Journal C'est à dire 266 - Octobre 2020

D O S S I E R

Les dégâts de sangliers en net recul Indemnisation

La volonté de réduire la population de sangliers en augmentant de façon significative le prélèvement porte ses fruits, d’autant plus que cette année la sécheresse et la fructification forestière limitent aussi les dégâts sur les cultures et prairies.

et la complexité de la procédure qui rebutent l’agriculteur à demander répa- ration. Sur ces points, on réclame une simplification” , poursuit l’agriculteur qui est aussi chasseur. Sujet de débat voire de conflit, la ques- tion de l’agrainage suscite beaucoup de réactions. La pratique est pourtant très encadrée. “Tous les lieux d’agrai- nage doivent être cartographiés. Si l’agrainage à la volée est autorisé, l’agrai- nage à poste fixe fait l’objet d’autorisa- tions” , rappelle Pierre Feuvrier, le pré-

P lutôt rare dans le Haut-Doubs dans les années 60-70, le san- glier s’est peu à peu installé sur l’ensemble du départe- ment. Plusieurs raisons à cette expan- sion. D’abord le changement climatique lui permettant de mieux résister aux frimas duHaut-Doubs. Guy Scalabrino, agriculteur aux Pontets et responsable L’impact du cerf Le cerf qui colonise lui aussi le Haut- Doubs, notamment sur le secteur de Chaux-Neuve, peut occasionner des dégâts agricoles mais surtout forestiers. “Il peut entrer en concurrence avec les génisses d’alpage. C’est aussi un porteur potentiel de la brucellose” , indique Guy Scalabrino. Son impact forestier est plus important avec l’abrou- tissage et le prélèvement des écorces de résineux. “Les dégâts forestiers ne sont pas indemnisés en France.” 71 attributions ont été accordées sur l’unité cynégétique du Mont d’Or. “Chaque année, on en rajoute une dizaine mais la réalisation est inférieure à la moyenne départementale, cela signifie aussi qu’il n’y a pas tant de cerfs qui cela. Et n’oublions par le retour du loup sur ce secteur” , annonce Pierre Feuvrier. n

de la commission chasse et faune à la F.D.S.E.A. y voit aussi un changement des habitudes des chasseurs locaux qui ont fini par délaisser le lièvre et les oiseaux au profit du sanglier. “Le réchauffement climatique a favorisé une explosion des populations. Dans le

sident de la Fédération départementale de la chasse en rappelant que tous les excès sont verbalisés. L’agrainage à poste fixe reste assez limité

Haut-Doubs, on déplore essen- tiellement des dégâts sur prai- rie. On peut difficilement s’en prémunir. Cela se traduit par des pertes de récolte et des frais

640 000 euros de dégâts en 2017-2018.

“C’est primordial de maintenir le dialogue entre les chasseurs et les agriculteurs”, affirme Guy Scalabrino.

puisqu’il concerne seulement 30 % des 540 A.C.C.A. du Doubs. “On n’est pas contre l’agrainage dissuasif qui vise à maintenir les bêtes en forêt mais on dénonce la pratique excessive du nour-

de remise en état, sans compter que ces dégâts encouragent aussi le retour des chardons et du rhumex qui ne sont pas pris en compte dans l’indemnisation. Il y a aussi le problème des franchises

actions complètent cette stratégie : l’agrainage dissuasif et les tirs d’été. “Le sanglier est géré par unité de gestion cynégétique qui recouvre entre 10 et 15 communes.On amis en place une cellule de veille dans chacune d’elles. Elle est composée de trois agriculteurs et de trois chasseurs. Ils sont là pour anticiper les problèmes et agir le plus tôt possible” , complète Guy Scalabrino en estimant qu’il est primordial de préserver le dia- logue entre les chasseurs et les agri- culteurs. Facteur de résilience, la sécheresse en rendant les sols très secs limite aussi les retournements de prairie comme c’est le cas cette année. À cela s’ajoute l’effet concomitant d’une très belle fruc- tification, notamment des glands. “Du 1 er juillet au 15 août, on a ouvert 21 dossiers d’indemnisation dans le Doubs contre 109 sur lamême période en 2019 qui était déjà en baisse” , confirme, chif- fres à l’appui le directeur de la F.D.S.E.A. du Doubs. n nom de France Nature Environnement en tant que représentant des associations de protection de la nature. Pour les besoins de cette étude, le renard sera intégralement protégé dans 30 com- munes du département. À ceux qui pour- raient lui reprocher d’avoir ainsi pactisé avec les chasseurs, il répond. “ Après deux années de mobilisation, le renard n’est plus nuisible sur un tiers du dépar- tement et intégralement protégé sur 30 communes.” Qui dit mieux ? n

