Journal C'est à Dire 190 - Septembre 2013

V A L D E M O R T E A U

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Tourisme L’étude à 23 000 euros qui nous apprend que le Doubs est un fleuve… La communauté de communes a missionné un cabinet d’études parisien pour dresser un diagnostic du tou- risme dans le Val de Morteau. Le rapport de 92 pages cumule les approximations et les erreurs. Florilège.

C omment peut-on lais- ser passer de telles énormités ? Comment ne pas s’apercevoir, au fil de l’étude menée par ce cabi- net parisien nommé “MaHoc” que les personnes qui en sont responsables ne connaissent pas grand-chose, sinon rien du tout, au territoire qu’elles diagnos- tiquent ? À la lecture de ce docu- ment intitulé “Étude de straté- gie de développement touris- tique du territoire de la com- munauté de communes du Val de Morteau” rendu en juin der- nier aux élus, on ne peut qu’être effaré par tant d’amateurisme. On passera sur les nombreuses coquilles et fautes d’orthographe comme ce “s” au bout de Gran- d’Combe(s) en page 5 du docu- ment. On tolère encore que page 36, le cabinet d’études cite qu’il y a deux cours couverts de tennis (et non pas deux courts), ou que page 44, il écrive le mot “départemantal” avec un “a”… Page 48, on évoque dans un titre mal relu la “situtation” de Mor- teau au lieu de “situation”. Pas- sons. Mais là où les résultats de cet- te étude, disons, bâclée, irritent franchement, c’est quand on lit, dès le début du rapport, que le Doubs est un fleuve ! Dans quel-

Le cabinet d’étude affirme que les liaisons ferroviaires entre Mor- teau et Montbéliard sont “plus fréquentes la semaine que le week-end.” Édifiant.

le mer se jette-t-il ? Les enquê- teurs ne l’ont pas précisé. Un peu plus loin, page 11, parmi les fleu- rons de l’industrie mortuacien- ne, le cabinet d’études cite notam- ment la société Altitude, igno- rant certainement que cette fabrique de baromètres qui a fer- mé ses portes en décembre der- nier a rapatrié depuis, toute sa production au Danemark. Page 13, le nom des habitants des huit communes de la com- munauté de communes est cité, sauf un, on se demande pourquoi, ceux du Bélieu. Plutôt que de pui-

ser leurs informations sur le site Wikipédia comme cela est men- tionné, les enquêteurs auraient aisément trouvé que les riverains du Bélieu s’appellent les Mange- lard. Sans doute était-il trop com- pliqué d’interroger le maire. Les choses se corsent et devien- nent franchement grotesques quelques pages plus loin au cha- pitre de la desserte ferroviaire. On apprend avec stupéfaction page 18 du rapport, qu’entre Mor- teau et Pontarlier, “il n’y a seu- lement trois trains dans la jour- née” (sic) et que durant le week-

end, il y en a “deux le samedi et trois le dimanche.” Nous avons interrogé la responsable de l’étude,Martine Malaganne, pour savoir si le voyage avait été agréable dans le train qui l’a conduite de Morteau à Pontar- lier. Nous attendons toujours sa réponse…Le summumest atteint toujours page 18 quand le cabi- net MaHoc affirme qu’entreMont- béliard et Morteau, “la semaine, les trains sont plus fréquents, même s’il reste une lacune dans la matinée entre 9 heures et 12 heures où la desserte n’a pas lieu. Le week-end, au contraire les visiteurs pourraient être pri- vilégiés mais dans ce cas les heures de pointe restent privilé- giées : entre 8 heures et 9 heures, à 12 heures et entre 17 heures et 18 heures” Peut-être le cabi- net fait-il allusion à la ligne du tacot Morteau-Trévillers dispa- rue il y a plus de 50 ans ?… Page 19, le cabinet décortique les liaisons aériennes proches duVal de Morteau. Il cite logiquement les aéroports de Bâle-Mulhouse, Genève et Dole, oubliant au pas- sage le plus proche, celui des Épla- tures à La Chaux-de-Fonds. Et on se pince en lisant que, “à une heure de route de Morteau, à Besançon, on trouve un petit aéro- drome qui assure des liaisons avec le Portugal.” Que le voya- geur qui a déjà emprunté la ligne régulière La Vèze-Lisbonne se manifeste à notre rédaction, il aura droit à un aller-retour gra- tuit ! Nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Page 20 du docu- ment, on lit avec effarement que le Doubs prend sa source dans le Val de Mouthe à près de 950 m d’altitude, avant de se jeter dans la Saône à Besançon ! Bravo au premier qui trouvera les quais de Saône à Besançon. De page en page, les bourdes et les erreurs s’accumulent. Ainsi toujours page 20, le cabinet d’études mentionne que la G.T.J. (Grande Traversée du Jura) peut être parcourue sur 400 km, dont 125 sur le territoire du Val de Morteau ! Rien que ça. Qu’à che- val, cette même G.T.J. est pra- ticable de Pontarlier à Crosey- le-Petit. C’est bien connu, Cro- sey-le-Petit, à côté de Clerval, se situe sur le territoire de la com- munauté de communes du Val

