Journal C'est à dire 263 - Juin 2020
D O S S I E R
“Si aucune mesure n’était prise, on n’existait plus” Le restaurateur de l’Auberge de la Roche à Morteau est le président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie dans le Doubs. Les deux mois et demi écoulés ont été terribles pour la profession, heureusement soutenue par les pouvoirs publics. Interview.
Philippe Feuvrier : Depuis le début de cette crise, j’avais souhaité faire prendre conscience aux autorités que tous ces établissements étaient alors dans une situation absolument catastrophique. Une grande partie de nos sala- riés étaient en chômage technique, notre activité a été réduite à néant du jour au lendemain et surtout, nous n’avions aucune perspective. Si aucune mesure n’était prise, on n’existait plus. Càd : Les autorités vous ont-elles entendu ? P.F. : Elles nous vraiment écoutés et ont
risquait d’assister à la fin de la restauration de campagne de qualité en France. Càd : Vous semblez donc soulagé. Cela signifie-t-il que l’activité est sauvée pour tous les restaurateurs et hôteliers que vous représentez ? P.F. : Sans doute pas, car il reste des cas par- ticuliers d’établissements qui avant même le confinement étaient déjà fragiles, avec un manque flagrant de trésorerie. Pour certains d’entre eux, il va être difficile de se relever. C’est aussi pour tous ces établissements fragiles
compris notre situation. Je dois recon- naître que la mobilisation des services de l’État et de la Région ici dans le Doubs, avec la préfecture en première ligne et la Banque de France, a vrai- ment été à la hauteur. C’est enfin une manière de reconnaître que l’entreprise
qui ne rentraient pas forcément dans les cases des aides, que nous nous sommes battus et pour qui nous avons cherché des solutions au cas par cas. Seront-elles suffisantes ? Sans doute pas pour tous.
“Que les charges de juin soient reportées.”
Càd : Comment s’annonce le redémar- rage ? P.F. : Il va forcément être difficile car certains établissements, au lieu de pouvoir faire 60 cou- verts ne pourront en faire plus qualement que les charges de juin soient, non pas annulées, mais au moins reportées pour que tous ces pro-
privée est une part vitale de l’économie de ce pays. Le plan d’aide à la restauration, avec les prêts garantis par l’État, l’annulation des charges de mi-mars à fin mai, la prolongation du chômage partiel jusqu’en septembre…Toutes ces mesures étaient essentielles à la survie de nos établissements. Sans cela, j’affirmais qu’on
C’ est à dire : Depuis deux mois et demi, vous avez multiplié les réunions et les interventions pour défendre les adhérents de
l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie du Doubs que vous présidez. La situation est-elle toujours aussi cri- tique ?
RESTAURATION
Les Combes-Remonot Privée de saison des grenouilles, Annie garde le moral
Début de saison trop calme à l’hôtel Taillard Goumois
L es années se suivent et ne se ressemblent pas à l’hôtel Taillard. La saison 2019 débutait sous le signe de la transmission avec la reprise de cette belle affaire par Maxime Robert qui travaillait déjà ici depuis 2014. Ce cuisinier de formation se retrouvait alors à la tête d’un hôtel de 18 cham- bres et d’un restaurant pouvant accueillir 50 personnes en salle et 30 en terrasse. “On ouvre de mars à début novembre” , explique celui qui emploie quatorze salariés. Le restaurateur se montre satisfait de son premier exercice favorisé par unemétéo clémente.De quoi fidéliser une clientèle assez diversifiée dans ses provenances et ses activités.Qu’on soit Français,Belge,Allemand,Suisse, on vient parfois de très loin goûter aux charmes de la petite cité franco- suisse. Certains font le déplacement pour taquiner la truite sur le célèbre parcours de pêche,d’autres apprécient les circuits pédestres ou les sorties V.T.T. “On accueille pas mal de ran- donneurs qui font une pause à Gou- mois, le village étant situé sur le par- cours la Grande Traversée du Jura” , poursuitMaxime Robert bien disposé à confirmer ce premier bilan pro- metteur. À peine ouvert le 14 mars dernier qu’il devait fermer boutique le soir même, ce qui le contraignait ensuite à mettre ton son personnel en chômage partiel. Difficile aujourd’hui de se projeter. “On ne sait pas quand on pourra rouvrir et surtout dans quelles conditions. Faute d’informations précises, on évalue La réouverture printanière de cet établissement aura duré une petite journée avant que le confinement ne réduise au silence toute l’hôtellerie-res- tauration française. Vivement la reprise.
