Journal C'est à Dire 96 - Janvier 2005
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D O S S I E R
Investissement
SARL AMBULANCES MORTUACIENNES
La réussite de Kiplé tient aussi à une communication de masse audacieuse pour l’époque. L’entreprise achète des spots publici- taires à la télévision, s’affiche en grand sur les bords du Parc des Princes, et sponsorise l’Olympique Lyonnais. Une communication bien orchestrée
À loccasion des fêtes de fin dannée, Alain Hirchy, Éric Dubernat et len- semble du personnel des Ambulances Mortuaciennes vous présentent leurs meilleurs vux et vous remercient sincèrement pour la confiance que vous leurs avez accordées.
P our se démarquer de ses concurrents, Kiplé a investi très tôt dans la publicité. Pour imposer samarque, il faut bénéficier dune certaine notoriété. Cest dau- tant plus vrai que javais la pré- tention de vouloir vendre mes pro- duits plus cher complète Jacques Bouhelier. Campagne télé, spon- soring, lentreprise mortuacien- ne a donné sur tous les fronts. En 1970, son budget communi- cation est de 5 millions de francs. Kiplé, la montre qui plaît trou- ve sa place auprès des consom- mateurs. Et au début des années 80, la société vend 1 million de
se, confirmée sur le terrain par une imposante force de vente. Dans lhorlogerie française, Jacques Bouhelier fut un des pré- curseurs dune communication denvergure. Mais il avoue aujour- dhui que, compte tenu du coût actuel de la publicité à la télé- vision, il serait impossible à une société comme Kiplé de soffrir de telles campagnes. !
pas directement destinée à sen- sibiliser les consommateurs mais les distributeurs potentiels des montres Kiplé ajoute-t-il. Au média radio a succédé la télé- vision. Du son, Kiplé est passé à limage. Certains dentre vous se souviennent peut-être de cet- te pub où lon voyait un gardien de but en action avec sa montre Kiplé au poignet. Ce spot est dailleurs le point de départ dun nouveau style de communication pour Jacques Bouhelier. Jean- Claude Darmond qui venait de prendre en charge la régie publi- citaire du Parc des Princes a vu cette annonce à la télévision. Il
2, Place Carnot - 25500 MORTEAU Tél. 03 81 67 02 91
En 1970, le bud- get communica- tion de lentreprise Kiplé la montre qui plaîtest de 5 millions de francs. La marque est présente sur les stades en particu- lier au Parc des Princes à Paris.
montres à leffigie de la marque sur le marché français, dont 400 000 étaient assemblées à Morteau, le reste des produits étant directe- ment importé dExtrê- me Orient et prêts à la vente. À cet ensemble viennent sajouter la pro-
ma proposé dêtre pré- sent au bord du stade. Jai acheté un panneau de 10 mètres juste der- rière le but au Parc des Princes. Impossible pour chaque téléspectateur de passer à côté de len- seigne deMorteau. Puis Darmond a étoffé son
Pour imposer sa marque, il faut bénéficier dune certaine notoriété.
duction de 300 000 pendules et 400 000 réveils importés. Kiplé est incontournable. La marque saffiche dans les endroits populaires comme au bord des stades de foot. Cest à partir de 1968 que Jacques Bou- helier se tourne vers la commu- nication de masse et crée ainsi une image de marque. Jai com- mencé à faire de la publicité sur radio Luxembourg et sur R.M.C. Cétait une campagne en trompe lil, dans le sens ou elle nétait
champ daction et ma proposé de figurer en annonceur sur toutes les manifestations sportives quil couvrait. Résultat, le logo Kiplé a été présent sur un grand nombre de stades pendant plusieurs années. À la même époque, lentreprise engage 600 000 F par an pour être sponsor de lOlympique Lyon- nais et figurer sur les maillots du club. La communication est un axe essentiel de la stratégie de développement de lentrepri-
Le déclin Jacques Bouhelier : “L’individualisme a sabordé le marché français”
L’ancien directeur de la société Kiplé livre son propre sentiment 15 après la disparition de son entreprise, sur la situation de l’horlogerie à l’époque.
Càd : Pensez-vous que même si les horlogers français avaient pris dans les délais le virage du quartz, ils nau- raient fait que retarder leur déclin en perdant de toute façon la bataille des prix ? J.B. : En 1985, nous avons reçu de plein fouet la vague des pro- duits dExtrême Orient et leur politique de prix que nous ne
rative de Palente) qui tentait de réimplanter cette marque sur le marché. Mon but était de distribuer cette marque en exclusivité à léchelle nationa- le. Jai fait un mauvais calcul car je pensais que les horlogers bijoutiers accepteraient de com- mercialiser Lip. Mais cétait sans compter sur la rancune de cette profession vis-à-vis de laf- faire Lip. Au moment du déclin de cette entreprise, le comité dentreprise avait constitué un trésor de guerre et vendait des montres en direct sur le mar- ché pour payer les salariés. Ils court-circuitaient de fait le réseau de distribution. Au final, la plupart des bénéfices de Kiplé ont été absorbés par la com- mercialisation des montres Lip, des produits avec lesquels nous réalisions 12% de notre chiffre daffaires. Càd : Cest Lip qui a plombé Kiplé ? J.B. : Lip et la concurrence dEx- trême Orient. À la fin des années 80, pour sauver len- treprise, jai vendu 67% des actions à la société Orfima qui a renfloué le capital de Kiplé. De mon côté, jai réinvesti à mon tour le produit de la vente de mes participations dans len- treprise qui était consolidée
financièrement et allait pouvoir refaire surface. Puis il y a des fautes de stratégie, notamment pour la commercialisation de la marque Lip. Càd : Vous importiez 60% de vos produits des pays dEx- trême Orient. Des quantités très importantes pour une entreprise mortuacienne ?
