Journal C'est à dire 226 - Novembre 2016

S O C I É T É

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L’archevêque de Besançon “Les immigrés sont une richesse pour la France” Jean-Luc Bouilleret, l’archevêque de Besan- çon, aborde deux sujets “chauds” de l’actualité : la pédophilie dans l’Église et la question sen- sible des migrants. Réaction.

Monseigneur Jean-Luc Bouilleret a souhaité relayer forte- ment dans son diocèse l’appel lancé par le Pape François en 2015 au sujet de l’accueil. (photo A.-L. David).

C’ est à dire : Vous étiez début novembre à Lourdes pour la conférence annuelle des évêques de France où le thè- me de la pédophilie consti- tuait un des sujets majeurs. Le problème est tel qu’il méri- tait toute une semaine de dis- cussions ? Jean-Luc Bouilleret : Ces moments de réflexion, articulés autour de la pénitence, du jeû- ne et de la prière ont été très forts pour nous tous. Car nous n’avions sans doute pas mesu- ré suffisamment l’importance d’écouter les victimes, mêmes quand des faits datent de plu- sieurs décennies. Depuis le début des années 2000 pourtant, un gros travail avait été engagé par la conférence des évêques de France mais la nécessité d’en- tendre les victimes n’avait pas été suffisamment prise en comp-

te. C’était un des objets des dis- cussions cette année. Je crois qu’on a réellement perçu la détresse des victimes quand elles ont été agressées et détruites à cause d’abus sexuels. Càd : Des mesures concrètes ont été décidées ? J.-L.B. : Oui, notamment la mise en place d’un dispositif d’accueil qui peut se déclencher dès qu’il y a la moindre alerte sur un cas et le renforcement des rapports avec l’autorité judiciaire. A été mise en route aussi une com- mission d’expertise indépen- dante basée à Paris destinée à conseiller les évêques dans l’éva- luation des situations litigieuses. Des progrès réels ont été faits pour qu’à l’avenir plus aucun cas ne reste sans réponse. Tout cela a fait ressurgir des souf- frances, souvent anciennes et toujours aussi difficiles à vivre

pour les victimes.

possession étaient très minces. La famille m’avait juste dit qu’il s’était peut-être passé quelque chose et je l’avais donc signa- lé. Aujourd’hui, ce prêtre a été réduit à l’état laïc, il n’est plus prêtre. Càd : L’Église est souvent montrée du doigt pour ces problèmes récurrents. Le mariage des prêtres, qui après tout sont des hommes comme les autres, n’est-il pas une des solutions ? J.-L.B. : J’assiste depuis que je suis à Besançon à la rentrée judi- ciaire du tribunal et je consta- te que la plupart des agressions de ce type se font au sein même des familles, avec des gens mariés. La question du maria- ge ou du célibat n’a donc à mon fractures psychologiques qui concernant indistinctement autant les personnes célibataires que les personnes mariées. Cer- tains agresseurs sont parfois aussi d’anciens agressés. Il y a aussi ces derniers temps l’in- fluence d’Internet qui contribue parfois à créer des situations douloureuses. Le mariage n’est certainement pas là pour pal- lier ce genre de problème et cet- te question du mariage des prêtres peut être discutée, mais en dehors de ces considérations. Le problème des agressions sexuelles est avant tout une question de comportement indi- viduel. Càd : L’Église est trop sou- vent montrée du doigt ? J.-L.B. : L’institution ecclésiale est toujours la plus attaquée sur ce sujet. Mais au fil des années et des décennies, on s’aperçoit aussi que les questions de pédo- philie ou d’agressions sexuelles concernent hélas toutes les grandes institutions : l’Éduca- tion nationale, le sport, etc. Dans l’Église, ce genre de faits est beaucoup plus souvent évoqué parce que l’impact médiatique est plus fort. Cela doit néan- sens que peu de rap- ports avec cette ques- tion sensible. Les agressions d’ordre sexuel proviennent la plupart du temps de

