouets en bois à Pontarlier qu’en Bre- tagne où l’on propose a contrario plus de jouets en lien avec la mer. n Propos recueillis par F.C.

il faudrait fermer les magasins de jouets avant Noël alors qu’on laissait ouvertes les jardineries au printemps. Comme on fait son jardin, on doit pouvoir faire ses cadeaux. Est-ce que jouer n’est pas une activité essentielle quand on ne peut plus sortir ? Se priver de jouets peut aussi être une source de désarroi. Càd : Avec une jauge d’une personne pour 10 m 2 , vous risquez de perdre en renta- bilité ? J.B. : C’est toujours mieux qu’une fermeture complète. Càd : Craignez-vous la concurrence digitale ? J.B. : Dans notre métier, le com- merce physique, c’est 77 % des

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