Journal C'est à Dire 192 - Octobre 2013

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Deuil Les cérémonies civiles Les obsèques civiles marquent un certain recul de la foi et de ses pratiques, y compris en milieu rural et même en terre catholique comme dans le Haut-Doubs. Alors, de plus en plus souvent, les funérailles se déroulent sans “passer à l’église”.

À l’instar du mariage et de plus en plus souvent du baptême, la Répu- blique est désormais appelée à la rescousse pour les célébrations d’obsèques. Aucune

prendre de l’ampleur à en juger par l’étude menée par les pompes funèbres :45%des Français disent souhaiter ce genre de cérémonie pour eux-mêmes.Malgré le poids des traditions.

semblement large ou une réunion plus intime. Les entre- prises spécialisées disposent d’un recueil de textes adaptés à toutes les circonstances et d’un choix de musiques de tous les styles. Les familles ont toute latitude pour y puiser, comme pour s’inspirer des schémas de cérémonie qu’on leur présen- te. Nombre de personnes sou- haitent prendre une part acti- ve à la conception de la céré- monie et à sa réalisation. Avec l’aide des professionnels, elles peuvent préparer un temps d’hommage qui reflète vraiment la vie et la personnalité du défunt pour exprimer l’affection et la reconnaissance de ses proches et de ses amis. Sim- plement.

obligation légale certes pour les communes de mettre à disposition des salles aux familles endeuillées mais dans les faits, les élus répondent positivement à ce type de demandes com-

En pareil cas, les familles peuvent prendre elles- mêmes l’initiative de pré- parer la cérémonie et de la mener à bien. Elles peuvent également en confier la réalisation à

45 % des Français disent le souhaiter.

me le confirme la présidente des maires du Doubs Christine Bou- quin. Des demandes toutefois rares puisque la plupart du temps les cérémonies d’obsèques civiles ont lieu au funérarium, au cré- matorium ou au cimetière. Le phénomène,s’il peut paraître mar- ginal pourrait pourtant bien

une personne, une association, un groupe, mais c’est le plus sou- vent vers les professionnels qu’elles se tournent. Dans ce cas de figure, l’hommage est pré- paré en lien avec un conseiller funéraire et un maître de céré- monie. Il revient à la famille de dire si elle souhaite un ras-

Morteau Libres penseurs, francs-maçons, les signes qui ne trompent pas Toutes les tombes du cimetière de Morteau ne sont pas surmontées d’une croix. Des sépultures portent des symboles qui donnent des indications sur la personnalité du défunt ou son appartenance à un ordre.

E n avançant dans les allées du cimetière de Morteau, on remarque que des tombes ne ressemblent pas aux autres. À la place de la croix, symbole de la com- munauté chrétienne, qui sur- monte la plupart des sépul- tures, il arrive qu’il y ait une colonne brisée. Cet élément est interprétable de deux manières. Il peut évoquer la mort prématurée de la per- sonne ou révéler sa person- nalité. En effet, la colonne bri- sée est un signe des libres pen- seurs, un courant qui lutte contre les cléricalismes et plus globalement, contre tous les dogmatismes. Pas de croix non plus sur la tom- be des francs-maçons inhumés à Morteau, mais une couronne gravée dans la pierre et une urne drapée. Ces symboles sont visibles par exemple sur la tom- be de Léon Mercier décédé en 1922. “Il a été franc-maçon sur la deuxième partie de sa vie” remarque l’historien local Hen- ri Leiser. Mais ces éléments qui ornent la tombe sont toutefois moins ostensibles que le com- pas et l’équerre qui n’apparaissent nulle part sur cette sépulture alors qu’ils per- mettraient d’être affirmatif sur l’appartenance du défunt à la franc-maçonnerie. Néanmoins à l’époque, plusieurs Mortuaciens appartenaient à cet ordre, dont le maire Augus- te Magnenet qui pendant son mandat transforma les