rissage.Heureusement, cela tend à dimi- nuer” , rappelle Guy Scalabrino. Avec le temps sec et de plus en plus chaud l’été, les sangliers n’ont cessé de prendre de l’altitude pour trouver finalement matière à s’épanouir dans les alpages : source de nourriture et de quiétude. Dans ces circonstances, les dégâts sur milieu agricole n’ont fait qu’augmenter pour plafonner à 640 000 euros en 2017-2018 dans le Doubs. Un record et un budget d’in- demnisation qui s’envole pour les chas- seurs contraints de régler l’addition. Une forte régulation s’imposait. Décision a été donc prise d’augmenter le prélèvement. “Il varie d’une année sur l’autre entre 2 000 et 4 000. Pour gagner en efficacité, on est monté jusqu’à 5 000 bracelets” souligne Pierre Feu- vrier. En 2019-2020, le montant des dégâts chute à 240 000 euros. Le volet qualitatif a été mis de côté avec un bra- celet générique sans distinction du sexe et de l’âge du sanglier. D’autres P endant deux ans, le collectif Renard Doubs a milité activement pour le retrait du renard de la liste des nui- sibles dans le Doubs. “On a battu la cam- pagne de façon très intense avec des dizaines de conférences dans le Doubs. Les arguments étaient basés sur des études scientifiques mettant en avant le rôle du renard dans la limitation des popu- lations de rongeurs, le caractère contre- productif de sa destruction dans la lutte contre certaines maladies comme l’échi- nococcose alvéolaire et la présentation de moyens de se protéger des éventuels dégâts causés par goupil dans les pou- laillers. Notre démarche a été relayée par plus de 1 600 lettres au préfet lui demandant aussi de retirer le renard de la liste des nuisibles” , résume Didier Pépin, le porte-parole du collectif. La mobilisation a payé. Résultat : selon un arrêté préfectoral en vigueur depuis novembre dernier, le renard n’est pas considéré comme un animal nuisible sur 117 communes, soit 30 % de la surface du département. “C’est plutôt sur le Haut- Doubs au cœur de la zone comté” , situe Didier Pépin qui militait pour un déclas- sement sur l’ensemble du département. Le porte-parole du collectif est aussi impliqué dans l’étude C.A.R.E.L.I. au

Les sols très secs empêchent le sanglier de retourner les prairies.

La prédation du renard à la loupe scientifique Faune

Le renard le plus protégé de France

nées et sur des étendues très larges incluant chacune une population de renards suffi- sante” , peut-on lire sur le site de la Zone d’Activité Arc Jurassien (Z.A.A.J.) qui a pour vocation des recherches interdisciplinaires à long terme sur l’environnement et les éco-systèmes. Deux zones d’observation ont donc été définies autour de Valdahon-Vercel et du Val de Mouthe. Chaque zone est elle-même subdivisée en deux avec une sous-zone “renard protégé de fait et une autre “renard csod” (chassable et susceptible d’oc- casionner des dégâts). Des

de C.A.R.E.L.I. Dans un pre- mier temps, il s’agit de com- parer les effets d’une diffé- rence de statut sur les populations de campagnols, de lièvres et d’autres espèces d’oiseaux nicheuses au sol par exemple.À cela s’ajoutent la contamination du milieu par l’échinocoque alvéolaire et les dégâts dans les pou- laillers. dans la durée, en l’occurrence 10 ans. “Le campagnol ter- restre est une source impor- tante de nourriture pour les carnivores dans le Haut- Doubs. Ses cycles démogra- phiques étant de 5-6 ans, il est indispensable que l’étude puisse se poursuivre sur plus d’un cycle, c’est-à-dire au minimum une dizaine d’an- La force de cette étude repose une méthodologie rigou- reuse et très scien- tifique qui s’inscrit

Agriculteurs, chasseurs, naturalistes et chercheurs ont convenu de l’intérêt d’engager une étude sur 10 ans permettant de comparer l’impact du renard sur son milieu selon qu’il soit protégé ou chassable et inscrit dans la liste des nuisibles.

F aut-il s’en féliciter ou pas, toujours est- il qu’une telle étude est unique en rance. Faisant fi des débats idéologiques qui les opposent habituellement, chasseurs, agriculteurs et naturalistes du Doubs réunis au sein de la Commission départemen- tale de la chasse et de la faune sauvage acceptent de travail- ler ensemble dans un dispo- sitif de recherche-action bap- tisé C.A.R.E.L.I. (pour CAmpagnol REnard LIèvre) qui servira de référence à la mise en place d’une gestion adaptative du renard. Le caractère unique de cette

initiative repose en grande partie sur le fait que l’espace agricole du Doubs, notam- ment le terroir du comté, subit depuis des décennies des cycles de prolifération de campagnols sans jamais par- venir à s’en débarrasser. Or le principal prédateur naturel du campagnol est le renard qui devient du coup le pré- cieux allié de l’agriculteur. Dédaigne-t-il pour autant de croquer une nichée d’oisillons ou une portée de levrauts comme semble s’en plaindre le monde de la chasse ? Un concurrent en quelque sorte. Faut-il ou pas protéger le renard ? C’est l’objet même

suivis seront réali- sés pendant 10 ans dans chaque sous- zone : comptages nocturnes, diurnes, suivi des dégâts

Une méthodologie très scientifique.

causés par le renard, suivi de l’échinococcose alvéolaire, suivi socio-anthropologique… Une grande partie du pro- gramme C.A.R.E.L.I. est auto-financée par les orga- nismes qui l’ont mis en place même s’il reste encore des aides complémentaires à trouver. n F.C.

Le renard n’est plus classé nuisible sur un tiers du département (photo D. Pépin).

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