C est à dire : Comment expliquez-vous la chu- te de lhorlogerie fran- çaise ? Jacques Bouhelier : Je crois que cette dégringolade sexplique par la conjonction de plusieurs facteurs. Lapparition du quartz dans lhorlogerie en est un. Mais le plus important est sans dou- te larrivée sur le marché des fabricants de composants du Sud
pas eu peur du quartz. À tort. Je pensais quil était anormal que lon fasse appel à une sour- ce dénergie extérieure, la pile, pour faire fonctionner une montre, alors que la montre automatique était parfaitement autonome. Pour faire une com- paraison, cest un peu comme si dans le domaine de lauto- mobile on avait commencé par inventer des voitures qui rou-
la production horlogère passe de 3% à 90%. Càd : Vous commercialisiez de la montre mécanique. Comment avez-vous réagi face au quartz ? J.B. : Au début des années 80 le quartz sest vulgarisé. Dabord jai pensé que nous nétions pas armés en France pour lutter contre des gens qui étaient plus puissants que nous. Je me suis dit alors que le seul moyen de sen sortir était dêtre présent sur tous les créneaux du mar- ché. À ce moment-là, jai mis en place une force de vente de 17 représentants qui avaient pour objectif de trouver de nouveaux distributeurs quétaient les bureaux de tabac en plus des grandes surfaces. Le principe de cette démarche était de diver- sifier la clientèle. Càd : Dans le même temps, vous avez cherché à diver- sifier lactivité en commer- cialisant la marque Lip après que cette entreprise bisontine a été démantelée ? J.B. : En effet, jai approché la coopérative Lip (société coopé-
J.B. : Nous avons importé des montres dExtrême Orient car nous y étions contraints pour être présents sur le marché du quartz. Au début des années 80, on pouvait difficilement se procurer le produit
pouvions pas tenir en France. En effet, même si nous avions réussi à nous adapter au quartz rapidement et sortir des produits bon marché, nous naurions de toute façon pas pu concurrencer ces gens-
Nous nau- rions pas pu tenir face à lExtrême Orient.
est asiatique. Certaines entreprises se sont trou- vées face à une concur- rence à laquelle elles navaient jamais été confrontées. Pour Kiplé, le problème était un peu
lent sans essence et que dun coup on vous annonce que les moteurs révolution- naires auront besoin de carburant pour avan- cer. Il y a une situation
Je nai pas eu peur du quartz. À tort.
quartz en France. Ensuite, la montre à quartz coûtait 5 fois moins cher que les modèles achetés sur le marché français. Càd : Avez-vous envisagé de délocaliser dans cette par- tie du monde ? J.B. : Jy ai pensé en effet, mais je nai jamais concrétisé. Car la délocalisation posait des pro- blèmes trop importants en termes de logistique. Il fallait sur place disposer dune main duvre compétente et des cadres pour mettre en place la fabrication des montres.
là. La profession aurait sans doute trouvé une solution si les horlogers sétaient fédérés pour avancer ensemble et créer une unité de fabrication du quartz. Peut-être aurions-nous survé- cu. Il y a eu des initiatives en ce sens, mais je pense que lin- dividualisme a sabordé le mar- ché français. Les seuls qui tirent désormais leur épingle du jeu en France sont ceux qui sont positionnés sur le marché haut de gamme. ! Propos recueillis par T.C.
différent car au départ les pro- duits concurrents venus dEx- trême Orient nétaient pas de bonne qualité, ce qui nous don- nait une longueur davance. Jus- quau moment ou les Japonais avec Seiko et Citizen se sont posi- tionnés sur le marché du moyen de gamme avec des montres de qualité. Càd : Vous avez cru au quartz ? J.B. : Pour nous qui fabriquions de la montre mécanique, je nai
de dépendance qui me semblait incohérente. Mais je ne savais pas à lépoque que la pile serait miniaturisée et que les montres disposeraient désormais dune longue autonomie. Le passage de la montre mécanique à la montre à quartz sest fait beau- coup plus rapidement que je ne le pensais. Le phénomène sest accéléré avec le quartz analo- gique à aiguille qui a concur- rencé de plein fouet la montre mécanique. En 5 ans, entre 1980 et 1985, la part du quartz dans
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