Journal C'est à Dire 261 - Janvier 2020

D O S S I E R

LA FACE CACHÉE DE L’ELDORADO

Les relations transfrontalières entre la France et la Suisse voisine sont pourvoyeuses d’emplois et de richesses. C’est la manière la plus classique de présenter la zone frontalière. En somme, une relation gagnant-gagnant. Certains prétendent pourtant, à l’image des chercheurs du Forum transfrontalier Arc jurassien, un espace de réflexion à composantes franco-suisses, qu’on serait désormais dans un rapport perdant-perdant. Perdant pour la population, pour l’environnement, pour les finances des communes et pour la consommation foncière entre autres. Leur thèse met la lumière la face cachée de l’eldorado frontalier. Arguments à l’appui. La bande frontalière et ses contrastes Analyse

tensions importantes sur lemar- ché du logement où le montant des transactions immobilières est élevé. Ils entraînent aussi à la hausse les prix à la location, “impliquant un reste à charge important pour les bénéficiaires d’une aide au logement” ajoute l’étude. C’est notamment le cas dans le Grand Pontarlier où un quart de ceux résidant dans le parc privé consacrent plus de 39 % de leur budget à se loger, contre 22 % des bénéficiaires dans le Doubs et 17 % dans la région. Le Val de Morteau, deuxième espace le plus peuplé de la bande frontalière avec 20 400 habi- tants, est encore plus fortement ouvrier qualifié dans l’industrie horlogère et de précision. De nombreux cadres y habitent et travaillent également de l’autre côté de la frontière. Ce territoire, devenu très résidentiel, est ainsi celui où le niveau de vie médian annuel est le plus élevé, 30 400 euros. La part de la popu- lation vivant sous le seuil de pauvreté est très faible (5,5 %) mais les personnes en situation de pauvreté monétaire ont un niveau de vie parmi les plus fai- bles du département (9 880 euros annuels). C’est le principal para- doxe de ce territoire contrasté. Sous le vernis doré se cache une autre couche moins brillante. n J.-F.H. tourné vers la Suisse que les autres terri- toires duHaut-Doubs frontalier. Ici, un actif sur deux travaille en Suisse, souvent

L’attractivité résidentielle de la zone frontalière soutient la vitalité démographique du Doubs et les salaires suisses un niveau de vie élevé. Mais les pauvres y sont plus pauvres qu’ailleurs. C’est tout le paradoxe de l’eldorado frontalier.

gogne-Franche-Comté dans une récente étude. Les actifs résidant dans le dépar- tement sont plus qualifiés qu’en moyenne dans la région. La part de salariés exerçant un métier d’ouvrier qualifié ou de cadre est plus élevée, en lien notam- ment avec les emplois d’ouvriers hautement qualifiés en Suisse. De 30 à 50 % des actifs des com- munes frontalières, principale- ment des ouvriers qualifiés, vont travailler en Suisse. “Ces terri- toires gagnent donc des habitants démographique s’accompagne d’un développement d’équipe- ments et de commerces” notent les statisticiens. Dans le Haut- Doubs, la pauvreté monétaire est certes contenue car la popu- lation bénéficie de revenus glo- balement très élevés. Sur l’en- semble des sept intercommunalités de la bande frontalière, le niveau de vie médian annuel de la population atteint 27 600 euros, “mais il cache de fortes disparités” ajoute l’I.N.S.E.E. Aussi, le développement du tra- vail frontalier, l’installation de Suisses attirés par les prix attractifs de l’immobilier en France génèrent également des grâce aux excédents migratoires et natu- rels. Ils sont ainsi deve- nus très résidentiels et davantage artificiali- sés. Cette croissance

France métropolitaine. La pau- vreté monétaire y est moins répandue qu’en moyenne dans la région : 12,2%de la population vit sous le seuil de pauvreté en 2016 contre 13,1 % en Bour- gogne-Franche-Comté. “Néan- moins, les inégalités de niveau de vie peuvent être très impor- tantes” souligne l’I.N.S.E.E.Bour-

L e travail en Suisse favo- rise l’installation de jeunes actifs sur la zone frontalière française et les pôles d’emplois suisses offrent

frontaliers. Le Doubs est ainsi le départe- ment où le niveau de vie médian de la population est le plus élevé de la région et le 15ème de

des opportunités particulière- ment attractives notamment dans l’industrie : 11 % des actifs du Doubs partent y travailler quotidiennement, soit 25 000

Plus de 39 % de leur budget pour se loger.

Le secteur de Morteau abrite

les revenus médians les plus hauts, mais les

personnes en situation de précarité ont un niveau de vie parmi les plus faibles du département.

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