Journal C'est à dire 212 - Août 2015

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D O S S I E R

FRONTALIERS : LA FIN DES IDÉES REÇUES

Une grande enquête I.P.S.O.S. pilotée par le Crédit Agricole, en parte- nariat avec le Groupement Transfrontalier Européen vient démentir quelques a priori tenaces au sujet des travailleurs frontaliers. Pour son édition de la rentrée, le journal C’est à dire publie en quasi-intégralité les résultats de cette étude sociologique et économique. Chiffres, tableaux, analyses et commentaires dévoilent enfin le vrai visage des frontaliers. Observatoire La parole est aux frontaliers

Le Crédit Agricole a organisé la première édition de son “observatoire des frontaliers” dont il pré- sentait les résultats au début de l’été. On dit le fron- talier dépensier, endetté et sans relations sociales côté suisse : toutes ces certitudes sont erronées.

trations de cette ouverture crois- sante, c’est l’E.P.F.L., l’école d’ingénieurs de Lausanne qui est une des écoles les plus ouvertes au monde aux étudiants (et aux enseignants) étrangers. Le travailleur frontalier est aujourd’hui en majorité (62 %) un homme, âgé de 42 ans en moyenne et 45 % des frontaliers sont des C.S.P. +. Si le bassin genevois rassemble les compé- tences les plus pointues, la par- ticularité du travail frontalier en Franche-Comté est sa spé- cialisation dans l’horlogerie. Dans notre région, 48 % des fron- taliers travaillent dans la branche horlogère, soit près d’un frontalier sur deux. “Les fron- taliers francs-comtois n’ont pas forcément tous des diplômes, mais ils ont tous du métier” com- mente Élisabeth Eychenne, la directrice générale du Crédit Agricole Franche-Comté. Les déplacements sont devenus un des enjeux majeurs du tra- vail frontalier. D’après l’enquête, 49 % des frontaliers travaillent à plus de 20 minutes de leur domicile, 1/3 d’entre eux à plus de 45 minutes et même un sur dix à plus de 60 minutes. S’ils se disent prêts à 48 % à utiliser davantage les transports en com- mun, les solutions ne sont pas encore adéquates, notamment en Franche-Comté. “Les trans- ports sont devenus la problé- matique essentielle. Les temps de parcours ont doublé en dix ans. On dit que les frontaliers

C’ est dans un salon de l’hôtel de la Paix à Genève que le Crédit Agricole a livré le 30 juin dernier les enseignements de son tout premier “observa- toire des frontaliers”que la banque compte organiser tous les deux ans. Partant du constat que le nombre de travailleurs frontaliers sur l’Arc jurassien (deBâle à Genè- ve) est passé de 94 000 en 2004 à 150 000 fin 2014 (soit une haus- se de 60%en dix ans), cette popu- lation qui a la particularité de

énervants pour eux, car souvent injustifiés. “Cette étude tend déjà à montrer qu’il y a toutes sortes de frontaliers avec leurs préoc- cupations différentes” résume Pierre Fort, directeur général adjoint du Crédit Agricole des Savoie. “Cette étude a permis de renverser des vérités toutes faites” enchérit Michel Charrat, le pré- sident du Groupement Trans- frontalier Européen (G.T.E.), partenaire de l’étude. Une cho- se est sûre déjà : le recours au travail frontalier ne devrait que s’accentuer.

passer tous les jours la frontière pour se rendre à son travail est devenue un sujet d’étude à part entière et constitue pour les régions concernées, dont la Franche-Comté est au premier rang, un

“Les temps de parcours ont doublé en dix ans.”

“La Suisse est le pays au monde qui innove le plus et qui a la population acti- ve la plus mobilisée. De par son déficit démogra- phique de plus en plus fort, la Suisse se tourne

Catherine Galvez, directrice générale de Crédit Agricole Financements Suisse a coordonné l’étude.

véritable particularisme autant sociologique qu’économique. Pre- mière banque des frontaliers, le Crédit Agricole souhaitait par l’intermédiaire de cette enquête inédite réalisée auprès d’un échan- tillon d’unmillier de clientsmieux cerner les attentes et les habitudes de vie de ces derniers. Les frontaliers sont souvent affu- blés de stéréotypes qui leur col- lent à la peau, passablement

taliers étaient déjà propriétaires avant de venir travailler en Suis- se. 76 % le sont ensuite. “En effet, trois frontaliers sur quatre sont propriétaires et un locataire sur deux déclare vouloir acheter son logement dans les années à venir” confirme Pierre Fort. D’où le besoin criant de logements sur la bande frontalière, la Haut- Doubs mortuacien ou pontissa- lien étant un des exemples les

plus forts. La stabilité de l’emploi est un des autres enseignements de l’enquête. En effet, 92 % des fron- taliers ont un C.D.I. et 57 % d’entre eux travaillent en Suis- se depuis plus de dix ans. Par ailleurs, le marché du travail frontalier est ouvert à tous les niveaux de qualification. 32 %

naturellement vers l’étranger pour ses professions de pointe et de niche. Le seul futur pour la Suisse est de se tourner vers les autres pays pour recruter” ana- lyse Cédric Dupont, sociologue et enseignant à l’Université de Genève. Le nombre de frontaliers sans cesse en hausse depuis 2004 devrait encore s’accroître dans les années à venir. Une des illus-

ne prennent pas les transports en commun. C’est faux : dès qu’il y a un transport en commun effi- cace, ils s’en saisissent” confir- me Michel Charrat. Cette aug- mentation du trafic participe aussi, hélas, à l’augmentation constatée du sentiment anti- frontalier. Sur le plan du logement, l’étude a livré une information impor- tante. 22 % seulement des fron-

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des frontaliers dispo- sent d’un C.A.P. ou

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