Journal C'est à Dire 179 - Septembre 2012

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É C O N O M I E

Les Fins

Transports Idoux : une jeune capitaine à la barre Fondée par Joseph Idoux, dirigée ensuite par Bernard Idoux, l’entreprise de transport basée aux Fins a été reprise cette année par Cécilia Dioley, une jeune dirigeante “née au milieu des camions”.

Cécilia Dioley a intégré l’entreprise Idoux à l’âge de 25 ans. À 29 ans, elle en est devenue la dirigeante.

C’ est à dire : Vous avez officiellement succédé àBernard Idoux à la tête de l’entreprise cette année. Com- ment êtes-vous arrivée à cet- te fonction si jeune ? Cécilia Dioley : Je suis issue d’une famille de transporteurs. Mon grand-père, qui d’ailleurs a habité le Val de Morteau, avait créé les transports Clot à Melin-

C.D. : Nous avons rempli notre objectif qui était justement de garder tous nos emplois et de maintenir à tout prix notre qua- lité de service. Les transports Idoux emploient 24 salariés au total et disposent de 18 véhi- cules. Càd : Quels ont vos objec- tifs maintenant que vous êtes seule aux manettes ? C.D. : L’idée principale est de renforcer nos démarches com- merciales sur le terrain. Avec la société de Haute-Saône, nous avons désormais un directeur commercial pour le groupe. L’autre orientation est de diver- sifier encore plus les relations avec la Suisse. Nous avons rete- nu deux mots pour l’entreprise : un développement raisonné et raisonnable. Nous ne sommes pas là pour mettre toujours plus de camions sur la route. Nous cherchons seulement à avoir des clients fidèles qui respectent leur fournisseur et avec lesquels on peut entretenir des relations et des négociations saines. Notre priorité est de traiter conve- nablement nos clients et à l’inverse, qu’on ait un bon retour de leur part. Càd : Quel est le métier de l’entreprise Idoux précisé- ment ? C.D. : Nous avons deux métiers : le transport et le stockage. Nous transportons du lot complet pour un seul client ou du lot partiel pour plusieurs clients dans un même camion. Nous couvrons tout le territoire national, sur- tout la moitié nord de la Fran- ce. Nous disposons aux Fins de 4 000 m 2 de stockage, avec un agrément des douanes. Deux personnes chez nous sont dédiées

à la logistique. Dans nos entre- pôts, on peut stocker l’équivalent de 2 600 palettes sur racks, plus 1 000 palettes au sol. Sur les quatre dernières années, le stoc- kage a pris de l’essor, nous sommes à + 5 % d’activité et on a surtout gagné en rentabilité. Càd : Et l’avenir ? C.D. : Nous sommes dans un contexte très incertain. Depuis quelques mois, on ressent une activité en dents de scie. Il y a des semaines où on manque de moyens, d’autres où on en a trop. Juillet est d’habitude un mois infernal, et là, il a été calme. Le grand problème est qu’on ne sait rien dire. Notre crainte est que le mois de septembre soit beau- coup plus calme que l’an dernier. Et aucun de nos clients ne peut dire à court terme l’activité qu’il aura. Nous sommes dans l’incertitude. En revanche, ce qu’on sait, c’est qu’on va subir des changements dans la législation. tements de charges vont être sup- primées. En plus, on sera touché en 2013 par une nouvelle éco- taxe équivalente à 12 centimes du kilomètre sur 15 000 km de réseau national. Un impôt de plus qui nous tombe dessus.Mais cette écotaxe aura certainement un effet pervers pour l’État car il deviendra plus avantageux d’emprunter l’autoroute que les nationales si bien que rien ne tombera dans les caisses de l’État. Pour compenser ces nouvelles mesures fiscales, nous devrions augmenter nos tarifs de 8 %. C’est inenvisageable pour nos clients. Càd : Lesquels ? C.D. : Plusieurs lois (T.E.P.A., Fillon…) qui concernaient des abat-

directement ce poste-clé qui consiste à organiser le planning des chauffeurs et à gérer les rela- tions avec les clients et les conducteurs. En plus, à cette époque, la conjoncture était fran- chement compliquée. J’ai occu- pé ce poste d’août 2008 à avril 2012, date où je suis deve- nue officiellement responsable de l’entreprise.