moins renforcer notre exigen- ce à l’exemplarité. Càd : Autre question sensible actuellement, celle de l’ac- cueil des migrants (voir l’en- cadré ci-dessous). Quel rôle doit jouer l’Église locale- ment ? J.-L.B. : Sur cette question, Les paroles de Jésus dans l’Évan- gile de Matthieu retentissent avec force : “Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger, j’avais soif, et vous m’avez don- né à boire, j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli, j’étais nu, et vous m’avez habillé, j’étais malade, et vous m’avez visité, j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !” C’est natu- rellement un devoir pour nous d’être impliqués sur cette ques- errant. Sur cette question, la Pastorale des migrants du dio- cèse de Besançon fait un travail formidable, depuis plusieurs années déjà et bien avant que cette question soit aussi pré- gnante en France. Càd : Comment organisez- vous l’accueil ? J.-L.B. : C’est en route depuis trois ans et depuis, une ving- taine de collectifs se sont mis en place sur le territoire. Le dio- cèse de Besançon a même embauché un salarié pour se consacrer à temps plein à cet- te question. Nous avons vrai- ment pris à bras-le-corps la ques- tion des migrants et il y a une très belle mobilisation de l’Égli- se locale, en lien avec les asso- ciations locales et les autorités préfectorales. Il y a une très bel- le mobilisation, qui ne fait pas de bruit, mais faire le bien ne fait pas de bruit… Càd : Que vous inspirent ces partis politiques qui veulent faire voter des motions contre l’accueil des migrants ou ces élus qui ne veulent pas de migrants sur leur territoire ? J.-L.B. : Ces attitudes me cho- tion. Notre fonde- ment à nous est dans la migration. Abraham, notre pre- mière référence, était un Chaldéen

quent. Il ne faut pas faire croi- re que la France accueille des centaines de milliers de migrants. Il y a eu beaucoup plus d’immigration dans d’autres périodes de notre histoire récen- te et j’estime, on le prouve en ce moment, que nos capacités d’ac- cueil sont encore possibles. Main- tenant, il est nécessaire de se poser la question de la maniè- re dont on les intègre dans la société française. Les études les plus sérieuses ont montré que les immigrés, par leur apport, ont toujours constitué une riches- se pour la France. Les acteurs politiques entretiennent la confu- sion autour de ces questions. Ce qui s’est passé récemment aux États-Unis avec l’élection de Donald Trump risque d’inter- peller encore plus autour de cet- te question. Je conçois que le monde de la responsabilité poli- tique est toujours un peu com- pliqué, mais pour nous, chré- tiens, les migrants sont nos frères en humanité. Càd : L’accueil doit-il être inconditionnel ? J.-L.B. : Bien sûr que non. Nous sommes là pour accueillir, mais aussi et surtout pour favoriser l’intégration, par des cours de français, des temps de frater- nité, etc. Nous ne sommes pas dans le discours, mais complè- tement dans l’action. Comme résumait le Pape François, les priorités sont d’accueillir, d’ac- compagner, de discerner, d’in- tégrer. Càd : Les fêtes de fin d’année approchent : avec de moins en moins de prêtres et de fidèles, l’Église est-elle vrai- ment en crise ? J.-L.B. : Je dirais plutôt que l’Église est en mutation. Il faut qu’on trouve, avec plus de laïques impliqués, le chemin du témoi- gnage. Que chaque chrétien ose dire sa foi, sans l’imposer, mais en proposant son témoignage. On est dans ce grand mouve- ment d’évangélisation. L’Église vit actuellement des change- ments fondamentaux, elle fait non pas sa révolution, mais sa mutation. n Propos recueillis par J.-F.H.

Càd : Vous avez été person- nellement confronté en tant qu’évêque, lorsque vous étiez à Amiens, à un cas de prêtre pédophile. La question vous touche particulièrement ? J.-L.B. : J’avais en effet vu le procureur de la République pour une telle affaire, alors même que les éléments que j’avais en ma

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