de Morteau. Sur le plan des hébergements, les erreurs sont tout aussi nom- breuses. Pêle-mêle, on y apprend qu’à Montlebon il y a un hôtel. Peut-être le Bellevue, fermé depuis deux ans et bientôt trans- formé en appartements ? Et où le cabinet d’études a-t-il bien pu trouver les 45 gîtes de France qu’il recense à Montlebon ou les 32 gîtes de France à Villers-le- Lac ? Tout comme il n’y a pas 6 meublés Clé-Vacances àMorteau, mais un seul. La chargée d’étude n’oublie pas au passage de men- tionner les qualités indéniables des Greniers duMeix-Lagor, pho- tos personnelles à l’appui. Nor- mal, c’est là qu’elle était héber- recense pas moins de 1 125 sur tout le territoire, avec un total de 1 125 lits, comme si chaque résidence ne possédait qu’un cou- chage. Bizarre, bizarre. On pas- sera sur le fait que l’étude ne recense que quatre restaurants sur Morteau (page 34 du docu- ment). Les restaurateurs oubliés vont être contents. Concernant les loisirs, incapable de recenser les offres sur le ter- ritoire de la communauté de com- munes, le cabinet n’a pas cher- ché plus loin en se basant sur les données fournies par le syndicat mixte du Pays Horloger. Et il a le toupet d’affirmer dans une phrase définitive que “ce tableau recense les offres touristiques du territoire. Il se base sur les bro- chures du Pays Horloger. Ainsi, il rend compte de l’offre touris- tique de l’actuel périmètre de la Communauté de Communes du Val de Morteau.” Il fallait oser. Terminons la litanie avec ces quelques perles. Page 37, les éru- dits parisiens affirment que l’église de Morteau a été ache- vée en 1420. Les historiens appré- cieront. Page 43, que le cinéma L’Atalante à Morteau organise un festival international du film. Celui-ci n’existe plus depuis plu- sieurs années. Parmi les mani- festations populaires, on trou- ve LA Flambée de la Morteau, alors que cela fait cinq ans que ses organisateurs s’échinent à gée à chacune de ses venues dans le Val de Morteau… Au chapitre des rési- dences secondaire, le cabinet MaHoc n’en

faire comprendre qu’il faut dire LE Flambée, au masculin. La suite vaut également la pei- ne. En page 48, au chapitre des équipements touristiques qui per- mettent d’apprécier le patrimoi- ne historique spécifique du Val de Morteau, les Parisiens de MaHoc nous conseillent de visi- ter les ateliers d’artistes, dont celui d’Yves Cupillard qui “per- pétue la fabrication artisanale et la restauration d’horloges com- toises.” Fermé depuis 2008, ce dernier appréciera néanmoins le compliment. L’auteur de ce crous- tillant rapport cite aussi le savoir- faire des frères Simoni à Mont- lebon (ce n’est pas plutôt Simo- nin ?). sans vergogne, avant de conseiller vivement la visite à Morteau du “musée de la chocolaterie” … Pas farouches, ils conseillent égale- ment la cave d’affinage du Fort Saint-Antoine et le Hameau du fromage. Allez, on n’est pas à 80 km près pour circonscrire le territoire du Val de Morteau ! Les nouvelles technologies n’ont pas été négligées par le cabinet d’études qui affirme avec aplomb que le terme le plus recherché par les internautes lorsqu’ils veu- lent se renseigner sur Morteau, c’est le club de handball local (C.A. Morteau) qui apparaîtrait 90 500 fois par mois sur le moteur de recherche Google. Mais où sont-ils allés chercher tout cela ? Pour terminer, on ne peut pas s’empêcher de souligner les connaissances pointues du cabi- net d’études en matière d’architecture quand il affirme que les “tuiles des clochers com- tois sont en tavaillons.” Le rapport présenté aux élus de la communauté de communes du Val de Morteau en juin dernier a été facturé 19 700 euros hors taxes à la collectivité, soit 23 500 euros T.T.C. Cette enquê- te poussée est censée poser les grandes lignes stratégiques du tourisme dans le Val de Morteau pour les cinq prochaines années. On peut être soulagé, l’avenir du tourisme est assuré. J.-F.H. Sur le plan de la gas- tronomie, les experts de MaHoc ont visi- blement apprécié l’absinthe du Val de Morteau qu’ils citent