C.D. : Cette récompense a été décernée par l’Officiel des trans- porteurs. Elle me touche beau- coup dans la mesure où elle sou- ligne une histoire, un parcours et les trois derniers bilans de l’entreprise Idoux. C’est une bel- le surprise, un honneur et une grande reconnaissance. Prépa- rer ce dossier nous a aussi per- mis de prendre du recul sur notre activité. Càd : À 29 ans, vous vous esti- mez suffisamment expéri- mentée ? C.D. : Il est clair que j’ai la chan- ce d’avoir mon père comme conseil. Mais quand je prends une décision, c’est ma décision et je l’assume pleinement. Càd : Une jeune femme dans le monde du transport, ce n’est pas trop compliqué ? C.D. : Depuis que je suis haute comme trois pommes je vis au milieu des conducteurs, ça aide. Et je pense honnêtement avoir fait rapidement mes preuves en m’investissant plus qu’à 100 % dans cette belle entreprise. Je pense que tout le monde a pu constater dès le départ ma gran- de motivation. Quant à ce mon- de soi-disant macho, ici, nous ne sommes que deux filles sur 24, mais il y a des relations totale- ment saines et respectueuses. Càd : Vous avez le permis poids lourds ? C.D. : Pas encore, parce que je n’ai pas pu prendre le temps, mais je compte bien le passer bientôt.

Ce sujet va certainement entraî- ner des blocages à la rentrée… Càd : Quels sont vos objectifs pour 2013 en tant que chef d’entreprise ? C.D. : Apporter de nouveaux leviers à l’entreprise. L’an pro- chain, nous essaierons d’augmenter notre parc d’un ou deux véhicules. Nous réaliserons cette année 2,8 millions d’euros de chiffre d’affaires, l’idée est d’atteindre les 3 millions en 2013. Si le marché se maintient bien et si nous arrivons à avoir deux camions en plus, c’est réalisable. Pour le faire, il faut être serein sur son marché. Càd : Les relations avec l’entreprise familiale seront- elles renforcées ? C.D. : Bien sûr, il s’agit de créer des synergies entre les trans- ports Clot dirigés par mon père

Càd : Les trans- ports Idoux n’ont donc pas échappé à la crise ? C.D. : L’année der- nière en juin, nous avons perdu 35 % de

court en Haute-Saô- ne que dirige aujour- d’hui mon père. J’ai fait des études de ges- tion des P.M.E.-P.M.I. par alternance dans le domaine des trans-

“Un développement raisonné et raisonnable.”

ports. J’ai enchaîné avec un deuxième B.T.S. en transport et logistique internationale et fait l’école des managers à Besan- çon. J’ai toujours souhaité m’orienter vers le transport, un domaine dans lequel je baigne depuis toujours, sans toutefois vouloir travailler à l’intérieur de la société familiale. Avec mon père, on cherchait donc une peti- te société à reprendre. L’opportunité s’est présentée avec la société Idoux avec laquel- le les premiers contacts ont été établis fin 2007. Il est clair que si on n’avait pas eu notre socié- té familiale, on n’aurait pas pu reprendre la société Idoux. La décision de rachat a été prise en juin 2008 et en août de la même année j’intégrais la société. Et après trois ans, j’ai repris la direction. Càd : Vous avez intégré la société dans des conditions particulières… C.D. : Exactement puisque je suis arrivée au moment du décès du responsable d’exploitation, Bernard Perret. J’ai dû reprendre

notre activité. Simplement par- ce que l’entreprise Energizer en Suisse a fermé ses portes, elle représentait 35 % de notre acti- vité. Auparavant, en 2009-2010, nous avons subi la crise du sec- teur automobile. Et l’entreprise Fabi représentait 45 % de notre activité. Un de mes premiers objectifs ici a donc été de diver- sifier notre portefeuille de clients. Càd : Et cette stratégie a payé ? C.D. : Aujourd’hui, nous réali- sons le même chiffre d’affaires qu’avant la crise et désormais il n’y a pas un seul client qui dépasse les 20 % du chiffre d’affaires global. Un autre objec- tif a été aussi de développer notre activité avec la Suisse, via notamment les agences en doua- ne. Nous sommes sous-traitants privilégiés de ces transitaires. Nous avons également noué un partenariat avec les transports Von Bergen côté suisse. Càd : Vous avez réussi à maintenir l’emploi durant la crise ?

(75 salariés) et égale- ment l’agence dirigée par mon frère sur Lyon, qui emploie 8 personnes. Avec les trois entités, c’est un groupe d’une bonne centaine de per-

“Atteindre les 3 millions d’euros en 2013.”

sonnes.

Càd : La concurrence euro- péenne est-elle toujours aus- si vive dans le secteur des transports ? C.D. : Oui, sauf que certains clients commencent à en revenir car la qualité de service n’est pas toujours à la hauteur avec les transporteurs des pays de l’Est. Càd : Vous avez reçu récem- ment un prix de la profession en tant que chef d’entreprise parmi les plus jeunes de Fran- ce. Un honneur ?

Propos recueillis par J.-F.H.

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