L es croyances entourant un décès étaient et sont encore très présentes : une pie ou encore une chouette qui se fait entendre près de la maison, un chien qui hurle à la mort… autant de signes annon- ciateurs et de bien mauvais augure. Autre façon très originale de savoir si un malade allait surmonter la gravité de son mal ou trépasser, on lui frottait la plante du pied avec du lard que l’on jetait ensuite aux chiens. Si ceux-ci refusaient de le manger, c’était un bien mauvais présage. Dès le décès survenu dans une famille, toutes les activités s’arrêtent. Les travaux sont mis en attente et les animaux rentrés. Dans la maison, les miroirs sont couverts, les horloges sont réduites au silence. Et toutes les eaux stag- Histoire Le deuil autrefois Dès le décès survenu, les cloches de l’église retentissaient pour informer et mobiliser les habitants appelés à soute- nir la famille dans la peine. Un dernier instant partagé par toute la communau- té villageoise, solidaire et respectueuse de rituels précis.

nantes, par exemple celles restées dans un sceau, sont aussitôt jetées pour éviter que l’âme du défunt ne s’y noie. Proches et voisins arrivent et s’occupent de l’intendance de la maison. Ils ont aussi pour mission de faire la toilette du mort et de l’habiller. Puis ceux-ci préparent la chambre du défunt pour la veillée mortuaire où chacun viendra prier et rendre un premier hom- mage avant l’instant tout aussi solennel des obsèques à l’église. Dans les villages francs-comtois, la tradition voulait également que le défunt soit enterré avec des objets personnels, religieux surtout, comme un chapelet. Et même avec un jouet s’il s’agissait d’un enfant, afin qu’il puisse s’amuser avec les anges. Vient ensuite le jour des funérailles. Tout le village est mobilisé et accompagne, mora- lement et physiquement, la famille qui enterre l’un des siens. Le cortège se for- me alors dans un ordre très précis der- rière le corbillard qui se rend du domici- le à l’église. Le cimetière est alors quant à lui bien souvent mitoyen de l’édifice, puis la place venant à manquer, ils seront repoussés loin des centres-bourgs. Enfin, après la céré- monie religieuse et la mise en terre du corps du défunt, pour clore cette journée de deuil, tous partagent un repas en mémoire de la person- ne décédée : famille, amis, voisins, sans oublier le curé et le fossoyeur.

Un repas pour finir.

Dans ce cas, la colonne brisée a sans doute été choisie pour évoquer la mort prématurée de la personne. Une jeune femme morte à l’âge de 24 ans. Le cimetière disparu de Morteau L e cimetière situé près de lʼéglise nʼest pas le premier de la ville. Il en existait un autre à la place de lʼactuelle cure qui sʼétendait à lʼendroit de la route et à proximi- té de lʼédifice religieux. Les premières tombes ont été creusées vers 1880 dans le cimetière que lʼon connaît aujour- dʼhui. Un mystère demeure toujours. Les passionnés dʼhistoire sʼinterrogent encore sur lʼendroit où ont pu être inhumées les centaines de personnes tuées dans la guerre contre les Suédois en 1639.

le mausolée bien abîmé de la famille Pertusier, se trouve la

la pierre tombale de l’homme d’Église, sont sculptés un cali- ce, et de part et d’autre deux torches, une à l’endroit et l’autre à l’envers. La flamme de celle qui est plongée vers le bas remonte vers le ciel. “C’est le symbole de la résurrection.”

Sur une autre tombe proche de l’entrée, le promeneur peut découvrir gravée dans la pier- re une poignée de mains fra- ternelle. Ce même symbole est visible à la fruitière de Gran- d’Combe-Chateleu. T.C.

anciennes halles en école dans les années 1880. Ses obsèques en 1889 ont été sui-

tombe de l’abbé Balanche. “Décédé en 1850, il fut le pre- mier curé de Mor-

Un symbole de résurrection.

vies d’un repas maçonnique. Plus loin dans les allées, après

teau après la Révolution” remarque Henri Leiser. Sur

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