Journal C'est à Dire 176 - Avril 2012

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D O S S I E R

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Le Russey

“On nous avait parlé de pacification…” Lorsqu’ils sont appelés sous les drapeaux, Jean-Claude Gillemenot, Léon Faivre et Gabriel Devillers, tous trois habitants du Russey, ne savent pas ce qui les attend de l’autre côté de la Méditerranée. On leur a juste parlé de pacification…

E n octobre 1955, Jean- Claude Guillemenot devance l’appel et quit- te donc à 20 ans son travail d’électromécanicien pour rejoindre la base aérienne de Luxeuil puis Clermont-Ferrand où il fait ses classes. Léon Faivre, 20 ans, est ouvrier dans une usine d’horlogerie quand il est appelé en novembre 1956 au 35 ème R.I. de Belfort où il effec- tue d’abord quatre mois de classes. Gabriel Devillers enfin est incorporé lui aussi dans la cité du Lion à 21 ans en juin 1955. Première surprise commune aux trois hommes, le départ pour l’Algérie qui se fait de nuit, dans une discrétion étonnante, tout comme la mission dont on leur parle : aller pacifier ce pays loin- Gabriel et Léon. “Dans le bled, nous étions logés dans des mech- tas” confient-ils. Dès leur arri- vée sur le sol algérien, ils com- prennent que le danger est bien réel et qu’ils ne sont pas là pour voir du pays dans un climat serein. Pour avancer vers leur campement déjà, des rafales préventives sont tirées pour fai- re fuir d’éventuels ennemis. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : des ennemis, comme dans tou- te guerre, même si celle-ci ne dit pas son nom. Léon Faivre évoque alors “les missions de renseignements pour capturer les fellaghas et les embuscades menées au cœur des nuits noires dans des paysages désertiques.” Le danger est là à tous les instants, il peut venir de partout. “Dans ces montagnes, nous étions mal équipés” explique Gabriel Devillers qui poursuit : “On se sentait obser- vés en permanence, à portée de tain, y remettre de l’ordre. Après un transit par Marseille et une tra- versée inconfortable, ils sont affectés à Oran à la base aérienne pour Jean- Claude et à la campagne en ce qui concerne

fusil des ennemis.” Des moments impressionnants, notamment quand un camarade blessé hur- le à ses côtés. En ville, Jean- Claude Guillemenot se souvient lui des gardes et des avions qui partaient la nuit, “en recon- naissance, y compris à l’aveugle” précise-t-il. Tous trois ont été très marqués par la mort de jeunes gens com- me eux, “notamment de 26 sol- dats français abattus dans un guet-apens à Sidi-Driss” se sou- viennent Léon et Gabriel. Tout comme leur reviennent en mémoire les télégrammes que des familles recevaient sur le plateau leur expliquant qu’un fils, un frère, un mari était mort pour la France, là-bas, en Algé- rie, ce pays qu’ils devaient paci- fier. D’une seule voix, eux sont revenus que quelques jours au pays durant cette longue pério- de. Et au retour, il a bien fallu en parler. Un peu. Par pudeur peut-être. Parce que le trau- matisme était bien présent, c’est sûr pour ces trois jeunes gens qui n’ont “pas demandé à y aller” mais qui ont “fait leur devoir de soldat.” Car là-bas, ils sont d’accord sur un constat : “C’était eux ou nous.” Alors, voir aujour- d’hui des films où l’on fustige les soldats français qui auraient violé, torturé, forcément, ils en sont blessés, écœurés même. Ne serait-ce que par respect pour leurs copains, morts pen- dant cette guerre à 20 ans et dont un haut gradé de l’armée a dit un jour d’enterrement : “Je souhaite de tout cœur que le sacrifice de vos vies ne soit pas vain.” C’est aussi pour cela que Jean-Claude, Gabriel et Léon témoignent aujourd’hui. D.A. conscients d’avoir eu “la chance de s’en sor- tir.” Jean-Claude est rentré au Russey après 27 mois. Gabriel et Léon sont restés 22 mois en Algérie. Tous ne sont

Léon Faivre, Gabriel

Devillers et Jean-Clau- de Guille- menot (de gauche à droite)

Des souvenirs encore très vivaces.

Gabriel Devillers (3 ème depuis la gauche) pose du barbelé dans le djebel algérien.

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