pas dans la situation d’une personne qui débuterait dans le métier avec de gros emprunts sur le dos” , reconnaît la restaura- trice qui voit aussi dans le confinement matière à gagner en autonomie. Jardinage, cuisine, de quoi réapprendre à mieux prendre soin de soi. “Dans ma vie professionnelle, j’ai connu des hauts et des bas. Bien sûr il ne faudrait pas que cette fermeture imposée dure encore 3 ou 4 mois. Aujourd’hui, je cherche à vendre mon fonds de commerce. J’ai déjà eu quelques contacts. Ce restaurant a toujours un gros potentiel qui ne demande qu’à se développer” , estime la future retraitée bien consciente de la qualité de son empla- cement et du pouvoir d’attractivité de la grotte. Bonne nouvelle, cette dernière est de nouveau accessible au public. “Elle rouvre de temps en temps.” Et Johnny dans tout ça ? Un souvenir épique et mémorable qui a failli tourner au vinaigre. “Quand on est arrivé à Saint-Martin, on nous a dit que la croisière à Saint-Barthélémy était annulée. Avec un petit groupe d’amis, on a pris un taxi jusqu’à l’aéroport pour fina- lement trouver un vol jusqu’à destination.” Au-delà de l’émotion, Annie avait aussi emporté avec elle un peu d’eau et un caillou de la grotte qu’elle a laissé sur une tombe abondamment décorée. “Cela m’a fait penser à ses chansons…” Souvenirs, souvenirs... n
A près 46 ans d’activité, elle s’était offert une croisière de 10 jours aux Antilles avec l’objectif d’aller se recueillir sur la tombe de Johnny, son idole enterrée sur l’île de Saint-Barthélémy. “J’étais de retour le 15 mars, le jour où le président a annoncé la fermeture des restaurants jusqu’à la fin du confinement. Comme je fais uniquement des grenouilles fraîches, je n’avais pas de stock, ni de facture à régler auprès des four- nisseurs. Sur ce point-là, je n’ai pas été trop perturbée” , annonce Annie Pichot. Pour autant, la saison des grenouilles au restaurant de la Grotte, c’est quelque chose. “Je fais 50 % du chiffre d’affaires en deux mois.” De quoi déstabiliser tout chef d’en- treprise qui se verrait contraint d’attendre une année pour se refaire une santé. Sauf que pour Annie Pichot, la fin d’une belle aventure se précise. “Je suis en fin de parcours et en mesure de supporter les charges qui continuent à tomber. Pour autant, je ne suis Même si le confinement lui fait perdre 50%de son chiffre annuel, Annie Pichot conserve sa bonne humeur légendaire sachant aussi qu’elle a mis en vente son fonds de commerce à l’aube d’une retraite bien méritée.
Maxime Robert, le nouveau responsable, espère que la libre circula- tion des personnes sera rétablie avec la Suisse quand il rouvrira.
circulation des personnes soit rétablie avec la Suisse voisine quand l’éta- blissement rouvrira. Une attente légitime pour un établissement où les Suisses représentent entre 30 et 45 % de la clientèle, au restaurant comme à l’hôtel. Difficile aujourd’hui d’annoncer une date de reprise, plus compliqué encore de savoir si les consommateurs seront au rendez- vous. Le restaurateur de Goumois espère au moins que le beau temps sera de la partie. “On attend nos clients avec impatience.” n F.C.
mal l’impact des consignes sanitaires sur nos capacités d’accueil. On espère que le gouvernement va nous suivre avec des gestes d’accompagnement sur le plandes charges,oude laT.V.A.” poursuit le restaurateur qui n’a pas essayé de maintenir l’hôtel ouvert, ni de jouer la carte des plats à empor- ter. L’isolement de Goumois tant apprécié des vacanciers s’avère aussi un handicap en situation de confi- nement. L’hôtel Taillard n’est pas un cas unique. “On est tous logé à la même enseigne” , se console Maxime Robert qui voudrait bien que la libre
“Aujourd’hui, je cherche à vendre mon fonds de commerce”, indique Annie Pichot à l’aube d’une retraite bien méritée (photo archive Càd).
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