Réaction “Notre marge de progression est énorme”

32 gîtes de France à Villers-le-Lac ?

Christophe André est le président de la com- mission “tourisme” à la communauté de communes du Val de Morteau. Il justifie le choix d’un cabinet d’études et trace les grandes lignes de ce futur contrat de station. C’ est àdire : Pourquoi avoir eu recours à un cabinet d’études qui dresse un tel diagnostic ? Christophe André : Le fait de faire appel à un cabinet d’études est un impératif, nous n’avions pas le choix. C’est une demande formelle du Conseil régional de Franche-Comté qui est le pilote en matière de contrats de station. C’est un peu comme une étude de faisabilité en matiè- re de travaux, c’est une première étape indis- pensable avant un chantier et qui conditionne l’obtention de subventions par la suite. Càd : Selon quels critères ce cabinet a-t-il été retenu ? C.A. : Par la procédure normale, à savoir un appel d’offres. Ce cabinet parisien avait travaillé avec le réseau Montagnes du Jura et avait été plutôt bien apprécié. Son objectif était de faire un état des lieux. C’est vrai que ce diagnostic comportait pas mal d’éléments étonnants, nous les leur avons d’ailleurs signalés et ils ne les ont pas forcément corrigés pour une histoire de temps. Mais ce qui compte, c’est la phase sui- vante, à savoir le plan pluriannuel d’actions qui amènera à la signature de ce contrat de station. Càd : A quoi sert un contrat de station ? C.A. : C’est un document contractuel qui défi- nit des axes stratégiques en matière de déve- loppement touristique. Chaque année, la com- munauté de communes réalise un certain nombre de petits travaux pour les aménagements tou- ristiques. Mais un contrat de station va plus loin : il s’agit d’affirmer qu’on veut vendre notre

secteur aux touristes afin que le Val de Morteau ne soit plus qu’une destination de passage mais une vraie destination et un lieu de résidence. Un tel contrat de station a été signé sur le Pays d’Ornans récemment, avec un beau succès. Càd : Quelles priorités ont été dégagées ? C.A. : Quatre axes stratégiques ont été retenus. Premier d’entre eux, l’aménagement et la valo- risation du Doubs (la rivière, pas le fleuve…). Deuxièmement, la valorisation des savoir-faire artisanaux présents sur le territoire. Ensuite, la structuration du tourisme avec un office du tourisme labellisé, accessible, avec des docu- ments multilingues, un site Internet performant, etc. Enfin la mutualisation des acteurs du tou- risme. L’idée étant de pouvoir proposer aux tou- ristes des packs complets dans le Val de Mor- teau. L’idée-force est vraiment de structurer l’offre touristique dans le Val de Morteau. Càd : Quand les actions précises seront- elles connues ? C.A. : Tout sera discuté en ce mois de septembre. Une commission de réflexion a été créée au sein de l’office du tourisme et c’est là qu’on va mettre toutes les idées sur la table pour pouvoir ensui- te dégager des priorités, hiérarchiser les actions et établir un calendrier d’investissements à éta- ler sur cinq ans. Cela peut aller de la rénova- tion du camping à la création d’un centre de vacances ou d’un itinéraire autour de l’horlogerie ou un projet autour du sport de pleine nature. Notre marge de progression est énorme en ce qui concerne le tourisme car pour l’instant tout se fait de façon individuelle. Il manque encore cette vraie coordination des acteurs. Ce contrat de station sera signé au cours de l’année pro- chaine avec un chiffrage des opérations à mener et un calendrier annuel d’investissements.

Propos recueillis par J.-F.H.

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